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CHAPITRE II. LES OUTILS DE SIMULATION POUR MIEUX INTEGRER LE FACTEUR HUMAIN

2. Le modèle conceptuel

La maintenabilité a pour objectif de concevoir l’activité future de maintenance en développant la meilleure solution technique et / ou organisation du travail, en tenant compte du facteur humain à des fins de sécurité et de sauvegarde de la santé. Or, au regard des deux premiers chapitres, nous avons observé que les acteurs-métiers en maintenabilité n’avaient pas de connaissances en facteur humain et qu’ils n’exploitaient pas suffisamment les outils de simulation à des fins d’analyses ergonomiques. Pour les aider, en accord avec notre groupe projet, nous proposons ainsi de développer une démarche permettant aux acteurs-métiers du département maintenabilité de mieux intégrer le facteur humain dans leurs activités de travail de tous les jours, à partir des outils de

142 simulation (modeleur, mannequin numérique, réalité virtuelle, maquette physique) qu’ils utilisent aujourd’hui. Ainsi, l’objectif est de pouvoir les aider dans leurs pratiques de travail à des fins de mieux intégrer le facteur humain en maintenabilité.

Avant de proposer un modèle conceptuel, il convient de décrire la philosophie globale de notre démarche. Une nouvelle démarche doit donc s’insérer dans un processus déjà existant pour être utilisée rapidement, efficacement et par le plus grand nombre d’acteurs-métiers. Ainsi, cette approche, et cette volonté de se greffer au processus existant, doivent être vues comme une anticipation au rejet potentiel de tout acteur-métier envers de nouvelles méthodes qui viendraient modifier des habitudes acquises, maîtrisées et qui sont ancrées dans une routine de travail. On parle alors de la notion d’acceptabilité qui renvoie directement à la question de l’adoption ou du rejet d’une technologie, d’un processus ou encore d’une méthode en accord avec les travaux de Bobillier- Chaumon et Dubois, (2009). L’acceptabilité et les études associées permettent de mieux comprendre pourquoi un individu aurait envie d’utiliser un système plutôt qu’un autre mais également d’anticiper l’usage qu’il pourrait en faire (Terrade et al., 2009). Même si notre étude ne porte pas directement sur ces notions, il semble néanmoins important de les évoquer car elles nourrissent la réflexion autour de la construction de la démarche. La recherche conduite aux travers de ces travaux ayant une approche pragmatique dans un environnement industriel, le développement d’une démarche, que nous avons intitulée au sein du groupe projet, « PEAM » pour « Preliminary Ergonomics Analysis in Maintainability », en français « Analyse ergonomique préliminaire en maintenabilité », comme déjà évoqué, est conçue et dédiée uniquement pour les acteurs-métiers en maintenabilité. Cette démarche ne doit pas seulement prendre en compte les outils de simulation et le processus de conception comme seuls leviers, mais doit aussi tenir compte des caractéristiques, des attentes et des besoins des acteurs-métiers ciblés pour qu’ils puissent utiliser la démarche proposée simplement et efficacement. Ainsi, il sera nécessaire de décrire précisément le processus d’usage de la nouvelle démarche afin qu’il soit exploitable en toute autonomie par chaque acteur-métier en maintenabilité non spécialisé en facteur humain. D’ailleurs, Barcenilla & Bastien (2009), évoque l’acceptabilité suivant deux notions, l’appropriation et l’intégration comme illustré sur la figure 41.

Les auteurs expliquent ainsi que l’appropriation renvoie à la façon dont l’acteur-métier investit la démarche et dans quelle mesure celle-ci est en adéquation avec ses valeurs personnelles et culturelles, lui donnant envie d'agir sur ou bien avec celle-ci. L’intégration, quant à elle, correspond à

Acceptabilité

Appropriation Façon dont l’individu investit personnellement la

technologie

Intégration Façon dont la technologie s’insère dans les activités et

les transforme

la manière dont la démarche s'insère dans les activités de l’utilisateur, et comment elle contribue à les transformer. Cette double prise en compte est essentielle puisque la démarche sera évaluée par la capacité à aider l’acteur-métier en maintenabilité à mieux intégrer le facteur humain dans le cadre de ses activités, à partir des outils de simulation mis actuellement à sa disposition. Si la démarche PEAM n’est pas conçue dès le début avec l’exigence d’acceptabilité, l’évaluation de son usage sera certainement impossible à l’échelle de l’ensemble des acteurs-métiers composant le département de maintenabilité.

Ainsi, comme nous l’avons décrit dans le chapitre I, l’analyse de la documentation technique fait ressortir une notation évaluant l’accessibilité, seul indicateur récurrent faisant appel à des notions de facteur humain. Dans le processus actuellement utilisé, le spécialiste en maintenabilité doit noter l’accessibilité suivant une graduation de quatre lettres: A, B, C et D. Le tableau 20 décrit les critères et la signification de chacune des lettres. Cette graduation se base sur des éléments subjectifs, rarement quantifiés et souvent basés sur la simple expérience de l’acteur-métier. Dans le but d’assurer l’appropriation de la démarche PEAM, nous proposons de garder cette graduation comme point de référence dans l’usage de PEAM. C’est-à-dire que l’acteur-métier commencera son analyse ergonomique en réalisant une première observation en estimant, par sa propre expérience, un score entre A et D. Il exécute ainsi le processus qu’il connaît et applique déjà. Il semble évidemment essentiel de respecter l’expertise de l’ingénieur et du technicien en considérant le score A comme une situation de travail non dangereuse pour l’opérateur et pour son environnement. En revanche, il faut l’accompagner, le guider, lorsque celui-ci estime que le score est au-dessus de A et donc que certaines contraintes existent sur l’opérateur pour réaliser la tâche de maintenance. Il est donc nécessaire de lui faire comprendre que si son jugement personnel le pousse à mettre un score entre B et D il est nécessaire d’approfondir l’analyse ergonomique. Par exemple, aujourd’hui, le score B indique que l’activité de maintenance est réalisable « sous certaines contraintes ». Aucune autre consigne ou questionnement ne lui est proposé et l’interprétation varie sensiblement entre chaque acteur-métier dépendant donc de leur propre expérience.

Tableau 20 : Notation utilisée en industrie aéronautique pour évaluer le facteur humain en maintenabilité pour effectuer

une tâche de maintenance.

Symbole Score Design

(Impact Hélicoptère)

Facteur humain (Impact opérateur)

A Design très satisfaisant pour la maintenabilité

Maintenance réalisable sans contrainte particulière

B Design satisfaisant mais des améliorations sont conseillées

Maintenance réalisable sous contraintes

C Amélioration de design fortement recommandée

Maintenance sous très fortes contraintes / impossibilité de

144 D Amélioration de design obligatoire

Afin de contextualiser la démarche PEAM, nous proposons un modèle conceptuel. Ce modèle s’appuie sur les travaux de la littérature dans le domaine proposant, pour chaque développement de méthodologie ou d’outil, un modèle théorique. Nous trouvons plus particulièrement des modèles permettant de réaliser des analyses ergonomiques ayant pour objectif de déterminer les causes d’apparition des troubles musculo-squelettiques (Carayon et al., 1999; Davis and Heaney, 2000; Karsh, 2006 ; David et al., 2008 ; Roquelaure, 2014). Le modèle conceptuel de la démarche PEAM a également fait l’objet d’une validation auprès de notre groupe projet, composé d’un spécialiste en maintenabilité du département de l’industriel aéronautique mais également de deux spécialistes en facteur humain du laboratoire partenaire. Plus particulièrement, le groupe projet a longuement discuté sur l’articulation entre la méthode actuelle déjà déployée dans le département et la démarche PEAM. Il a ainsi été décidé, d’un commun accord, que la démarche PEAM serait déployée uniquement :

 Lorsque l’acteur-métier juge la situation de travail de maintenance entre C et D. Un score entre C et D définit que la maintenance s’effectue sous de très fortes contraintes pour l’opérateur de maintenance nécessitant alors une amélioration de la situation de travail. La démarche PEAM, si elle est déployée, doit permettre d’argumenter sur l’origine des difficultés rencontrées par les opérateurs de maintenance ;

 Lorsque l’acteur-métier donne le score B, nous considérons qu’il y a ambigüité dans le jugement. La notation actuelle adresse à la note B un descriptif ambigu, expliquant que la maintenance est réalisable avec certaines contraintes ergonomiques. Nous proposons alors de réaliser une analyse ergonomique préliminaire lui permettant rapidement de se positionner : soit en A, induisant une poursuite de l’analyse de maintenabilité, soit en C ou en D, induisant le déploiement total de PEAM. La suite de la démarche permet alors de choisir les bons outils de simulation en fonction du processus de conception ainsi que les indicateurs ergonomiques. La quantification des indicateurs permet d’obtenir un score global entre A et D. L’acteur-métier retrouve donc le score avec lequel il est familier et peut ainsi le justifier grâce au protocole déployé et aux scores de chaque indicateur en facteur humain de PEAM.

La figure 42 présente le modèle conceptuel retenu et validé par le groupe de travail, celui-là même qui a œuvré sur le sujet durant 6 semaines. La démarche tient compte du processus actuel en adressant des recommandations en fonction du score d’analyse connu (A, B, C ou D).

Figure 42 : Modèle conceptuel de la démarche d’analyse ergonomique PEAM.

Processus actuel du département maintenabilité

Classification habituelle des situations de travail

Démarche PEAM

Choix des outils de simulation

Protocole d’usage des outils de simulation à des fins d’analyses ergonomiques

Analyse ergonomique au travers de l’outil PEAM (quantification des indicateurs ergonomiques)

Score général = A

Situation pouvant être dangereuse en termes de pénibilité, de santé (TMS) Développement de solutions Poursuite du processus de maintenabilité A B C et D Analyse ergonomique préliminaire Score général = B ou C ou D Situation qualifiée non dangereuse en termes de pénibilité, de santé (TMS)

146 La suite du chapitre va développer et décrire la démarche PEAM étape par étape. Nous verrons également en dernier lieu, sa forme finale qui sera diffusée, après avoir été testée et validée par le groupe projet, et tous les acteurs-métiers en maintenabilité. Elle doit apporter les informations essentielles pour un usage efficace et efficient de la dite démarche.

3. La démarche d’analyse ergonomique préliminaire

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