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Le cas de PSR J1824−2452A dans M28

C HAPITRE VI Pulsars milliseconde des amas globulaires

VI.2. RECHERCHE DE PULSATIONS

VI.2.2 Le cas de PSR J1824−2452A dans M28

Le télescope γ AGILE a rapporté la détection du pulsar milliseconde J1824−2452A, dans l’amas globulaire M28, avec un niveau de confiance de 4,2 σ (Pellizzoni et al. 2009a). Cependant, cette valeur de significativité n’est atteinte que pour une partie seulement des observations d’AGILE, alors que le lot de données complet ne mène à aucune détection. Pour l’intervalle de temps favorable, la courbe de lumière vue par AGILE est semblable à une sinusoïde. Le pic principal radio à 1,4 GHz coïncide avec le pic γ.

0 10 20 30 40 50 60 70

0 sigma 1 sigma 2 sigma 3 sigma 4 sigma Au moins 5 sigma

Nombre de pulsars

Significativite selon le H-Test J0024-7204F J0024-7204G J0024-7204U J1748-2446V J1748-2446X J2129+1210D

Figure VI.1 - Résultats de la recherche de pulsations pour 106 pulsars d’amas globulaires. Les noms des pulsars pour lesquels la significativité est d’au moins 2 σ sont indiqués.

La recherche de pulsations dans les données du LAT avec le jeu de coupures décrit dans le para-graphe précédent conduit, pour J1824−2452A, à une significativité inférieure à 1 σ . Bien que l’article d’AGILE ne détaille pas les coupures angulaires utilisées pour ce pulsar en particulier, il est indiqué que la région d’intégration utilisée respecte la résolution angulaire de l’instrument, avec un rayon d’ouverture maximal de 2, pour les régions bruitées. Nous avons utilisé ce schéma pour produire la courbe de lumière de J1824−2452A, à savoir : ρ = min(68% PSF, 2) (rappelons que la PSF du LAT est donnée en FigureIV.4). Le phasogramme est montré en FigureVI.2. La significativité correspon-dante est de 3,1 σ , si l’on ne tient pas compte de l’essai supplémentaire.

Au-dessus de 100 MeV, le profil est en désaccord avec les résultats d’AGILE (Pellizzoni et al. 2009a) : on n’observe pas de modulation sinusoïdale, et le pic principal radio à 1,4 GHz n’est aligné avec aucune structure en γ. En revanche, il est intéressant de constater que les pics radio secondaire et tertiaire (ici à 0,75 et 0,25 en phase, respectivement) sont alignés avec des structures émergeant du niveau de fond dans la courbe de lumière γ au-dessus de 100 MeV. Au contraire, le pic radio principal semble ne pas être accompagné d’une émission γ. Or, ce pulsar milliseconde est émetteur de GRPs, principalement en phase avec le pic radio secondaire, les GRPs restants s’alignant avec le pic tertiaire (Knight et al. 2006a). Ce parallèle entre émission de GRPs et rayonnement γ est intéressant, mais il faut néanmoins attendre davantage de photons pour confirmer la détection de J1824−2452A.

VI.3. CONCLUSION 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 Counts 2 4 6 8 10 12 > 1 GeV PSR J1824-2452 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 Counts 50 100 150 200 250 > 100 MeV Pulse phase 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 Radio Flux Nancay 1.4 GHz

Figure VI.2 - Courbe de lumière γ pour le pulsar milliseconde J1824−2452A, dans l’amas globulaire M28. Un profil radio de référence, enregistré au radiotélescope de Nançay à 1,4 GHz est également montré.

VI.3 Conclusion

Parmi les pulsars des amas globulaires, aucun n’est donc détecté à présent. Outre le fait que les éphémérides utilisées dans cette étude n’étaient pas contemporaines des observations γ pour la plupart d’entre elles, la non-détection de pulsars s’explique vraisemblablement par leur éloignement. De plus, rappelons qu’à cause de la résolution angulaire du LAT, qui est de quelques degrés à basse énergie, plusieurs sources γ sont potentiellement présentes dans le champ de vue, de sorte que chacune d’entre elles participe au bruit de fond des autres objets. Dans l’hypothèse où un pulsar est détecté dans un amas, une stratégie à envisager pour la recherche des autres pulsars est donc d’isoler les photons appartenant à ses pics, puis de les éliminer. Ceci diminuerait le niveau de fond pour les autres sources présentes dans le champ de vue, ce qui pourrait favoriser la détection de pulsations.

La détection de 47 Tucanae par le LAT laisse néanmoins à penser que celui-ci pourrait détecter des pulsations pour des MSPs des amas globulaires au cours des années à venir. Il serait donc intéres-sant de disposer d’observations radio de ces pulsars afin de construire des éphémérides couvrant les prochains mois d’observation γ. Bien que la plupart des pulsars milliseconde soient stables, certains présentent des orbites complexes, et leur chronométrie requiert un soin particulier. La détection d’au moins un MSP émetteur γ dans un amas globulaire permettrait vraisemblablement de lever l’ambi-guïté sur le mécanisme d’émission γ dans ces formations stellaires.

Enfin, dans l’hypothèse où des pulsars des amas globulaires soient détectés, l’étude du spectre d’émission de ces objets permettrait la comparaison de leurs propriétés spectrales avec celles des pulsars galactiques. La mesure des luminosités γ fournirait des contraintes sur les valeurs intrinsèques de ˙E pour ces pulsars, en supposant une efficacité d’émission typique des MSPs connus par ailleurs (η ' 10%). À cause des mouvements locaux, les taux de perte d’énergie rotationnelle intrinsèques

sont généralement inaccessibles par chronométrie. Bien que les incertitudes soient importantes, en particulier sur η ou sur la distance, des estimations de ˙Eapporteraient des informations sur le budget énergétique des pulsars des amas globulaires, dont le scénario d’évolution et l’environnement sont très différents de ceux des pulsars galactiques.

Conclusion

Le satellite Fermi est en orbite autour de la Terre depuis le 11 juin 2008. À son bord, le Large Area Telescope(LAT) observe depuis le ciel γ entre 20 MeV et plus de 300 GeV, avec une sensibilité bien supérieure à celle de son prédécesseur EGRET, ou d’AGILE, autre télescope γ opérant à l’heure actuelle. Avant les observations du ciel par le LAT, seuls neuf pulsars avaient été détectés dans le domaine des rayons γ, grâce notamment au télescope EGRET. De façon remarquable, le LAT a aug-menté le nombre de pulsars γ connus d’un facteur cinq : des pulsations ont en effet été observées pour une cinquantaine de pulsars à l’heure actuelle. Ce nombre continuera de croître, la mission Fermi n’achevant que sa première année d’activité. À l’origine de ces découvertes, le gain en sensibilité du LAT par rapport aux instruments antérieurs a naturellement occupé une place importante. Pour ce qui est des pulsars, deux autres facteurs ont joué des rôles clés :

– La précision temporelle, testée avant le lancement de Fermi. Ces tests ont justement mis au jour des problèmes importants dans la datation des événements, si bien que moins de pulsars γ auraient vraisemblablement été détectés sans ces corrections. En particulier, on peut penser qu’aucun pulsar milliseconde n’aurait été découvert sans cela. On sait désormais que les pho-tons enregistrés par le LAT sont datés avec une précision inférieure à la µs, ce qui conduira à un niveau de détails sans précédent dans les courbes de lumière, y compris chez les pulsars les plus rapides.

– la campagne de chronométrie des pulsars émetteurs radio et/ou X, dont le succès a eu diffé-rentes conséquences. D’une part la collaboration avant lancement a permis, via l’utilisation de données réelles, la vérification et la validation des outils d’analyse temporelle de Fermi. D’autre part, le bon fonctionnement de la coordination des efforts de chronométrie pour le LAT a per-mis la couverture de presque tous les pulsars définis comme prioritaires (ceux à ˙E> 1034erg/s). L’enthousiasme créé autour des résultats de Fermi permet désormais de chercher des pulsations pour de nombreux pulsars initialement non prioritaires, donc à caractéristiques différentes, ce qui pourrait conduire à des résultats inattendus. Cette thèse a directement bénéficié du bon dé-roulement de cette campagne de datation, puisque l’essentiel des 72 MSPs galactiques connus a été suivi, de sorte que cette population d’objets a quasiment été étudiée dans son ensemble. La recherche de pulsations en rayons γ pour les pulsars milliseconde, présentée dans cette thèse, a conduit à huit détections fermes. Ainsi, le débat de l’émission des MSPs dans le domaine γ est clos : les pulsars milliseconde sont de puissants accélérateurs de particules, créant une émission γ détectable à grande distance. L’analyse temporelle, basée sur des éphémérides très précises construites à partir d’observations des radiotélescopes de Nançay, Parkes et Green Bank, a révélé que les huit MSPs pré-sentent un ou deux pics γ, décalés de l’émission radio. Alors que les MSPs sont différents des pulsars normaux a priori, de par leur cylindre de lumière beaucoup plus étroit et leur champ magnétique plus faible, les phasogrammes sont tout à fait similaires à ceux des pulsars ordinaires. Les spectres d’émis-sion des MSPs ont des indices relativement durs (Γ < 2) et des énergies de coupure de l’ordre du GeV. À nouveau, ces propriétés différent peu de ce qu’on observe pour les autres pulsars. Enfin, on constate que pour les deux classes d’objets, normaux et milliseconde, le LAT détecte les pulsars dont le flux de freinage électromagnétique ( ˙E/d2) est important. Le seuil de détection actuel paraît commun entre les deux populations. Ces différents éléments amènent à la conclusion que le mécanisme de production de rayonnement γ est commun entre les pulsars normaux et milliseconde. Les modèles d’émission γ de type Polar Cap semblent exclus par les observations, au profit des modèles Slot Gap ou Outer Gap.

La prochaine étape dans la compréhension de l’émission γ des pulsars est donc la discrimina-tion des modèles situant l’accéléradiscrimina-tion des particules chargées dans la magnétosphère externe. Pour la première fois nous disposons de données concrètes sur l’émission γ des MSPs, tant du point de vue temporel que spectral. Les différentes observables sont maintenant à confronter aux prédictions théoriques, afin d’affiner ou d’infirmer les modèles. Les prochaines années d’observation du ciel γ par le LAT amèneront plus de photons, donc plus de détails dans les courbes de lumière, et en particulier la possibilité d’étudier l’émission dans des bandes d’énergie étroites. Au bout de cinq à dix ans d’ac-tivité, le seuil de détection devrait diminuer d’un facteur deux à trois, augmentant ainsi le nombre de pulsars observables en γ et donc la variété des caractéristiques. En particulier, le LAT pourrait détecter des MSPs appartenant à des amas globulaires, ce qui est pour le moment prématuré. Pour les MSPs les plus brillants, comme PSR J0030+0451, une statistique accrue permettra l’analyse spectrale résolue en phase, donnée importante pour la comparaison des modèles théoriques. Par ailleurs, on ne dispose d’observations en rayons X avec datation absolue par rapport à l’émission radio que pour un petit nombre d’objets parmi les huit MSPs détectés dans cette thèse. Ces huit détections motivent l’obser-vation dans le domaine des rayons X, afin de cartographier l’émission au sein de leur magnétosphère dans les différentes gammes d’énergie. Une fois améliorés, les modèles théoriques vont permettre des synthèses de population de MSPs plus réalistes, et ainsi fournir des prédictions plus précises au sujet des MSPs de la Galaxie, leur nombre, leurs propriétés et leur contribution à l’émission γ diffuse.

Finalement, la détection de MSPs émetteurs γ en bon nombre amène à penser que certaines sources non identifiées détectées par le LAT, notamment à haute latitude galactique, sont des MSPs pour le moment inconnus. Le faisceau d’émission des MSPs dans le domaine radio est plus large que celui des pulsars normaux, à cause du cylindre du lumière, plus étroit chez les MSPs. On attend donc moins de MSPs muets dans le domaine radio que chez les pulsars normaux. Par conséquent la recherche de pulsations pour ces sources non identifiées pourrait être efficace en radio comme en γ. Les perspectives de détection de MSPs émetteurs radio ou non par le LAT au cours des années à venir sont donc grandes. Le LAT a déjà permis une avancée sans précédent dans l’étude de l’émission des pulsars à haute énergie. Tout porte à croire que lorsque la mission Fermi viendra à son terme, le LAT aura également constitué un allié de poids pour les radiotélescopes, dans la compréhension globale de ces objets extrêmes et de leur environnement.

ANNEXE A

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