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impesanteur réelle ou simulée

A) Dispositifs liés aux expérimentations d’impesanteur, B) Expérimentations sur cultures cellulaires,

2. Expérimentations en impesanteur simulée

2.2. Modèle d’immersion sèche

Le modèle expérimental d’immersion sèche (Dry Immersion, DI), d'abord développé et utilisé par des scientifiques russes, est un modèle expérimental validé pour mimer les conditions d’impesanteur et pour entraîner de manière assez drastique, dans un temps restreint, un déconditionnement musculaire (Clement & Pavy-Le Traon, 2004; Grigor'ev, Kozlovskaia, & Shenkman, 2004; S. Iwase, Sugiyama, et al., 2000; Kozlovskaia, 2008; Nicogossian, 1994; E. Shulzhenko et al., 1976; Somody et al., 1999; Watenpaugh & Hargens, 1996). L’avantage considérable de cette technique, par rapport à celle du traditionnel alitement prolongé, est représenté par l’absence de structure de support sous le corps des sujets. Ainsi l’absence de support mécanique crée alors un état plus proche de la situation retrouvée lors d’un environnement en impesanteur (Navasiolava et al., 2011). Les caractéristiques de l’immersion ont été étudiées et mettent en valeur que la profondeur d’immersion est un paramètre important.

Une distinction est faite entre l'immersion « corps entier » ou « immersion profonde » dans laquelle le sujet est immergé jusqu'au cou, et l’immersion « progressive » où le sujet est immergé jusqu'à la zone ombilic-sternum. Dans ce modèle, la température d’immersion peut être soit thermo-neutre (environ 34° C), chaude, tiède ou froide. Concernant l'isolation du sujet dans le bain, elle peut être absente, dans ce cas on parle d’ « immersion humide», ou présente, dans ce cas on parle d’ « immersion sèche» où le sujet est isolé au moyen d'un tissu imperméable à l'eau. En ce qui concerne le temps d'exposition et d’expérimentation, il dépend principalement du modèle utilisé et lorsqu’il s’agit d’une immersion humide, celle-ci ne dure pas plus de plusieurs heures, alors que pour le modèle d’immersion sèche permet des expérimentations de plusieurs jours.

L'hypokinésie ou réduction de l’activité motrice, et l'hypodynamie ou diminution de la charge musculaire posturale, sont induites dans ce modèle d'immersion sèche qui entraîne rapidement une diminution du tonus musculaire (Grigor'ev et al., 2004; Kozlovskaia, Grigor'eva, & Gevlich, 1984). La chute du tonus des muscles posturaux apparaît dans les premières heures d’immersion, avec des valeurs atteignant jusqu’à -40% et -50%. Ces amplitudes de changements n’étant pas atteintes avec le modèle d’alitement prolongé HDBR (Kovalenko & Gurovsky, 1980).

13 Le changement de répartition des fluides entraîne une centralisation rapide de ces derniers et une diminution du volume sanguin total. La pression hydrostatique augmente avec la profondeur de l'immersion et agit ainsi davantage sur les surfaces inférieures du corps. Les pressions hydrostatiques internes sont contrebalancées par celles de l'eau environnante indépendamment de la posture tenue par le sujet dans l'eau. La compression hydrostatique induit donc une redistribution rapide des fluides corporels vers la région thoraco-céphalique (Epstein, 1996; Somody et al., 1999).

De nombreuses études, et principalement russes, ont été publiées sur l'immersion dite «humide». Cependant, les études se sont principalement centrées sur l'exposition à très court terme c’est-à-dire de 6 à 9 heures. À notre connaissance, en dehors de celles réalisées dans les installations russes, des études avec immersion sèche ont été également menées en Inde (Modak & Banerjee, 2004) et en Autriche (Berger et al., 2001). Récemment, ce modèle a été exploité en France et à fait l’objet de plusieurs publications dont celle liée aux travaux de thèse présentés ici (Demangel et al., 2017; L. Treffel, Dmitrieva, et al., 2016; Loïc Treffel, Mkhitaryan, et al., 2016).

La principale limitation de la méthode d'immersion humide est la durée des expérimentations qui ne peuvent dépasser 6 à 12 heures. Les premières tentatives pour prolonger le temps d'immersion ont été réalisées en utilisant des solutions de chlorure de sodium ou de silicium isotoniques ou hypertoniques. Ces différentes techniques d’amélioration du milieu d’immersion ont été abandonnées en raison de la macération de la peau par les solutions ainsi que les frais engendrés. En revanche, les expérimentations en immersion sèche sont moins complexes et permettent des temps d'expérimentation plus longs (Leach Huntoon, Grigoriev, & Natochin, 1998). La méthode d'immersion sèche a été proposée dès les années 1970, lors du développement des programmes spatiaux, comme moyen de simuler une impesanteur prolongée.

Les premières expériences d’immersion sèche ont duré 10 heures, et ensuite elles étaient de 3, 7, 13 et 28 jours. Il est important de noter que la durée la plus longue expérimentée est de 56 jours (E. Shulzhenko et al., 1976; EB. Shulzhenko, Vil-Vilyams, IF., 1975a), alors que la plus longue étude d’alitement prolongé est de 370 jours et a été menée sous l'ancien régime Soviétique. Les premières expériences se sont déroulées dans un bain spécialement conçu pour un sujet et rempli d'eau du robinet, avec des dimensions de 2 m x 1 m x 1 m (E.

14 Shulzhenko et al., 1976; EB. Shulzhenko, Vil-Vilyams, IF., 1975a). Pour l'immersion simultanée de deux sujets, une piscine d'eau d'une superficie de 7,2 m2 et une profondeur de 2,1 m a également été utilisée. Actuellement, en Russie, un bain de 2,2 m de long, 1,1 m de largeur et 0,85 m de profondeur est utilisé pour un sujet. La longueur du bain a été augmentée pour éviter un contact accidentel et/ou intentionnel des extrémités du bain avec les pieds. Ceci a pour objectif simple d’éviter de fournir une zone de soutien permettant une quelconque stimulation pour les zones de soutien des pieds et ainsi compromettre les résultats de l’expérimentation.

Alors que les bains pour deux ou trois volontaires sont également disponibles en Russie (Grigor'ev et al., 2004), les chercheurs autrichiens utilisent une piscine ronde pour l'immersion simultanée de plusieurs sujets. Un tissu imperméable élastique, qui dépasse considérablement de la surface de l'eau est attaché autour du bain.

En terme de fonctionnement, les bains ont actuellement un ascenseur intégré pour abaisser et élever les sujets durant l’expérimentation. Le sujet, vêtu de vêtements confortables, est placé sur le tissu étanche après que le tissu ait été recouvert d’un drap en coton pour des raisons d'hygiène. Le sujet est alors abaissé lentement dans l'eau via l'ascenseur et son corps est alors progressivement recouvert du tissu formant des plis avec l'eau qu'ils contiennent. Cet ensemble permet ainsi au sujet de se trouver «suspendu librement» dans la masse d'eau, assimilée à un système de flottaison. Selon le protocole expérimental, la profondeur de l'immersion se trouve soit au niveau du cou, soit jusqu'à la ligne imaginaire qui relie les deux aisselles. La tête se trouve ainsi en dehors de la partie immergée. Les sujets sont autorisés à mettre leurs mains à l’extérieur du système qui les recouvre. Cela leurs permet ainsi d’avoir accès à un ordinateur, mais aussi et surtout pour leur permettre de manger, de lire et d’effectuer des tâches expérimentales. La température de l'eau est réglée automatiquement et vérifiée par un thermomètre flottant au milieu de la masse d'eau. Cette température réglée sur 32-34.5°C (thermo-neutre) est ajustée pour le confort dans les limites expérimentales et à la demande du sujet (Kozlovskaia, 2008; E. Shulzhenko et al., 1976). La température de l'air est d'environ 24 °C, afin de maintenir l'équilibre thermique lorsque le sujet est retiré du bain. Le sujet reste sous observation médicale constante 24 heures par jour. Pour les examens physiques et les inspections visuelles de la peau, les plis de tissu dus à l’immersion peuvent être déplacés sans modifier les conditions expérimentales. Les enregistrements provenant de n'importe quel site sur le corps peuvent être pris sans risque de mouiller les sondes ou les

15 électrodes et donc d’endommager le matériel utilisé. L'urine est recueillie dans des sachets cliniques. Le sujet est autorisé quotidiennement à sortir pendant 15 min pour les procédures d'hygiène et pour la pesée corporelle.

Figure 5 - Modèle expérimental humain d’immersion sèche (Dry Immersion)

La méthode d’immersion sèche consiste à séparer le sujet de l’eau par une bâche thermo-neutre et à l’immerger jusqu’au niveau du cou. Extrait de Navasiolava et al. (2011).

En général, les sujets trouvent l’immersion sèche « confortable » pendant la période initiale (S. Iwase, Sugiyama, et al., 2000; E. Shulzhenko et al., 1976). Le transfert des fluides vers le haut du corps entraîne une sensation de lourdeur de la tête, une légère obstruction du nez et certaines difficultés d'inhalation qui se produisent plus tard. Presque tous les sujets se plaignent de maux et douleurs de dos après les 6-8 premières heures d'immersion sèche. Ces éléments médicaux sont quantifiés par différents tests de douleur (indexé de 0 à 100) pour estimer de manière individuelle le ressenti de chaque bénévole. Ceci serait principalement dû à la perte de tonus dans les muscles du dos, mais cela tend à disparaître à partir du 2ème voire 3ème jour. De manière surprenante, ce mal de dos est particulièrement intense chez les sujets les plus entrainés. La perturbation du sommeil, la perte d'appétit et les diarrhées ont aussi été rapportés dans ces expérimentations (Fomin et al., 1985; Shul'zhenko et al., 1984; E. B. Shulzhenko, 1975b).

Lors d’études concernant plusieurs sujets immergés dans un même bain, certains d'entre eux signalent des symptômes du mal des transports pendant le mouvement de l'eau et pendant les éventuels mouvements respectifs de chacun des sujets (Struhal et al., 2002). Des plaintes

16 similaires ont été décrites au cours des premiers jours de vol spatial (Egorov, 1996; Kornilova, 1997; Williams et al., 2009) ou d’alitement prolongé (Baum & Essfeld, 1999; Greenleaf, 1984).