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Analyse du risque systémique

Dans le document Analyse et mesure du risque systémique (Page 197-200)

Pour définir le risque systémique, nous analysons les différents types de risques auxquels est soumis une institution financières pour distinguer ceux qui font sens uniquement au niveau individuel de ceux qui sont pertinents dans une analyse des risques au niveau du système. Une étape préliminaire mais indispensable à la dé- finition du risque systémique est de se donner un système, c’est-à-dire une liste d’institutions financières.

Pour toute institution appartenant à ce système, les premiers risques identifiés sont les risques associés directement aux actifs détenus, ou plus généralement aux acti- vités poursuivies. Si une institution possède un titre financier, elle est exposée au risque de variation de cours de ce titre. Ces risques spécifiques aux actifs doivent être complétés par le risque de corrélation entre actifs. Ce risque prend en compte la structure de dépendance entre les différentes actifs détenus par l’institution. Comme le système comporte plusieurs institutions, il est possible de distinguer les actifs dé- tenus par une seule institution de ceux détenus par plusieurs institutions. Le risque découlant des actifs communs est le risque systématique alors que le risque décou- lant des actifs propres à une institution est le risque idiosyncratique. La ramification

4. En version originale : "[Systemic risk is the] risk of disruption to financial services that is (i) caused by an impairment of all or parts of the financial system and (ii) has the potential to have serious negative consequences for the real economy."

risque spécifique à un actif et risque de corrélation se décline au niveau du risque idiosyncratique et au niveau du risque systématique. Notons que le caractère systé- matique ou idiosyncratique dépend de la définition du système : il ne s’agit donc pas d’une différence de nature. Ces risques partagent un caractère exogène au sens où ils proviennent de l’extérieur du système financier. Ces risques sont bien identifiés dans la réglementation : risque de taux, risque de marché, risque de défaut... Dans une démarche exhaustive il est nécessaire de les compléter par un risque endogène à l’institution. Nous appelons ainsi risque d’amplification le risque, que par sa réaction propre, une institution introduise une structure de dépendance entre des facteurs de risques exogènes.

Agréger les mesures de risques individuels pour l’ensemble des institutions afin de déterminer déterminer le risque au niveau du système est un cul-de-sac. Première- ment, les techniques d’agrégation des risques individuels intègrent un principe de sous-additivité : la mesure d’un ensemble de risques est plus petite que la somme des mesures de chaque risque. Ce mécanisme correspond à l’intuition que la diver- sification est positive (voir Artzner et al. (1999) pour une formalisation). Malgré son attrait, imposer un principe de diversification n’est pas viable car cela va à l’encontre de la prise en compte du risque de corrélation entre actifs et du risque d’amplification. Deuxièmement, les mesures individuelles ne sont pas non plus une clef de répartition du risque total. Il s’agit du risque auquel s’expose l’institution alors qu’une répartition doit s’effectuer selon le risque généré par chaque institution. En réalité, pour déterminer les contributions des institutions au risque du système, il est nécessaire d’inverser la logique. Il faut d’abord mesurer le risque du système à un niveau agrégé puis en déduire les contributions de chaque institution. Ces contributions doivent être additives : la somme des contributions doit être exacte- ment le risque du système. Gouriéroux and Monfort (2013) fournissent un ensemble d’axiomes formels pour que la démarche soit cohérente. En adoptant le point de vue agrégé, il apparaît que le système génère en son sein un risque endogène. Il s’agit du risque que les pertes d’une institution engendrent des pertes pour une autre institu- tion. Ce risque de contagion peut être direct lorsqu’il repose sur des interconnexions contractuelles entre institutions ou indirect lorsque la contagion fait appel à d’autres mécanismes. Enfin, il faut garder l’esprit qu’il n’y a malheureusement pas de rela- tions univoques entre la taille des chocs et la magnitude de leurs effets (Embrechts et al. (1997), Dubecq and Gourieroux (2012)). Le comportement de cause à effet en temps normal n’est pas celui en situation extrême. Nous proposons donc de diviser les risques globaux, ceux qui proviennent de l’appartenance à un système, en deux catégories : ceux usuels et ceux extrêmes.

Cette analyse des différents types de risques, résumée en Table E.1, nous permet de définir le risque systémique en postulant qu’il correspond à ce qui ne relève pas

Risques propres Risques globaux usuels Risques globaux extrêmes à l’institution affectant l’institution affectant l’institution Exogène idiosyncratique : systématique usuel : systématique extrême :

-spécifique à un actif -spécifique à un actif -spécifique à un actif -corrélation entre actifs -corrélation entre actifs -corrélation entre actifs Endogène amplification contagion usuelle : contagion extrême :

- directe - directe

- indirecte - indirecte Table E.1 – Risques individuels

d’une perspective individuelle de la gestion du risque. Ainsi le risque systémique est composé des risques systématiques extrêmes, des risques de contagion usuelle et des risques de contagion extrême. Les trois autres catégories –risque idiosyncratique, risque systématique usuel et risque d’amplification– appartiennent à une logique individuelle.

Modélisation

Le cadre adopté pour définir le risque systémique est assez souple en terme de modélisation. Un objectif primordial d’un modèle d’évaluation du risque systémique est sa capacité à éclairer le choix de politique publique en termes de régulation et de supervision. Cet objectif pousse à opter pour une approche structurelle. Dans une approche structurelle, le modèle économétrique est une transcription d’un modèle économique modélisant le comportement des agents. Ainsi, les différents coefficients estimés à partir des données ont une interprétation propre donnée par la théorie économique. Ce choix est cohérent si l’économètre dispose de données nécessaires ou de techniques satisfaisantes pour imputer ces données à partir de l’information dont il dispose. Si la contrainte d’indisponibilité des données est trop forte, une approche sous forme réduite est à adopter.

La modélisation du risque systématique extrême doit être menée avec soin mais est un prolongement du risque systématique usuel. Au contraire, le risque de contagion est un risque nouveau à modéliser. Nous concentrons à présenter les différents points nécessaires à sa modélisation. Les modèles sous forme réduite [Davis and Lo (2001a), Davis and Lo (2001b) ou Cousin et al. (2013)] traitent l’ensemble des institutions de manières identiques sans pouvoir rendre compte avec suffisamment de finesse des interconnections entre institutions. Néanmoins, ces travaux ont inspiré les premières approches structurelles. Les modèles structurels de contagion cherchent à modéliser la contagion comme une chute de la valeur des actifs d’une institution résultante du défaut d’une autre institution. Rosch and Winterfeldt (2008) proposent de distin- guer deux sous-populations d’institutions : celles qui peuvent générer du risque de

contagion et celles qui le subissent. Les premières institutions ne sont soumises qu’à du risque idiosyncratique et du risque systématique. Ces risques affectent la valeur de leurs actifs : lorsque le valeur des actifs est plus petite que la valeur de la dette nominale, l’institution est déclarée en défaut. La valeur de l’actif d’un institution de la seconde catégorie dépend d’un facteur idiosyncratique, d’un facteur systématique et d’un terme de contagion. Ce terme est une pénalisation proportionnelle au nombre d’institutions de la première catégorie en défaut. Egloff et al. (2007) prolongent cette démarche en faisant dépendre la valeur des actifs de toutes les institutions d’un terme idiosyncratique, d’un terme systématique et de la valeur des actifs des autres ins- titutions. Ce bouclage permet de modéliser la contagion. Sous certaines conditions techniques, il est possible de distinguer dans la situation finale ce qui relève du choc initial –termes idiosyncratique et systématiques– et ce qui relève de la contagion. Malgré ses qualités, ce modèle souffre du fait que le bouclage est plus technique qu’économique. Il y a des influences réciproques mais il n’est pas possible de les rattacher à des interconnexions contractuelles par exemple. Chez Gouriéroux et al. (2012), le bouclage entre les actifs des différentes institutions dépend explicitement des prêts qu’elles se consentent mutuellement. Cette approche peut s’étendre pour intégrer des formes de contagion indirecte, par les prix par exemple avec Cifuentes et al. (2005).

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