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Evolution du chômage naturel en Suisse

1. Concepts de base

1.1 Places vacantes et chômage

Nous commençons par une définition des concepts de place vacante et de chômeur. Une place vacante correspond à une place de travail offerte, autrement dit à une demande de travail de la part d’une entreprise. Pour que la place soit considérée comme vacante, il faut qu’elle soit immédiatement disponible et que l’entreprise adopte des démarches actives de recrutement1. En Suisse, le Seco définit les places vacantes officiellement enregistrées comme des postes vacants que les entreprises annoncent, généralement sans obligation, à l’office du travail. Les places vacantes sont assorties d’un délai de validité. Si celui-ci n’est pas mentionné explicitement par l’employeur, un délai type de deux mois est appliqué [OFDE (1998, p. 12)]. Un chômeur est une personne sans emploi qui est activement engagée dans la recherche d’une place de travail. Elle doit être en mesure d’exercer une profession et disposée à accepter des propositions de travail correspondant à ses qualifications et au niveau de salaire en vigueur sur le marché. En Suisse, sont considérés comme chômeurs, toutes les personnes inscrites auprès d’un office du travail, qui sont sans

emploi et qui sont immédiatement2 disponibles en vue d’un placement, qu’elles touchent ou non des indemnités de chômage [OFDE (1998, p. 7)]. Le chiffre mensuel des chômeurs est obtenu grâce à une enquête exhaustive fondée sur les registres des offices du travail.

Tant les effectifs des chômeurs que ceux des places vacantes reflètent la situation à un moment précis, en l’occurrence le dernier jour ouvrable du mois.

1.2 La relation U/V

En comparant les séries historiques des chômeurs (U) et places vacantes (V), Dow et Dicks-Mireaux (1958) ont été les premiers à mettre empiriquement en évidence l’existence d'une relation inverse entre U et V. Le schéma de Hansen, commenté dans le premier chapitre, illustre formellement cette relation inverse3.

La figure 1.1 permet de constater que, lorsque w1 > we, le nombre de chômeurs dépasse celui des places vacantes:

1 1 1 1 , , , ,w iw i w iw i EE SS EE DD − ′ ′ < − ′ ′ . De manière analogue, lorsque le salaire réel courant est inférieur au salaire d’équilibre (w2 <we), on observe que 2 2 2 2 , , , ,w i w iw i w i EE SS EE DD − ′ ′ > − ′ ′ . Dans cette situation, le nombre de places vacantes dépasse largement le nombre de chômeurs. Autrement dit, lorsque le chômage est particulièrement élevé, il y a peu de places vacantes et lorsque les places vacantes sont nombreuses on observe un nombre limité de chômeurs. Ce concept est résumé par la courbe U/V, dite également courbe de Beveridge. L’agrégation des courbes dans les différents secteurs d'activité permet d’obtenir la relation U/V au niveau macroéconomique.

2 Dans la pratique, il faut être disponible au placement dans les 30 jours pour pouvoir être considéré comme chômeur.

3 Armstrong et Taylor (1981) parviennent au même résultat en utilisant une fonction de demande de facteur travail qui dépend de la production anticipée.

Figure 2.1

La courbe de Beveridge.

Source: Franz (1991, p. 106).

La figure 2.1 trace une courbe de Beveridge théorique. La droite à 45 degrés représente l’ensemble des points où le nombre de chômeurs est égal à celui des places vacantes, U = V. Les mouvements le long de cette droite à 45 degrés indiquent des changements du niveau du chômage d’équilibre4 . Les déplacements le long d’une même courbe sont d’ordre conjoncturel. Tout point sur la courbe, tel B, se situant au-dessous de la droite à 45 degrés témoigne d’une phase de faiblesse de la demande globale. Symétriquement, une situation telle que celle représentée par le point C est synonyme d’une phase de haute conjoncture. Une augmentation du chômage de A à B serait donc entièrement expliquée par des arguments d’ordre conjoncturel (symbolisés par la baisse des places vacantes). Par contre, un mouvement de A vers D, qui produit une augmentation simultanée de U et de V, implique un déplacement de la courbe de Beverigde et donc une augmentation du chômage naturel. Le passage du point A au point E combine les deux effets. L’emplacement d’une économie sur la courbe fournit donc de l’information tant sur

la position de cette économie dans le cycle que sur le chômage naturel qui la caractérise.

1.3 Le comportement cyclique de la relation U/V et le chômage d’équilibre

D’après Blanchard et Diamond (1989), le comportement conjoncturel de la relation U/V est plus complexe que celui que nous venons de décrire. Afin d’analyser la dynamique conjoncturelle séparément, Blanchard et Diamond la modélisent en l’isolant des chocs de nature durable.

Figure 2.2

La courbe de Beveridge d’après Blanchard et Diamond.

Source: Blanchard et Diamond (1989, p. 37).

La figure 2.2 schématise cette dynamique conjoncturelle. Plutôt que de varier le long d’une même courbe, les variables symbolisant les places vacantes et les chômeurs suivent un mouvement en boucle dans le sens contraire à celui des aiguilles d'une montre autour du point d’équilibre stationnaire. Cette dynamique est dictée par le fait que les places vacantes et le nombre de chômeurs ne réagissent pas

avec la même rapidité aux changements de l’activité de production. Ainsi par exemple, à partir du point G, il est probable que la reprise de l’activité favorise une augmentation des places vacantes initialement plus rapide que la diminution des chômeurs. Lorsque la phase de croissance s’achève, on revient vers le point I, puisque la quantité de chômeurs continue pendant un certain temps de diminuer alors que l’apparition de nouvelles places vacantes se ralentit. L’évolution dans les phases de récession s’explique de manière analogue.

Cet argument a d’importantes implications pour l’identification empirique du chômage naturel. L’extrapolation du point où U = V, comme l’avaient suggéré Armstrong et Taylor (1981), risque de conduire à des estimations imprécises du chômage naturel. Le point estimé peut varier entre H et K et ces deux limites seront d’autant plus éloignées que la boucle définie par la dynamique conjoncturelle est large. Or, par définition, les trajectoires de la boucle sont provisoires et leur point d’intersection avec la droite à 45 degrés ne peut pas être considéré comme un point d’équilibre.

Toutefois, comme on le verra plus loin, dans le cas de la courbe de Beveridge suisse, cette dynamique conjoncturelle n’est pas très marquée. Par conséquent, au cours d’un même cycle, les approximations réalisées pendant les phases de croissance et de récession aboutissent à des résultats très semblables.