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III. Matériaux, modèle matériaux

III.6 Modélisation du comportement

III.6.3 Modèle d’endommagement développé

L’ensemble des modèles d’endommagement décrit dans le paragraphe III.6.2 permet une bonne représentation des phénomènes qui pilotent l’endommagement des composites et donc offre une grande capacité de prédiction des simulations. La qualité des résultats a un coût en termes de temps de calcul et d’identification des multiples paramètres des modèles. La volonté de notre projet est de conserver un modèle utilisable dans un contexte industriel. Pour appréhender les mécanismes

65 vitesses de sollicitation qui interviennent sur un spectre de vol, des essais supplémentaires et du temps pour la mise en donnée. Les informations sur le vol et le temps n’étant pas disponibles, cette partie du comportement n’est pas implémentée.

III.6.3.1 Elasticité orthotrope

Deux modèles sont créés pour représenter le comportement des matériaux, le premier pour les éprouvettes à base de plis Ud, le second pour les éprouvettes à base de plis tissés. Toutes les constantes élastiques du modèle sont les modules initiaux mesurés lors des essais matériaux.

L’ensemble des propriétés des plis n’a pas été mesuré lors des essais de caractérisation. Les directions transverse et hors plan du composite sont considérés équivalentes, le module élastique hors plan E33 est donc pris égal au module transverse dans le plan E22 pour les plis Ud, approximation courante dans les composites. Le même module hors plan est utilisé pour les deux types de pli. Dans les plis Ud, le coefficient de Poisson est pris égal dans toutes les directions, de même que les modules de cisaillement. Dans les plis tissés, les coefficients de Poisson et modules de cisaillement ayant une composante hors plan sont pris égaux à ceux du pli Ud.

III.6.3.2 Dissymétrie traction-compression

L’analyse des résultats expérimentaux sur les plis Ud dans le sens des fibres a montré que le module d’élasticité possède un écart de 14 % entre la traction et la compression. Cet écart est important et nécessite d’être pris en compte dans le modèle numérique. Il est alors implémenté au moyen d’un sous-programme utilisateur. Une variable permet de modifier la valeur du module d’élasticité uniquement dans la direction des fibres suivant le signe de la contrainte dans cette même direction.

III.6.3.3 Plasticité orthotrope

Comme montré dans le paragraphe III.5, les matériaux présentent un comportement plastique uniquement lorsqu’ils sont sollicités en traction à ±45° par rapport aux directions de fibres. Cette caractéristique impose l’utilisation d’une loi de plasticité orthotrope. Toutefois il n’existe pas à proprement parler d’option permettant de définir une plasticité orthotrope dans Abaqus©. Par simplicité et puisque le matériau possède un unique ‘axe principal’ de plasticité, la solution est d’utiliser une plasticité anisotrope en ne permettant l’endommagement qu’en cisaillement. Des ratios de contrainte permettent l’activation de la plasticité à différents niveaux de charge pour chaque sollicitation créant ainsi une plasticité anisotrope. Il existe 6 ratios R11, R22, R33, R12, R13, R23 qui correspondent respectivement aux 6 composantes du tenseur des contraintes. Ces ratios sont

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comparés à chaque incrément de calcul au rapport de la contrainte dans une direction sur le seuil plastique. Dans le cas où le rapport est supérieur au ratio, la plasticité est activée dans la direction. Ainsi, en choisissant des ratios élevés dans les directions qui ne présentent pas de plasticité et une valeur finie dans les directions qui en présentent, une plasticité se développant sous cisaillement uniquement est définie. L’évolution de la plasticité est appréhendée par une courbe d’écrouissage et le tenseur de déformation plastique est normal à la surface limite du critère de Hill.

L’écrouissage observé expérimentalement est non linéaire. La plasticité anisotrope étant implémentée dans Abaqus uniquement à écrouissage linéaire, un travail doit être réalisé pour obtenir le comportement réel. La cinétique d’écrouissage peut être définie sous forme tabulaire. Elle reproduit alors l’écrouissage par succession de segments linéaires reliant les points de la courbe contrainte-déformation plastique.

La partie plastique du comportement de l’éprouvette est définie par la loi de Hooke sous forme tensorielle :

𝜎 = 𝐶[𝜀 − 𝜀𝑝𝑙] Éq III-2

La déformation plastique s’écrit alors en fonction de la déformation mesurée (totale), la contrainte et le module de cisaillement :

𝛾𝑝𝑙

12= 𝛾12𝜏12

𝐺12 Éq III-3

La loi tabulée doit être définie avec un pas adéquat entre les points afin d’avoir une courbe suffisamment lissée comme le montre la Figure III-21.

Figure III-21 : Représentation de la loi tabulée d'écrouissage non linéaire d’un pli unidirectionnel

Dans les directions transverse et hors plan des plis Ud, la plasticité est également présente d’après les observations expérimentales. La plasticité dans ces directions est alors activée avec la même méthode. Un coefficient permet de modéliser la plasticité dans la direction transverse avec la même loi de plasticité qu’en cisaillement plan. La valeur de R22 et R33 n’est pas alors pas choisi à 1 mais à une valeur supérieure permettant de prendre en compte la différence de rigidité entre la compression transverse et le cisaillement plan. La dissymétrie de contrainte à rupture

traction-67

Figure III-22 : Comparaison de la loi d’écrouissage tabulée et de la plasticité en compression transverse d’un pli unidirectionnel corrigée avec un coefficient R = 2,95

III.6.3.4 Endommagement

L’endommagement dans ce modèle n’intervient que dans les directions à ±45° des fibres pour les deux types de plis étudiés. Seul le module de cisaillement plan est alors abaissé en cours d’essai. Contrairement aux modèles présentés précédemment, la variation du module n’est pas réalisée au moyen d’une variable d’endommagement mais une loi tabulaire est employée. Elle est pilotée par la déformation plastique du matériau. La loi est implémentée dans Abaqus par un sous-programme utilisateur USDFLD (userfield). Afin de réaliser cette loi tabulée, l’ensemble des couples module de cisaillement-déformation plastique doit être obtenue. Ces couples sont déterminés expérimentalement à partir des essais CRP. Le module est le module sécant à chaque boucle et la déformation plastique est la déformation mesurée à chaque retour à contrainte nulle.

Dans l’objectif de rendre le modèle représentatif du comportement du matériau, le module de cisaillement doit être déterminé pour chaque valeur de déformation admissible. En reprenant l’Éq III-3, la déformation est écrite en fonction du module de cisaillement, qui est lui-même dépendant de la déformation plastique et de l’endommagement 𝑓(𝛾𝑝𝑙12) évoluant avec :

𝛾𝑝𝑙 12 = 𝛾12𝜏12 𝐺12= 𝛾12 𝜏12 𝐺12(𝑓(𝛾𝑝𝑙 12)) Éq III-4 Entre ces couples de valeurs 𝐺12, 𝛾𝑝𝑙

12 connues, l’interdépendance du module de cisaillement avec la déformation plastique rend impossible le calcul de l’un ou de l’autre. Une interpolation linéaire est alors définie entre chaque couple consécutif. Ces interpolations permettent de créer une continuité dans l’évolution du module de cisaillement en fonction de la déformation plastique. Le module de

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cisaillement s’exprime alors en un point quelconque en fonction des valeurs des couples l’encadrant et de la déformation plastique à ce point.

𝐺 = 𝐺𝑖+ 𝛿(𝛾𝑝𝑙− 𝛾𝑝𝑙 𝑖) où 𝛿 = 𝐺𝑖+1− 𝐺𝑖 𝛾𝑝𝑙 𝑖+1− 𝛾𝑝𝑙 𝑖 Éq III-5

Cette équation est toujours fonction des deux inconnues, le couplage des Éq III-4 et Éq III-5 élimine la déformation plastique, le module de cisaillement s’exprime alors :

𝐺12= 𝐺𝑖+ 𝛿 ((𝛾12𝜏12

𝐺12) − 𝛾𝑝𝑙𝑖) Éq III-6

Par réécriture, l’équation du second ordre suivante est obtenue : 𝐺122− (𝐺𝑖+ 𝛿(𝛾12− 𝛾𝑝𝑙

𝑖)) 𝐺12+ 𝛿𝜏12= 0 Éq III-7

Dans cette expression, seul le module de cisaillement est inconnu, il peut donc être déterminé. En injectant sa valeur dans l’Éq III-4, la déformation plastique est déterminée. Les valeurs de module de cisaillement et de déformation plastique peuvent alors être calculées pour toute déformation imposée. Le comportement mécanique des plis est alors représenté par le modèle numérique quelle que soit la direction de sollicitation sur toute la plage de chargement. Un critère de rupture et un comportement après rupture doivent ensuite être implémentés afin de réaliser des calculs prédictifs sur les semi-structures dont le drapage est complexe.

III.6.3.5 Critère de rupture

Le drapage des plis dans les semi-structures favorise principalement le chargement en cisaillement plan dans des plis tissés, modélisé par le travail ci-dessus, et dans le sens fibres de plis Ud. Toutefois, suivant le mode de sollicitation de ces structures, il est possible que des plis Ud soient fortement chargés dans les sens transverse ou hors plan. Ces plis n’ont pas montré d’endommagement lors des essais matériaux, seule leur rupture peut avoir une influence importante sur le comportement global de la liaison. La modélisation de ces ruptures est donc nécessaire.

De nombreux auteurs ont travaillé sur les critères de rupture dans les composites et plus particulièrement sur les plis Ud qui sont majoritairement utilisés en aéronautique. C’est notamment le cas de Hashin [HAS73] qui propose un critère pour le cas de plaques. Ce critère tient compte de la dissymétrie de comportement entre traction et compression. Puck et al. [PUC02] ont plus récemment proposé un critère tridimensionnel qui tient compte de l’orientation du plan de rupture en fonction du chargement que subit le matériau. Ce critère permet une très bonne approximation de la surface de rupture. Il est également basé sur deux critères différents pour la compression et la traction. La différence avec les travaux d’Hashin réside dans le fait que la traction ou la compression est prise dans le plan de rupture qu’il est nécessaire de déterminer au préalable. L’orientation du plan de rupture est obtenue en cherchant l’angle pour lequel la valeur du critère est maximale. Ce critère nécessite huit paramètres : les quatre contraintes à rupture en traction, compression, cisaillement transverse et cisaillement longitudinal ainsi que quatre paramètres appelés paramètres d’inclinaison. Ces paramètres permettent de réaliser et lisser le raccordement entre les parties négatives et positives du critère de rupture. Le critère de Puck permet une bonne précision dans

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Figure III-23 : Illustrations du plan de rupture et de sa recherche en fonction du chargement

Un critère de Hashin tridimensionnel est alors implémenté pour conserver un calcul le plus léger possible et ainsi permettre d’utiliser ce modèle sur une structure de grande dimension avec des moyens raisonnables. La valeur du critère de rupture transverse se calcule alors de la manière suivante : 𝐹𝑐 = √(𝜎22 𝑌22) 2 + (𝜎12 𝑌12) 2 + (𝜎23 𝑌23) 2 Éq III-8

Où Yij est la contrainte à rupture dans la direction ij. Ce critère est dissocié en deux parties suivant que la contrainte σ22 soit positive ou négative, la valeur de Y22 est modifiée en fonction du signe de la contrainte pour correspondre aux mesures expérimentales. Un autre critère est construit sur le même principe pour les ruptures hors plan :

𝐹𝑐 = √(𝜎33 𝑌33) 2 + (𝜎13 𝑌13) 2 + (𝜎23 𝑌23) 2 Éq III-9

Ces critères de rupture sont également implémentés grâce au sous-programme utilisateur. Une variable est utilisée pour suivre l’évolution de chacun des critères de rupture. Lorsque le critère Fc atteint 1, le module de rigidité dans la direction correspondante prend la valeur de 1 Pa, le coefficient de Poisson est lui mis à 0. La valeur du critère de rupture est stockée d’un incrément sur l’autre, si la rupture est atteinte la valeur de 1 est conservée jusqu’à l’arrêt du calcul. Cette méthode permet de continuer le chargement de la pièce sans utiliser des algorithmes complexes permettant la progression d’une fissure. Ce type de technique nécessite un maillage fin en pointe de fissure et un remaillage automatique en cours de calcul, il est donc gourmand en ressources.

Aucun critère n’est implémenté dans la direction des fibres. La rupture est attendue principalement dans les directions transverse et hors plan, il n’est pas jugé nécessaire d’ajouter un paramètre supplémentaire pour la modéliser. De même, il est peu probable que la déformation en cisaillement plan atteigne 20 %, aucun critère de rupture n’est donc défini dans cette direction. Si toutefois il s’avère nécessaire d’ajouter des critères pour ces directions, le sous-programme utilisateur peut être modifié en conséquence.

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