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Apparition des microsatellites à partir du polyA

3.3 Discussion

4.3.3 Apparition des microsatellites à partir du polyA

L'une des questions principales que soulèvent nos travaux est la manière dont apparaissent les microsatellites associés aux Alu. En eet, nous avons observé que les microsatellites riches en A situés en 3' des Alu les plus récents, même s'ils sont assez peu présents, sont déjà de taille impor- tante, contredisant le modèle d'apparition par mutation ponctuelle, suivie d'une expansion. Dans leur article de 1995, Arcot et al. ont émis trois hypothèses pour expliquer l'association entre les microsatellites et la région 3' des éléments Alu (gure 4.10).

La première des hypothèses, qui est aussi évoquée par Nadir et al. (1996), propose que l'intégra- tion des séquences Alu se fasse préférentiellement à l'intérieur d'un microsatellite existant. Comme nous l'avons expliqué, l'intégration produit des répétitions directes, dont l'une est adjacente au 3' du polyA du Alu. Si cette répétition directe est un microsatellite, cela créé de fait une association avec le Alu. Cette hypothèse est soutenue par le fait que les sites d'intégration sont probablement de type TTAAAA [Jurka, 1997], qui, sans être en soi des microsatellites, ont de fortes chances d'être

Fig. 4.10  Les diérentes hypothèses proposées par Arcot et al. (1995) pour expliquer l'association entre les microsatellites et la région 3' des éléments Alu. Dans l'hypothèse 1, la copie de l'élément Alu est intégrée à l'intérieur d'un microsatellite. Ce dernier se développe ensuite dans la queue polyA. Dans l'hypothèse 2, l'élément Alu est intégré avec sa queue polyA saine, puis celle-ci accumule des mutations jusqu'à l'apparition d'un microsatellite. Dans l'hypothèse 3, la queue polyA subit des mutations ponctuelles avant l'intégration de l'élément Alu, favorisant l'apparition d'un microsatellite.

présents dans des séquences de type (A3−5T)n. Nous avons par ailleurs observé une association

signicative entre les régions 5' de Alu et certains microsatellites riches en A (et notamment les (AT)n et (AAT)n), même pour les intégrations les plus récentes. Les distributions en taille de ces

microsatellites étant de plus conformes à celles de leurs homologues non associés aux Alu, ils étaient probablement déjà présents dans le génome avant l'intégration des Alu. L'association observée ré- sulte donc d'une intégration ciblée des Alu, qui a pu promouvoir l'apparition des microsatellites en 3' de Alu via la répétition directe. Les proportions d'association en 5' sont toutefois relativement faibles par rapport à celles en 3', et l'intégration ne semble ciblée que sur les microsatellites à base de A et T. La première hypothèse de Arcot et al. (1995) ne peut donc expliquer qu'une fraction minime de l'ensemble des apparitions observées dans le polyA des Alu.

La seconde hypothèse suppose que la queue polyA accumule des mutations après l'intégration de Alu, qui peuvent de temps en temps aboutir à un proto-microsatellite capable de se développer par la suite. La troisième hypothèse suppose que les mutations apparaissent, non pas après l'intégration mais durant celle-ci, à cause de la faible qualité de la polymérase chargée de la synthèse du brin com- plémentaire. Les mutations produites serviront ensuite de support à l'apparition d'un microsatellite comme dans la seconde hypothèse. Il est très dicile de distinguer les eets des deux hypothèses, sinon que la seconde permet de produire des microsatellites plus rapidement que la première. Elles impliquent toutes deux en revanche une augmentation progressive du nombre de microsatellites en 3' de Alu au cours du temps, et de plus en plus développés.

Nos résultats montrent en eet une telle augmentation, mais les microsatellites semblent déve- loppés quel que soit l'âge des Alu. Nous ne connaissons pas la vitesse à laquelle un microsatellite peut se développer à partir d'un proto-microsatellite, et il est donc possible que les locus observés en 3' de AluY+ soient issus de l'expansion de microsatellites apparus avec des mutations contractées durant l'intégration (hypothèse 3). Les microsatellites associés aux AluY et autres Alu plus anciens seraient apparus plutôt à partir de mutations contractées après l'intégration (hypothèse 2).

La rapidité de production des microsatellites dépendrait par ailleurs de leur motif. Nous avons remarqué que les dinucléotides ne présentent pas d'association particulière avec les AluY+. Les mo- tifs dinucléotides n'étant pas riches en A, il est logique qu'ils soient plus diciles à créer à partir d'une séquence polyA. Ils sont par contre signicativement associés aux AluY, signiant qu'ils sont apparus dans les 10-20 derniers millions d'années, ce qui est assez rapide. Cette production de nou- veaux locus en région 3' de Alu serait ensuite continue, réduisant par la même occasion la proportion de polyA associés à cette région des Alu, jusqu'à ce que la majeure partie de ces polyA aient été dégradés. Nos distributions montrent que cet eet d'épuisement des  ressources polyA  pourrait être atteint pour les AluJ, pour lesquels la proportion d'association avec des microsatellites (donc le nombre qui sont apparus) a diminué. Il semblerait donc que les diérents mécanismes proposés

par Arcot et al. (1995) aient tous une inuence sur l'association entre microsatellites et éléments Alu.

Nous avons caractérisé la réduction de la taille des microsatellites dans la section précédente, et leur apparition dans cette section. A partir des diérentes hypothèses développées, et de l'âge des familles Alu, il est possible de proposer un modèle de cycle de vie des microsatellites situés dans la région polyA des séquences Alu (4.11).

Tout d'abord, une partie des polyA se transforment en microsatellites riches en A, à partir de mutations ponctuelles contractées durant l'intégration. Ces microsatellites sont assez peu nombreux et se développent rapidement (en moins de 5 millions d'années). Les polyA qui ne se sont pas transformés subissent, eux, une réduction de taille, et accumulent des mutations ponctuelles, qui aboutiront là encore à l'apparition de quelques microsatellites riches en A. Cette phase se déroule en une dizaine de millions d'années environ. Les mutations s'accumulent ensuite de manière constante, produisant régulièrement de nouveaux microsatellites tandis que la proportion de polyA se réduit. Parallèlement, les microsatellites apparus en premier subissent eux-aussi une réduction de taille qui mène probablement à leur disparition. Le temps nécessaire à la réduction et à la disparition de ces microsatellites ne peut par contre pas être évalué à partir de nos données. Enn, tous les polyA ont été dégradés ou transformés, et les microsatellites restants sont eux-aussi sur le déclin. Le début de cette phase semble être visible pour les AluJ, c'est-à-dire pour des âges entre 60 et 80 Ma.