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2.4 Le cycle de vie des microsatellites

2.4.2 Modèle biologique

A partir des connaissances accumulées sur les diérentes propriétés des microsatellites, il a été possible de développer un modèle de leur cycle de vie. Un modèle synthétique a été proposé ré- cemment par Buschiazzo et Gemmell [Buschiazzo and Gemmell, 2006], qui divise la vie d'un mi-

crosatellite en cinq phases majeures : la naissance, l'expansion, la dégénérescence, la contraction, et enn la mort (gure 2.4). Ce modèle repose sur l'hypothèse originale d'un biais de mutation non pas basé sur la taille du microsatellite, mais sur son âge (même si les deux sont liés). Ainsi, les plus jeunes bénécieraient d'un biais vers les expansions, les faisant grandir jusqu'à une taille focale, puis les contractions commenceraient à devenir plus importantes (en proportion ou en nombre de répétitions), réduisant leur taille.

Fig. 2.4 Modèle du cycle de vie des microsatellites.

La première phase, la naissance des microsatellites, est l'axe principal de cette thèse et sera donc détaillée plus longuement dans la section suivante, mais nous allons tout de même donner ici les notions de base. Les microsatellites apparaissent en général dans des séquences à faible complexité (voir section 2.1.2). Elles contiennent de nombreux quasi et proto-microsatellites, qui peuvent fa- cilement donner naissance à de vrais microsatellites par l'intermédiaire de mutations ponctuelles.

Ces microsatellites sont qualiés de de novo, car ils sont apparus directement à partir de la sé- quence génomique. A l'inverse, les microsatellites dits  adoptés  ne sont pas issus de la mutation de la séquence génomique, mais ont été insérés tels quels, généralement via les éléments transpo- sables. L'importance relative de chacun de ces deux modes d'apparition n'est pas encore très bien connue et le travail présenté dans cette thèse a pour ambition d'y apporter quelques éclaircissements.

La naissance est alors suivie de l'expansion du jeune microsatellite. Comme nous l'avons précisé, le taux de mutation est corrélé à la taille du microsatellite, et est biaisé vers les expansions, surtout pour les petites tailles. Cela a pour conséquence une augmentation du nombre de répétitions du mi- crosatellite, qui grandit d'autant plus vite qu'il vieillit. Cette croissance continue jusqu'à atteindre  l'âge d'or , où il est à sa taille maximum, parfait et très variable.

Mais le microsatellite nit par subir des mutations ponctuelles, créant des interruptions, et il entre dans la phase de dégénérescence. Les interruptions stabilisent la séquence (voir section 2.3.5) qui par conséquent grandit beaucoup moins vite, et accumule d'autres interruptions. De plus, il est possible que le processus de glissement puisse dupliquer les interruptions, produisant une accumula- tion d'autant plus rapide [Estoup et al., 1995, Rolfsmeier and Lahue, 2000]. Le passage dans la phase de dégénérescence via les interruptions peut par contre n'être que transitoire, car il a été montré que les glissements pouvaient aussi faire disparaître les interruptions [Harr et al., 2000]. L'arrivée des imperfections coïncide aussi avec le début du biais vers les contractions. Rien à l'heure actuelle ne permet de savoir si les interruptions jouent un rôle sur l'accentuation des contractions, mais il est clair que les microsatellites ayant atteint une certaine taille (et donc un certain âge) subissent des contractions, soit plus fréquentes, soit plus importantes (voir section précédente).

L'eet conjugué des interruptions et des contractions fait passer le microsatellite dans la dernière phase, celle de contraction. La quasi-totalité des mutations sont des contractions et des mutations ponctuelles, si bien que la répétition en tandem disparaît, signiant la mort du microsatellite. Mais il est tout à fait possible qu'un nouveau microsatellite puisse renaître à partir de celui qui est décédé. En eet, la mort du microsatellite n'est autre que le passage d'une séquence répétée en tandem à une séquence de faible complexité durant la phase de contraction. Or, ces séquences sont justement un terreau favorable à l'apparition des microsatellites, comme nous l'avons indiqué plus haut. Ces réapparitions peuvent prendre deux formes : une  résurrection  lorsque le nouveau microsatellite est de même motif que l'ancien, ou une  réincarnation  lorsque le motif a changé.

L'une des questions principales concernant ce modèle est la durée du cycle. Il est bien évident que cette durée est propre à chaque locus, et dépend du motif, de la rapidité d'accumulation d'inter- ruptions, de l'importance des contractions durant la phase de dégénérescence, etc. (cf. section 2.3). Toutes ces contraintes sont liées à l'environnement génomique du microsatellite (déamination des cytosines, zone de forte recombinaison pouvant entraîner des insertions, zones sous sélection) ou à l'espèce (enzymes de réparation plus ou moins performantes, contraintes de taille de génome). Il est aussi important de noter que la vision de ce modèle est centrée sur la vie d'un allèle unique. Or, la qualité intrinsèque d'un microsatellite, et qui fait son attrait principal, est justement d'être présent sous plusieurs allèles au sein des populations. Les limites entre les phases deviennent alors beaucoup plus oues, lorsque par exemple certains allèles d'un locus sont déjà engagés dans la phase de dégéné- rescence (à cause de mutations ponctuelles) alors que d'autres sont encore en phase d'expansion. La durée du cycle de vie est en fait contrôlée par la dérive génétique qui, par son action, nit par éliminer tous les allèles d'une phase ou d'une autre, et ainsi fait progresser ou régresser le locus dans son cycle.

La question de la durée du cycle est donc un problème ouvert, et qui ne pourra être résolu qu'en intégrant des interactions populationnelles au modèle moléculaire présenté ici. Toutefois, quelques études expérimentales laissent à penser que ce cycle pourrait être assez rapide. En eet, même entre espèces proches, il existe des diérences critiques. Chez les hémiasciomycètes, la variation en densité peut aller du simple au triple, quel que soit le type de motif [Malpertuy et al., 2003] ; chez les drosophiles, les rares longs microsatellites de D. melanogaster ne sont apparus que très récemment [Harr and Schlotterer, 2000].