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C HAPITRE III Chronométrie des pulsars

III.2. PRINCIPE DE LA CHRONOMÉTRIE

III.2.2 Modèle de datation

Les TOAs déterminés précédemment sont généralement topocentriques, c’est-à-dire enregistrés par un observatoire en mouvement par rapport à la source de l’émission, et dans une échelle de temps variant de façon irrégulière par rapport au temps propre du pulsar. Le barycentre du système solaire est, en première approximation, en mouvement inertiel par rapport aux pulsars de la Galaxie ; on choisit donc de convertir les dates « topocentriques » (ti) en temps « barycentriques » (Ti). L’équation de transfert reliant les (ti) et (Ti) est la suivante :

T = t + ∆C− ∆D+ ∆R, + ∆E, − ∆S, + ∆B (III.4) Dans cette équation, ∆C représente les corrections d’horloges à apporter entre l’appareil de me-sure, qui enregistre des temps dans une certaine échelle, UTC (Temps Universel Coordonné), TAI

(Temps Atomique International) ou TT (Temps Terrestre), et une échelle standard proche du temps propre du pulsar, corrigée des irrégularités dues à la rotation de la Terre. L’utilisation de l’échelle TT, liée au temps atomique et dont l’unité est la seconde SI, est préconisée pour cette dernière. Plus de détails sur les définitions de systèmes temps-coordonnées sont disponibles dansAndersen(1999);

Rickman(2001);McCarthy & Petit(2004)

Le membre ∆D est un terme dispersif. Dans le milieu interstellaire, les rayons lumineux sont dispersés par les électrons présents sur leur parcours. Le terme dominant est :

D= DM k× f2

SSB

(III.5) où DM est la « mesure de dispersion », correspondant à la densité de colonne d’électrons pour une direction donnée, fSSB est la fréquence d’observation et k = 2, 410 × 10−4 MHz−2 cm−3 pc s−1 est la constante de dispersion (Manchester & Taylor 1977). Notons que pour un observateur situé sur Terre, la fréquence d’observation effective varie au cours de l’année, principalement à cause de l’effet Doppler dû au mouvement de la Terre. La fréquence fSSB de l’expression précédente est par conséquent celle d’un observateur situé au centre de masse du système solaire.

À cause de cet effet dispersif, des photons de fréquences différentes mais émis simultanément arrivent en décalage (une illustration de l’effet du terme ∆Dest montré en Figure III.1). À l’inverse, il est crucial de maîtriser cette correction si l’on veut mesurer l’écart temporel entre des pics émis à des énergies différentes, ces pics pouvant être réellement décalés dans le temps et donc signifier des origines différentes dans la magnétosphère du pulsar. Corriger de cet effet revient à passer à une observation faite à fréquence infinie. Remarquons enfin que la mesure de dispersion DM peut varier au cours du temps, pour les cas où la densité de colonne d’électrons sur la ligne de visée évolue (Isaacman & Rankin 1977;Ramachandran et al. 2006). Dans ce cas on peut ajouter àIII.5des dérivées temporelles ˙DM, ¨DM, etc. La FigureIII.2illustre l’effet d’une variation de la mesure de dispersion.

Le membre ∆R est appelé terme de Roemer, et contient le temps de trajet classique de la lumière, entre l’instrument de détection et le centre de masse du système solaire. On peut le décomposer de la manière suivante :

R= −( ~rBT+ ~rT t) ~rBP

c (III.6)

où ~rBT est un vecteur pointant du barycentre du système solaire vers le centre de la Terre, ~rT t relie le géocentre et le télescope, et ~rBP est un vecteur unitaire donnant la direction du pulsar, depuis le centre de masse du système solaire. Pour calculer ces vecteurs, on a recours aux « éphémérides planétaires » telles que DE200 (Standish 1990) et DE405 (Standish 1998) publiées par le Jet Pro-pulsion Laboratory2. Ces éphémérides donnent la position des principaux astres du système solaire en fonction du temps. Le terme de Roemer est largement dominant dans le transfert de dates vers le barycentre. Sa magnitude est approximativement (1 U.A.) × cos(β )/c, où β est la latitude écliptique du pulsar. Pour un pulsar situé dans le plan de l’écliptique (c’est-à-dire β = 0), l’effet est maximal et son amplitude vaut environ 500 s.

Certains pulsars sont animés d’un mouvement apparent dans le plan du ciel, le mouvement propre. L’ascension droite et la déclinaison varient au cours du temps, modifiant ainsi le vecteur ~rBP. Si le

III.2. PRINCIPE DE LA CHRONOMÉTRIE

Figure III.1 - Effet de la dispersion interstellaire, sur une bande de fréquence de 288 MHz centrée à 1380 MHz. Les pulsations arrivent à l’observatoire avec un décalage en temps, variant comme l’inverse du carré de la fréquence. Figure extraite deLorimer & Kramer(2004).

mouvement du pulsar n’est pas pris en compte, le TOA au barycentre est erroné ; l’écart avec le temps d’arrivée « vrai » correspond à l’erreur positionnelle, modulée par l’orbite terrestre.

Enfin, l’effet de parallaxe de chronométrie3, induit par la variation de la courbure du front d’onde de l’émission du pulsar au cours de l’orbite terrestre, est visible pour certains pulsars proches (l’équa-tionIII.6fait en effet l’approximation d’une onde plane). Son amplitude est donnée par (1 U.A.)2× cos(β )/(2cd), et donne donc accès à la distance d du pulsar, avec une grande précision dans certains cas (Lommen et al. 2006;Hotan et al. 2006).

Les termes ∆E, et ∆S, sont des corrections relativistes. Ce dernier, l’effet Shapiro, correspond aux retards induits par la déformation de l’espace-temps à proximité des masses du système solaire (Shapiro 1964). Il est le plus intense pour les photons passant près du Soleil (l’effet est typiquement

-50 -40 -30 -20 -10 0 10 53400 53600 53800 54000 54200 54400 TOA residuals ( µ s) Date (MJD)

Figure III.2 - Résidus de chronométrie pour le pulsar milliseconde B1821−24 observé par le radiotéles-cope de Nançay. Les croix indiquent des TOAs enregistrés à 1,4 GHz, les carrés sont des observations à 2 GHz. Pour ce graphe une mesure de dispersion constante a été utilisée. Les TOAs enregistrés aux deux fréquences d’observations s’écartent. Dans ce cas il est nécessaire de tenir compte d’une variation de la mesure de dispersion, ˙DM, dans le modèle de datation. Figure issue deSmith et al.(2008).

de 100 µs). La contribution des planètes du système solaire varie de quelques ns à quelques centaines de ns. L’effet Einstein, représenté par le terme ∆E, , correspond à la dilatation de l’espace-temps au cours du mouvement de la Terre dans le potentiel gravitationnel du système solaire (Backer & Hellings 1986).

Pour finir, le terme ∆B correspond aux corrections à prendre en compte pour les pulsars apparte-nant à des systèmes multiples. Ceux-ci sont animés d’un mouvement orbital, ce qui se traduit en des effets Roemer, Shapiro et Einstein locaux, analogues à ce qui concerne le système solaire. Plusieurs modèles permettent la description de ces orbites, selon leur excentricité ou leur complexité, selon le nombre de compagnons ou leur masse. Par exemple, le modèle BT (Blandford-Teukolsky) qui est adapté aux orbites lentes obéissant à la mécanique newtonienne, DD (Damour-Deruelle) qui est une extension du modèle BT convenant aux systèmes en champ fort, ou encore ELL1, adapté aux orbites quasi-circulaires (Taylor & Weisberg 1989). Ils mettent en jeu les paramètres Képleriens classiques : période orbitale Pb, demi grand-axe projeté x, excentricité e, longitude du périastre ω et temps de passage au périastre T0, ainsi que des paramètres « post-képleriens », pour les théories le permettant.

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