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Modèle classique de boucle de transcription/traduction : exemple chez O.

Chapitre 1 : Introduction et revue de littérature

1.3. Rythmes circadiens

1.3.1. Modèles de régulation circadienne

1.3.1.1. Modèle classique de boucle de transcription/traduction : exemple chez O.

tauri et A. thaliana

L’algue verte O. tauri a émergé dans les dernières années comme un modèle fort intéressant pour l’étude moléculaire des organismes photosynthétiques. Ce picoeucaryote possède un minuscule génome de seulement 12,5 millions de paires de bases qui est extrêmement compact [139]. Cette relative simplicité ainsi qu’une très faible redondance dans les familles de gènes ont mené à l’utilisation de cet organisme comme un modèle minimal dans l’étude des rythmes circadiens chez la lignée des plantes vertes, qui ont auparavant été très largement étudiés chez Arabidopsis thaliana.

Oscillateur central

Le système circadien chez O. tauri semble être une version simplifiée de celle présente chez A. thaliana (Figure 1.3. B-C). En effet, chez cette dernière, trois boucles de rétroaction sont à l’œuvre afin de permettre la régulation circadienne de l’organisme [140]. La boucle centrale est formée de trois gènes codant pour des facteurs de transcription, soit TOC1 (TIMING OF CAB EXPRESSION, un membre de la famille des Pseudo Response Regulators, ou PRR) qui a un pic d’expression au crépuscule et qui contrôle négativement l’expression de deux facteurs à domaine Myb formant un hétérodimère, soit CCA1 (CIRCADIAN CLOCK-

ASSOCIATED 1) et LHY (LATE ELONGATED HYPOCOTYL) [141, 142]. Ceux-ci ont un pic

d’expression à l’aube [143] et contrôlent positivement l’expression de deux autres PRR, PRR7 et PRR9 [144], qui font partie de la boucle du matin et qui régulent négativement l’expression de CCA1/LHY [145]. PRR7 et PRR9 sont à leur tour régulés négativement par les membres de la boucle de soir, soit LUX (LUX ARRYTHMO), EFL3 (EARLY FLOWERING 3) et EFL4, qui sont tous des facteurs de transcription à domaine Myb, ce qui permet de lever l’inhibition de la transcription de CCA1/LHY [146-148].

Probablement en conséquence de la grande diminution de la taille du génome et du nombre de gènes, il n’a été possible d’identifier que deux membres de la boucle centrale de rétroaction chez O. tauri, soit CCA1 et TOC1 [149]. LHY et les autres éléments des boucles du matin et du soir ne semblent pas être présents. De façon similaire à A. thaliana, TOC1

montre un maximum d’expression au crépuscule, suggérant un rôle important dans la détermination de la durée du jour [150]. CCA1 montre par contre un patron différent en étant exprimé fortement toute la nuit tandis qu’il a un pic à l’aube chez A. thaliana. CCA1 est capable de réprimer la transcription de TOC1 en liant un motif conservé appelé la boîte EE (Evening Element) présente dans son promoteur [149]. TOC1 semble être le joueur le plus important pour la régulation circadienne vu que des changements dans son niveau d’expression provoquent de l’arythmie alors que la sous-expression de CCA1 ne semble pas avoir d’effet [149, 151].

La dégradation des deux protéines de l’horloge par le protéasome joue également un rôle majeur dans le maintien des rythmes. L’inhibition pharmacologique du protéasome permet en effet d’abolir tout rythme chez O. tauri et d’arrêter l’horloge au temps où l’inhibiteur est ajouté [150, 152]. La dégradation de CCA1 est régulée de façon circadienne et montre un maximum pendant le jour tandis que TOC1 est dégradé en réponse à la noirceur au début de la nuit [152]. La dégradation de TOC1 à la noirceur permettrait donc, en plus de l’inhibition de sa transcription par CCA1, de bien marquer la transition du jour vers la nuit. De plus, la régulation au crépuscule est également influencée par la CK2 (Casein Kinase 2), une kinase ayant un rôle important dans l’horloge d’une multitude d’organismes. L’addition d’un inhibiteur de CK2 a pour effet d’avancer l’horloge d’environ quatre heures, tandis que la surexpression de CK2 permet d’allonger la période [153]. Un effet similaire est observé lors de la manipulation de la CK1 [154, 155].

Bien que l’horloge de O. tauri semble minimaliste par rapport à celle de A. thaliana, des analyses mathématiques montrent qu’elle possède une robustesse surprenante face aux changements lumineux qu’elle rencontre durant la journée [156]. Cette robustesse est probablement reliée à l’utilisation de plusieurs voies de perception de la lumière ainsi qu’à différentes fenêtres d’opportunité fonctionnelles pour ces récepteurs [157] et serait une alternative génétiquement moins complexe que les multiples boucles de rétroaction présentes chez A. thaliana [158].

Intrants

La synchronisation de l’horloge de O. tauri à son environnement a surtout été étudiée en regard de la perception de la qualité lumineuse. Celle-ci passe principalement par deux

récepteurs distincts, soit un photorécepteur de type cryptochrome/photolyase (OtCPF1) [159] et un de type LOV-HK (Light, Oxygen or Voltage sensitive-Histidine Kinase) [160]. Les deux récepteurs sont capables d’absorber de la lumière bleue qui représente une plus grande proportion de la lumière visible plus on descend dans la colonne d’eau. Le promoteur de OtCPF1 permet une expression circadienne en début de journée et une baisse de son expression par ARN antisens a permis d’allonger la période tout en diminuant l’amplitude des variations circadiennes de l’expression de CCA1 fusionné à un rapporteur luciférase [159]. Un autre récepteur de la même famille, OtCPF2, montre aussi une variation d’expression en alternance jour/nuit, mais pas en condition constante, suggérant potentiellement un autre rôle pour ce récepteur. De façon très intéressante, les deux récepteurs sont capables, dans un système hétérologue, d’inhiber la transcription de la luciférase sous contrôle d’un promoteur lié par CLOCK:BMAL1, des facteurs de transcription de type bHLH de l’horloge des mammifères [159]. Une observation similaire a d’ailleurs été effectuée chez la diatomée P.

tricornutum avec le récepteur PtCPF1 [161]. Ceci suggère que le rôle de OtCPF1 pourrait être

similaire à celui des cryptochromes des mammifères qui inhibent directement les protéines de l’oscillateur central.

Le deuxième récepteur est de type LOV-HK, un gène retrouvé majoritairement chez les cyanobactéries et observé dans les génomes des diatomées [162] et de certains prasinophytes comme O. tauri mais pas chez les plantes terrestres [160], suggérant un transfert horizontal de gènes entre microorganismes marins. Le domaine LOV est par contre présent chez des protéines qui sont impliquées dans la régulation circadienne comme ZTL (Zeitlupe) qui régule la stabilité de TOC1 chez A. thaliana [163]. Le patron d’expression de LOV-HK est assez similaire à celui de OtCPF1, avec une plus grande abondance de l’ARNm à l’aube et un pic d’abondance de la protéine au milieu de la journée, et ce tout aussi bien en condition d’alternance jour/nuit qu’en condition constante [160]. La traduction du récepteur peut être régulée par la lumière alors que la quantité du récepteur fusionné à la luciférase augmente en quelques minutes après l’exposition des algues à la lumière bleue. La sous et la surexpression de LOV-HK permettent d’abolir la rythmicité du rapporteur CCA1-luciférase, suggérant un rôle important dans la régulation de l’oscillateur circadien [160]. Une modélisation mathématique a également montré que LOV-HK ainsi qu’une autre histidine kinase, couplée

cette fois-ci avec une rhodopsine, sont probablement à la base de la synchronisation de l’horloge par la lumière bleue et verte chez O. tauri [164].

Chez Arabidospis, la perception de la lumière rouge se fait principalement par cinq gènes codant pour des phytochromes [165]. Aucun phytochrome n’a pu être identifié dans le génome de O. tauri, bien que Micromonas pusilla¸ un genre proche, en possède un, suggérant une perte de ce gène lors de la réduction du génome de O. tauri [166]. Chez Micromonas, le phytochrome est exprimé tout juste avant l’aube et pourrait réguler la transcription de gènes reliés à la photosynthèse. Des observations similaires ont été effectuées chez les diatomées [167]. Le mécanisme de perception de longueur d’ondes plus courtes par les phytochromes ne semble donc pas être présent chez O. tauri, bien que la surexpression de LOV-HK soit capable de raccourcir la période de l’horloge dans la lumière rouge [160].

L’horloge d’Arabidopsis est également capable d’intégrer des signaux métaboliques, plus particulièrement les sucres provenant de la photosynthèse, et ce par le biais de PRR7 [168]. La possibilité de ce type de régulation n’a pas encore été testée chez O. tauri mais comme PRR7 ne semble pas être présent, l’intégration de ce signal vers l’horloge passerait par un autre mécanisme. De plus, un rythme circadien dans l’oxydation des peroxyrédoxines, qui se déroule de façon indépendante de la transcription [169] (voir section 1.3.1.2.2.), pourrait être un indicateur de la perception du statut métabolique de la cellule et son utilisation par l’horloge.

Sorties

Les sorties de l’horloge de O. tauri qui ont été analysées sont peu nombreuses, se limitant à l’analyse des changements transcriptionnels et le contrôle du cycle cellulaire. L’analyse à large échelle de l’abondance des transcrits par micropuce à ADN a permis de montrer que près de 80% des gènes de cette algue ont des variations circadiennes dans leur abondance [133]. De plus, l’expression des gènes reliés à des processus précis comme la photosynthèse et le contrôle du cycle cellulaire sont généralement regroupés ensemble. Par exemple, les gènes de la photosynthèse sont exprimés à la fin de la nuit et au début du jour, probablement de façon à ce que la cellule soit préparée à effectuer la photosynthèse dès l’apparition de la lumière. Les régulateurs du cycle cellulaire ainsi que des protéines de

réparation de l’ADN sont quant à eux exprimés vers le milieu de la journée, au moment de la réplication de l’ADN [133]. Des observations similaires ont été effectuées chez A. thaliana, où entre 5 et 15% des gènes sont sous contrôle circadien [132] et où la transcription des gènes de la photosynthèse, de réponse aux stress biotiques et abiotiques et de la croissance et du développement de la plante sont regroupés [170-172]. De plus, de multiples étapes régulant la transcription et la traduction ont été liées à l’horloge circadienne dans les dernières années, comme la modification de la chromatine, l’épissage alternatif et la production de miRNA [173]. Ces différents niveaux de régulation n’ont pas encore été étudiés chez O. tauri.

L’horloge de O. tauri contrôle aussi partiellement le cycle de division cellulaire. Les algues montrent clairement un rythme dans le moment de division, qui se déroule au début de la phase de nuit subjective en condition constante [174]. Ce processus est corrélé avec l’expression circadienne de quelques gènes régulant la division cellulaire, comme des cyclines et des kinases cycline-dépendantes, qui est indépendante du passage ou non de la cellule en phase S [175]. Il a été montré que la prise de décision de la cellule à passer en phase S pour répliquer son ADN est régulée par la durée et l’intensité lumineuse d’un pulse de lumière lorsque les cellules sont placées en condition de noirceur [175]. Celle-ci requiert un pulse d’au moins quatre heures d’une lumière intense pour passer en phase S et permettrait ainsi d’assurer à la cellule qu’elle a les ressources énergétiques suffisantes pour effectuer la division cellulaire. Il a d’ailleurs été montré qu’un certain niveau d’AMP cyclique est nécessaire pour permettre le début de la réplication de l’ADN [175].

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