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Le modèle de Heckscher et Ohlin revisité

Commerce international et marché du travail

2. Fondements théoriques

2.1 Le modèle de Heckscher et Ohlin revisité

Le modèle de Heckscher et Ohlin (H-O) vise à expliquer les flux du commerce international par les différences dans les ressources. L’avantage comparatif d’un pays est déterminé par sa dotation en facteurs de production. Jones et Neary (1984, p. 15) résument la signification du modèle de H-O de la manière suivante: A country has a production biais towards, and hence tends to export, the commodity which uses intensively the factor with which it is relatively well endowed.

Le modèle de base se construit à partir de deux pays, deux biens et deux facteurs de production. Dans les deux pays, chacun des deux secteurs de production utilise un mélange des deux facteurs. Par hypothèse, la technologie employée est la même dans les deux pays. Les fonctions d’utilités sont également identiques. Les producteurs opèrent en concurrence parfaite et les rendements d’échelle sont constants.

Dans la formulation classique du modèle, les deux facteurs intervenant dans la production étaient le travail et le capital ou la terre. D’après Wood (1994), il est plus approprié d’utiliser d’autres facteurs, soit le travail qualifié d’une part et le travail non qualifié de l’autre. La différente dotation en ces deux facteurs de production est, selon lui, l'élément qui caractérise le mieux la diversité entre les économies des pays industrialisés et les économies des pays émergents. Elle est la clef permettant d'expliquer les aspects les plus significatifs des développements récents du commerce international.

Dans chacun des deux pays, le facteur de production rare est relativement cher en situation d'autarcie. Ainsi, dans un pays où la dotation en main-d'œuvre qualifiée est

faible, les salaires de ces travailleurs seront particulièrement élevés, relativement à ceux des travailleurs sans qualifications, en comparaison internationale. Le salaire relatif des travailleurs non qualifiés est par contre plus faible qu’à l’étranger. En cas d’ouverture au commerce international donc, ce pays jouit d’un avantage comparatif dans la production de biens à forte intensité en main-d'œuvre faiblement qualifiée.

Nous analysons les effets de l’ouverture au commerce international à l’aide de la figure 4.1. Elle résume la situation d'un pays industrialisé (I) qui passe d’une situation d'autarcie à une situation de libre-échange.

Les quantités de facteurs utilisées dans la production des deux biens ne peuvent pas dépasser la dotation initiale. Le pays I produit une quantité Q du bien X et uneX quantité Q du bien Y. Les heures de travail qualifiées utilisées dans la productionY de Q plus les heures de travail qualifiées employées pour produire X Q ne peuventY pas être supérieures au nombre d’heures totales que les travailleurs qualifiés du pays I sont en mesure de fournir. Le même principe vaut pour les heures de travail non qualifié. Ces conditions déterminent la frontière des possibilités de production du pays, FF dans la figure 4.1.

Nous supposons que le bien Y résulte d’une production intense en travail qualifié. La production du bien X est par contre intense en travail non qualifié. L’intensité en facteurs est mesurée par le ratio du travail qualifié sur le travail non qualifié employé dans la production d’une unité du bien X ou Y.

Figure 4.1

Effets de l'ouverture au commerce international du pays I.

Source: Auteur.

Au départ les deux pays produisent en situation d'autarcie. Par conséquent, chacun d’entre eux doit produire les quantités de X et Y nécessaires à satisfaire la demande domestique. Pour le pays industrialisé I, le point d’équilibre se trouve en A, où la pente de la tangente à la frontière des possibilités de production est égale au rapport des prix des deux biens et à la pente de la tangente à la courbe d'indifférence U de l'individu représentatif. Le pays I produit et consomme OC de X et OB de Y.

Supposons maintenant que les barrières au commerce international soient éliminées et que le pays I entre ainsi en relation d'échange avec un deuxième pays4. Dans les

4 Le passage d'une situation d'autarcie à une situation de complète ouverture au commerce international est la plus extrême. En termes de conséquences pour le marché du travail toutefois, le même résultat est obtenu en cas de simple réduction des barrières commerciales ou en cas de modification de l'offre totale de facteurs. Ainsi par exemple, une plus grande diffusion de l'éducation de base dans les PVD élargit

deux pays, les prix domestiques sont remplacés par un prix relatif international unique. Tant pour le bien X que pour le bien Y, le prix international se trouvera quelque part entre les niveaux de prix en vigueur précédemment dans les deux pays. Pour le pays I, cela implique une augmentation du prix de Y et une baisse du prix de X. Compte tenu du nouveau prix international P’, le pays I ajuste la composition de sa production qui se fixe au point D. Le pays produit OE de Y et OG de X et il consomme OI de Y et OL de X. Pour satisfaire la demande domestique, il échange donc EI de Y contre GL de X. Par rapport à l’équilibre de départ A, le pays atteint ainsi un niveau de bien-être supérieur (U'>U)5.

Dans les pages qui suivent nous voulons identifier les conséquences pour le marché du travail du pays I de l’ouverture au commerce international. Dans un premier temps, nous analyserons le canal théorique le plus classique de la transmission des effets du commerce international au marché du travail. Ce canal passe par les prix des produits pour atteindre les salaires. Il est connu sous le nom de théorème de Stolper et Samuelson6. Dans un deuxième temps, nous verrons que le lien entre commerce international et marché du travail ne doit pas forcément passer par les prix. Il peut se faire également par des modifications de la composition de la production à prix inchangés.