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2.2 Reconstruction et analyse de la trajectoire des chromosomes en métaphase

2.3.2 Un modèle de congression alternatif

L’étude publiée dans le cadre de ce travail de thèse (Mary et al., 2015) a montré que la kinésine-8 pouvait agir comme un régulateur des forces appliquées sur les kinétochores en fonction de la position le long du fuseau mitotique.

Il a par ailleurs été montré in silico qu’une force dépendante de la distance au pôle sur le kinétochore pouvait reproduire l’alignement des chromosomes in vivo (Figure 2.23 et Figure 2.24) en adaptant un modèle existant de la ségrégation des chromosomes (Gay et al., 2012). Cette force dépendante de la longueur est gouvernée par un seul paramètre

Ldep qui caractérise l’amplitude de la dépendance en longueur de cette force. Elle a

été optimisée afin de reproduire les distributions d’alignement in vivo (pour le détail de l’implémentation, se référer aux méthodes de l’article en Section 2.1, (Mary et al., 2015)).

L’hypothèse 1, présentée dans ce travail (Section 2.1), est principalement basée sur des observations in vivo et in vitro montrant que la kinésine-8 s’accumule de manière plus importante à l’extrémité plus du microtubule (Tischer et al., 2009; Varga et al., 2006, 2009). Ce gradient de concentration de kinésine-8 viendrait alors modifier la dynamique du microtubule kinétochorien. Si les études effectuées dans différents organismes (cellule humaines, levure à fission et levure à bourgeon) ne s’accordent pas sur le paramètre exact de la dynamique des microtubules qui est modifié par la kinésine-8, toutes s’accordent à dire que la kinésine-8 possède une activité dépolymérisatrice qui régule la longueur des microtubules (Messin and Millar, 2014; Walczak et al., 2013).

La force dépendante de la longueur, décrite par l’hypothèse 1, peut donc s’expliquer par le fait que si un microtubule possède une densité plus élevée de kinésine-8 à une

Figure 2.23: Schémas et exemple de trajectoire in silico du mécanisme d’alignement avec et sans force dépendante de la longueur. Les flèches correspondent aux forces appliquée sur les kinétochores en fonction de leur position le long du fuseau et leurs tailles illustrent la magnitude des forces.

Figure 2.24: Distribution de l’alignement relatif des chromosomes en anaphase in vivo (dans les cellules WT, n=52 et klp6Δ, n=63) et in silico pour l’hypothèse 1 (avec, n=60 ou sans la force dépendante de la longueur, n=60) et in silico pour l’hypothèse 2 (avec, n=60 ou sans la force dépendante de la longueur, n=60). Une distance proche de 0 signifie que le chromosome est positionnée au milieu du fuseau mitotique.

extrémité, il produira une force de traction plus élevée sur le kinétochore. Bien que cette hypothèse reproduise de manière fidèle l’alignement ainsi que l’absence de chromosomes retardataires en anaphase (Figure 2.24 et aussi Figure 7 de l’article en Section 2.1), le mécanisme proposé est encore très phénoménologique et le lien entre force de traction et kinésine-8 reste largement hypothétique.

La flexibilité de l’implémentation du modèle kt_simul permet de proposer une hy- pothèse alternative moins phénoménologique.

L’hypothèse 2 est basée sur l’observation faite que la kinésine-8 peut contrôler la taille des microtubules (Varga et al., 2006). On peut donc supposer que la distribution des extrémités plus des microtubules au sein du fuseau mitotique n’est pas uniforme mais suit une distribution de type « distribution en cloche » (possédant un paramètre de position et un paramètre d’échelle) comme une distribution gaussienne par exemple.

L’hypothèse 2 est donc construite sur l’idée que la probabilité d’attachement va dépen- dre de la densité d’extrémités plus des microtubules le long du fuseau. Donc la probabilité d’attachement devrait varier en fonction de cette distribution de taille des microtubules. L’implémentation est basée sur la modification de la probabilité d’attachement des microtubules aux kinétochores. Dans le modèle initial (Gay et al., 2012), l’attachement est gouverné de manière stochastique par une une probabilité Pα définie comme suit :

= 1− ekαdt

Où kα est le taux d’attachement et dt le pas de temps de la simulation.

Pour modéliser une probabilité d’attachement non uniforme, on modifie le taux d’attachement kα en fonction de la position du kinétochore le long du fuseau mitotique

avec un préfacteur ndep comme suit :

= 1− ekαdt ndep(dKT)

Où dKT représente la distance entre le kinétochore et le pôle auquel il est attaché (c’est

à dire la taille du microtubule).

Puisque nous n’avons pas accès à la distribution des extrémités des microtubules au sein du fuseau, une distribution suivant une loi de Cauchy a été choisie (Figure 2.25). Ce type de distribution est préféré par rapport à une distribution gaussienne plus classique à cause de sa longue queue qui permet de ne pas interdire les attachements proches des pôles. On définit ndep(dKT) comme suit :

ndep(dKT) =

1

π γ (dKT − x0

γ )

2

Où γ est le paramètre d’échelle (correspondant à la largeur de la distribution) et x0 le paramètre de position qui représente la longueur médiane du microtubule. Afin de garder une valeur moyenne de ndep(dKT) proche de 1, on normalise le préfacteur ndep par

la valeur moyenne de la distribution calculée le long du fuseau mitotique.

L’implémentation de ce modèle (Figure 2.25) permet d’observer que cette hypothèse est aussi capable de reproduire l’alignement des chromosomes en mitose (Figure 2.24).

Cependant, ni le modèle initial (Gay et al., 2012) ou les modèles avancés ici ne per- mettent de reproduire précisément les mouvements oscillatoires des kinétochores frères observés de la prométaphase à la métaphase (Jaqaman et al., 2010; Skibbens et al., 1993). Comme illustré par la Biologie, il semble donc que de multiples mécanismes participent aux mouvements coordonnés des chromosomes en mitose.

Figure 2.25: Schémas et exemple de trajectoire in silico du mécanisme d’alignement avec et sans taux d’attachement dépendant de la longueur. Les flèches correspondent aux forces appliquée sur les kinétochores en fonction de leur position le long du fuseau et leurs tailles illustrent la magnitude des forces.