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Chapitre 1 : Introduction et revue de littérature

1.3. Rythmes circadiens

1.3.2. Rythmes circadiens chez Lingulodinium

1.3.2.1. Mécanisme de l’horloge chez Lingulodinium

Bien qu’ayant servi de modèle circadien pendant plus de six décennies le mécanisme central de l’horloge circadienne chez Lingulodinium n’est toujours pas connu. Quelques études ont montré que Lingulodinium pourrait posséder au moins deux horloges circadiennes différentes [250]. Tout d’abord, lorsque l’algue est placée en condition constante, les pics intenses de bioluminescence (le total des éclairs produits par des cellules individuelles) conservent un rythme d’environ 24h tandis que la lueur faible émise par les algues, possiblement un résultat de la dégradation des scintillons, avait une période plus courte d’une heure en condition constante [250, 251]. L’augmentation de la température modifie également de façon différente les périodes de ces deux phénomènes. Le traitement des cultures en condition constante avec de la lumière rouge a de plus permis de montrer que les rythmes d’agrégation et de bioluminescence ne possèdent pas la même période et réagissent

différemment aux deux couleurs de lumières [250, 252]. Ces données montrent que différents rythmes circadiens chez Lingulodinium sont probablement régulés par au moins deux voies différentes.

Malgré l’absence de régulateurs moléculaires identifiés jusqu’à maintenant, quelques points ressortent de la régulation des différents rythmes les plus étudiés. Cette régulation semble passer principalement par un contrôle traductionnel et post-traductionnel plutôt que par un contrôle transcriptionnel comme c’est le cas en général pour les eucaryotes [226]. En effet, les transcrits de chacun des gènes étudiés dans un contexte circadien chez Lingulodinium restent stable pendant la journée tandis qu’ils sont traduits à des temps bien précis et que les protéines peuvent être modifiées de façon post-traductionnelle ou bien voir leur localisation changer. De plus, la traduction in vitro des ARNm de Lingulodinium montre des patrons très similaires de protéines traduites entre des ARNm extraits tant en phase de jour qu’en phase de nuit, suggérant une certaine stabilité dans la quantité de transcrits entre différents temps [253]. Il est également intéressant de mentionner que chez d’autres dinoflagellés, les changements circadiens dans l’expression des gènes ont été investigués et sont minimes chez Pyrocystis

lunula et chez K. brevis. Environ 3% des 3500 transcrits analysés par des expériences de

micropuces à ADN varie en fonction du temps circadien chez P. lunula mais aucun ne voit son niveau augmenter ou diminuer de plus de 3 fois [254]. Des résultats similaires ont également été obtenus pour l’analyse de 4629 gènes par micropuce à ADN chez K. brevis, où environ 10% des transcrits varient en alternance jour/nuit alors que 3% des gènes continuent à osciller en conditions constantes [255]. Comme mentionné plus haut, les variations circadiennes dans l’abondance des transcrits chez d’autres organismes unicellulaires est beaucoup plus important que ces deux études, alors qu’environ le tiers des transcrits chez la diatomée Phaeodactylum

tricornutum montrent des variations significatives sur un cycle jour/nuit [256] et que près de

80% des transcrits de O. tauri en font de même [133].

Plusieurs études se sont penchées sur le rôle de la traduction dans la génération et le maintien des rythmes circadiens chez Lingulodinium. Tout d’abord, il a été montré, par marquage des protéines nouvellement traduites à la leucine tritiée, que la synthèse de plusieurs protéines était contrôlée de façon circadienne, soit au début de la phase de nuit (LBP, Luciferase), au milieu de la phase de nuit (RubisCO) et à la transition entre la fin de la nuit et

le début de la journée (PCP, GAPDH) [91, 92, 253]. De façon intéressante, ces moments de synthèse de protéines corrèlent très bien avec les maximums des rythmes physiologiques dans lesquels les protéines sont impliquées chez Lingulodinium. L’inhibition de la synthèse protéique par différents inhibiteurs chimiques comme l’anisomycine et le cycloheximide a aussi d’importants effets sur l’horloge de Lingulodinium, permettant d’avancer ou de reculer la phase de l’horloge dépendant du temps d’administration des inhibiteurs [257-259]. Peu de détails sont par contre connus sur les mécanismes permettant de réguler de façon circadienne la synthèse protéique chez Lingulodinium. Une protéine pouvant lier le 3'-UTR de l'ARNm de LBP dans la journée, mais pas pendant la nuit a été identifiée [93] sans que ces résultats puissent faire l'objet d'une confirmation lors d'une étude plus approfondie [94].

Le rôle de la régulation post-traductionnelle dans les rythmes circadiens a aussi été étudié par le biais d’études d’inhibition chimique de kinase et de phosphatase. Par exemple, l’utilisation d’inhibiteur non spécifique des kinases comme la staurosporine et le 6- dimethylaminopurine permettent d’allonger de façon concentration-dépendante la période de l’horloge et de la stopper à forte concentration [111, 112]. Ces inhibiteurs permettent aussi de bloquer la synchronisation de l’horloge à des changements de phase lumineuse. De plus, l’inhibition spécifique des protéines phosphatase 1 et 2A permettent également d’allonger la période de l’horloge, mais pas de bloquer la synchronisation avec son environnement [113, 114]. Le rôle de la phosphorylation a été plus récemment étudié par des études de phosphoprotéomique. La comparaison par électrophorèse bidimensionnelle d’échantillons protéiques colorés au ProQ diamond, un colorant des phosphoprotéines, provenant du milieu du jour (LD6) et du milieu de la nuit (LD18) a montré que la phosphorylation de 47 protéines était plus importante à LD6 et 34 protéines l’étaient plus à LD18 [115]. Deux protéines phosphorylées à LD18 ont pu être identifiées par spectrométrie de masse comme étant un complexe collecteur de lumière et RAD24, une protéine impliquée dans le contrôle de la réplication de l’ADN. Comme cette étape du cycle cellulaire s’effectue vers le milieu de la nuit chez Lingulodinium [260], la phosphorylation de RAD24 peut potentiellement être relié au contrôle de la réplication. Une étude à plus large échelle par le biais de la purification de phosphoprotéines suivie d’un séquençage par spectrométrie de masse a permis d’identifier des protéines contenant des domaines de liaison à l’ARN dont plusieurs pourraient être des cibles

de la Casein kinase 2 [95]. Comme cette kinase est impliquée dans l’horloge de plusieurs organismes [261], il est possible qu’elle joue un rôle dans la régulation circadienne de la traduction chez Lingulodinium. Finalement, des changements circadiens dans la structure de la cellule ont également été observés. Par exemple, les chloroplastes prennent une forme allongée pendant le jour, avec les thylakoïdes, où la lumière est captée, se retrouvant près de la surface de la cellule et le pyrénoïde, où se fait la fixation du carbone, se retrouvant plus près du centre. La nuit, les chloroplastes sont moins allongés et se retrouvent au centre de la cellule tandis que les scintillons se retrouvent à la surface [23].

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