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L’étude du processus d’internationalisation de la R&D tel qu’il se passe actuellement ou tel qu’il pourrait se passer plus tard exige l’introduction du concept du cycle de l’investissement étranger. C’est un processus dynamique régit par les stratégies localement adoptées par les multinationales pour s’installer dans certains pays hôtes, ou alors par les stratégies qui leur ont été imposées par la législation dans certains pays émergents. Ce processus intègre le modèle d’internationalisation des activités de la firme favorisant à la fois l’internationalisation du capital fixe productif et l’internationalisation du capital technologique. Le cycle des IDE va permettre d’identifier les différences qui peuvent exister entre les différents pays émergents. Pour le cas de la Chine et du Brésil par exemple, les différences peuvent ressortir sur les objectifs stratégiques dominants que les multinationales ont adoptés pour intégrer les pays. Les pays de l’Amérique du Sud sont longtemps restés soucieux de trouver comment ils pourront substituer les exportations par la production locale.

Puisque toujours sous-développés, et soucieux de réussir cet objectif, ils ont été les lieux favoris d’ouverture aux IDE essentiellement à caractère horizontal. L’entrée au Brésil par exemple par les multinationales s’est fait tout au début par le biais de l’acquisition des firmes locales contrairement à la stratégie chinoise qui consistait à imposer aux transnationales étrangères le système de joint-ventures plus bénéfique pour la Chine et favorisant surtout l’essor des exportations en retour vers les pays d’origine des multinationales. Les processus d’internationalisation de la R&D vus sur cette base peuvent ne pas être identiques même si les objectifs demeurent pareils. L’impact de ces processus d’installation dans les pays émergents reste à mesurer pour que nous comprenions la logique du comportement de la firme multinationale. Par exemple, les firmes multinationales peuvent progresser plus rapidement avec l’installation de la R&D dans les pays émergents pour lesquelles la stratégie vise directement le marché107, alors que pour les pays essentiellement de

107 Cette remarque peut être observée grâce aux données sur les investissements étrangers de R&D des firmes

multinationales des USA dans le précédent chapitre, qui montrent des montants très élevés pour le Brésil par rapport à la Chine et aux deux autres pays.

délocalisation, le processus pourrait être plus lent, donc le cycle de l’IDE pourrait être plus lent à certains égards.

Les processus d’internationalisation des activités sous la forme du cycle de l’investissement étranger vont susciter des interrogations par rapport à l’organisation de la firme et de ses filiales dans les pays émergents à savoir la place de l’unité de R&D au sein de l’organisation ainsi que les mesures possibles adoptées pour se protéger contre la faiblesse des droits de la propriété intellectuelle, et l’asymétrie de l’information notamment. L’internationalisation de la R&D dans un pays émergent peut générer de nouveaux revenus à une multinationale. Mais la condition stricte pour ceci est que la multinationale puisse conserver complètement le contrôle de sa technologie dans le pays émergent. Il faut donc pour y parvenir que la technologie soit internalisée dans une filiale détenue par la firme mère. Cette stratégie offre l’opportunité à la multinationale de prolonger le cycle de vie de la technologie vieillissante en appliquant les modèles de transfert complet de technologie de type Nord-Sud suggérés dans les études.

Dans ces modèles, le commerce international est surtout soutenu par l’enrichissement technologique réciproque à la fois au Nord et au Sud. Le Nord innove continuellement et le Sud s’initie progressivement à l’ancienne technologie pour développer ses compétences. La technologie est internalisée par la firme mère au sein d’une filiale de préférence lui appartenant à 100%, alors que la production peut continuer à être confiée à des Joint-ventures. Cette méthode développe un marché de transaction technologique à proximité des filiales chargées de la production. Elle présente aussi l’avantage que la firme mère garde le contrôle sur la technologie en fin de cycle et peut même progresser vers de la technologie d’innovation pour fabrication des produits adaptés aux marchés locaux grâce à l’unité chargée de la R&D. Nous resterons donc dans la logique de production actuelle des pays émergents avec des innovations technologiques récentes, mais aussi des produits au cycle de vie prolongé qui contribuent au bien être des consommateurs des pays émergents à revenus encore modestes et par ce biais à l’augmentation du revenu de la multinationale.

Nous allons donc avoir deux processus d’internationalisation du cycle de l’investissement étranger, il s’agit du :

Il est le processus actuel qui présente tous les désavantages que nous avons cités plus haut. Il est dit uniformisé parce qu’il regroupe l’activité de production et l’activité de R&D au sein des filiales notamment des joint-ventures entre multinationales et firmes locales des pays émergents. Il est fortement à connotation asymétrie de l’information et contraint les firmes à rester réfractaires au transfert de la technologie quelle que soit sa forme (licence, ou IDE de R&D), tel que nous le présentions déjà dans le chapitre ci-dessus. De façon plus simple, le processus uniformisé de l’internationalisation du cycle de l’investissement étranger inhibe la phase de transfert de technologie au pays émergent, notamment parce que les multinationales ne possédant pas de filiales leur appartenant à part entière n’ont pas de garanties quant-à la sécurité de leur technologie de production. C’est le système des joint-ventures qui régit la production et dans certains cas comme pour les pays asiatiques, les multinationales sont sous l’effet de contraintes gouvernementales. C’est le processus qui fut le plus appliqué dans le cas de l’internationalisation vers les pays comme la Chine avant les années 1990s.

- Le processus intégré

Il permet à la multinationale d’accroître les revenus du commerce international en favorisant l’intégration dans la chaîne de production d’une filiale qui conserve tous les droits sur la technologie tout en développant un marché de transfert de technologies avec les autres filiales issues des joint-ventures. Le processus intégré du cycle de l’investissement étranger repose sur le fait que la phase d’internationalisation de la R&D est internalisée c'est-à-dire intégrée au sein d’une forme organisationnelle nouvelle caractérisée par son appartenance complète à sa firme mère multinationale. C’est en appliquant ce processus que la multinationale va apercevoir tous les avantages liés à l’internationalisation de la R&D et pouvoir mieux protéger sa technologie.

1-1 L’interdépendance des activités des firmes.

La reconstitution ou réorganisation du capitalisme industriel et l’existence de nouvelles destinations pour le capitalisme industriel constituent deux des postulats fondamentaux de notre travail. En réalité la reconstitution du capitalisme en elle-même n’est pas un fait indéniable, il n’est en aucun cas question dans ce travail de prouver que la chute du système capitaliste lui est si fatale au point où son exportation vers d’autres destinations soit la panacée. Tout simplement le système est victime d’un essoufflement, et d’une saturation dans les pays déjà développés. Le postulat sur l’existence des nouvelles destinations apparaît juste comme un coup de pousse pour sortir le système de sa période de latence, autrement dit

pour retarder un état stationnaire108. L’établissement des réseaux internationaux de production n’est que le côté visible d’un grand mouvement de reconstitution et de conquête de nouveaux marchés. Les deux postulats s’emboîtent entre eux, ils peuvent ainsi être étudiés ensemble, sur la base des deux propositions ci-dessous :

Proposition 1 : La reconstitution du capitalisme introduit les pays émergents à participer dans la chaîne de production mondiale.

La mondialisation de la production des firmes multinationales ne concernent en réalité pas tous les pays, il existe une sorte de hiérarchisation dans le choix des destinations pour s’internationaliser. Pour parler du cas concernant uniquement le choix d’internationaliser les activités de R&D, les firmes multinationales préfèrent à la suite des pays de la triade (Etats- Unis, UE, Japon) s’établir dans les pays asiatiques. Les statistiques montrent que la part de l’Asie dans les dépenses de R&D des filiales étrangères américaines a évolué de 3% en 1994 à 10% en 2002 (Masne, 2007). Bien évidemment la hiérarchisation des préférences d’internationalisation s’explique par un ensemble de facteurs dont certains pays sont mieux dotés que d’autres. Il se trouve que le malaise du système capitaliste en proie à des crises dans les pays développés, l’ait poussé à la recherche de destinations nouvelles.

Sur base de critères et d’accords avec les multinationales109, les pays actuellement

considérés comme émergents ont fait leur ouverture au capitalisme en offrant parfois des coûts de production compétitifs, des marchés grandissants et bien d’autres avantages accordés par les institutions (comme les avantages sur les impôts). Parmi les pays émergents où le système capitaliste se reconstitue avec succès, nous citons le Brésil, l’Inde, la Chine, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, l’Afrique du Sud. Sur la base des classifications existantes ces pays sont regroupés en fonction de leur attractivité aux délocalisations et sous- traitance (outsourcing). C’est le cas du rapport de Chillibreeze 2006110 qui classait les 10

meilleures destinations dans l’ordre suivant – Inde, Chine, Malaisie, Philippines, Hongrie, République Tchèque, Russie, Afrique du Sud, Mexique, Pologne. Il existe également le

108

L’état stationnaire ici concerne la situation du système capitaliste en général c'est-à-dire surmonter les crises et non l’état stationnaire d’une économie particulière. Celle-ci est d’après le modèle classique retardée par le progrès technique.

109 Chaque pays impose aux multinationales des règlementations pour leurs investissements. La Chine par

exemple a imposé aux grands constructeurs automobiles des restrictions, en leur exigeant de s’installer en Joint- venture avec les firmes locales.

110

http://www.chillibreeze.com/articles/top-countries-outsourcing.asp (site Indien proposant un ensemble de travaux en relation avec les délocalisations.

classement Top Global Outsourcing cities111 qui classe les villes émergentes pour leur

attractivité aux délocalisations et sous-traitances (le secteur concerné est surtout lié aux activités de l’Information et Technologies). C’est une classification très restrictive puisqu’elle concerne les activités de l’information et technologie uniquement, mais qui toutefois, concorde avec les tendances des pays émergents tels que déjà présentés ci-dessus. Les villes des pays de l’Asie surtout reviennent en première position, ensuite les villes de l’Europe de l’Est et du Centre, tandis que Johannesburg en Afrique du Sud vient en 20e position gagnant

cinq places par rapport au classement de 2007. Par rapport à l’attractivité aux investissements de R&D des multinationales, le WIR2005112 estime une croissance du rôle des pays en

développement de 7,6% à 13,5%. Le dynamisme des économies des pays émergents a su favoriser leur intégration à la sphère industrielle mondiale, ceci permet l’essor du système capitaliste en pleine reconstitution.

Proposition 2 : Au cours de sa reconstitution, le capitalisme suit un cheminement en phases caractérisé par le déplacement progressif des activités - de l’activité principale aux activités de support comme la R&D – vers les pays émergents. (Voir Masne 2007). Le cycle ne veut pas dire complémentarité.

Cette proposition pourrait faire l’objet d’une hypothèse dont la véracité peut être contestée par des données statistiques, elle se rapproche de l’hypothèse connue de complémentarité entre la production et la R&D. La relation est d’ailleurs testée dans Dunning, Narula(1995) pour le cas de la R&D des firmes étrangères aux Etats Unis, ils utilisent comme variable la part de la production des multinationales étrangères aux Etats Unis dans un secteur. La même question est soulevée autrement par Hewitt(1980) qui utilise pour variable l’intensité d’exportation vers le pays d’origine, pour capter le lien entre production et R&D. Pour nous, c’est l’objet du cycle de l’investissement étranger auquel allusion est faite dans ce travail. Elle stipule que l’installation des multinationales se fait de façon progressive commençant par l’activité principale (la production par exemple) pour continuer par les activités de support (R&D, ventes, marketing). Il existerait probablement une complémentarité entre l’activité principale et les activités de support. Il s’agit d’une interdépendance entre activités de production et la R&D. Toutefois, notons que la

111 Global Services (2008), Research Report

www.globalservicesmedia.com

112 En plus des montants croissants investis dans les pays émergents, le WIR2005 observe aussi la croissance de

complémentarité ne constitue qu’une hypothèse parmi toutes celles qui pourraient être liées à la question d’interdépendance des activités ou autrement les liens interactifs selon Lall(1979).

Par contre, lorsque nous incluons la nature des différentes activités de la firme, continuer à parler de complémentarité entre la production et la R&D pourrait devenir délicat. L’activité de production en effet n’a rien de commun dans sa nature et ses caractéristiques avec l’activité de R&D. Néanmoins, des liens indissociables peuvent être établis entre les deux. Ceci est d’autant plus plausible que si nous nous référons à la genèse des activités de R&D, elles avaient toujours été externes à la firme, d’où le caractère exogène que leur a attribué le concept néoclassique. La complémentarité entre activités peut être liée à la complexité qui les caractérisent et qui rendrait difficile leur internationalisation. La résolution de ce problème existe désormais à travers l’application de la division du travail (verticale ou horizontale). Ceci étant, nous considérons comme absolument complémentaire les différents modules d’un même produit qui peuvent être localisés soit dans des pays différents soit dans un même pays.

La complémentarité entre l’activité de production et l’activité de R&D définit dans le sens selon lequel, la première occasionne l’internationalisation de la seconde peut faire l’objet d’une remise en cause, surtout lorsque nous interprétons l’internationalisation dans les pays émergents. La présence dominante des accords de joint-ventures aura un impact différent sur la décision d’internationaliser le capital technologique selon que les règles qui régissent le fonctionnement de ces joint-ventures sont plus à caractère politique qu’économique. Dans le cas du processus uniformisé du cycle de l’investissement étranger, la complémentarité entre les activités de production et la R&D trouve donc lieu d’être remise en question ou tout au moins d’être vérifiée.

Contrairement aux pays développés où le modèle d’internationalisation a consisté à installer l’ensemble d’une chaîne de production, les pays émergents connaissent une forme d’internationalisation basée essentiellement sur la division progressive du travail. Cette façon de concevoir le scénario sous-entend une certaine évolution diachronique de l’organisation de la firme. La localisation des activités pourrait donc se résumer en un problème de dynamique, qui se base sur l’absence d’autonomie113 entre la localisation de la production et la localisation

des activités de support dans les pays émergents. C’est en tenant compte de cette autonomie

113

Luo Yadong (2006) “Autonomy of foreign R&D units in an emerging market: an information processing perspective”

qu’il est possible de comprendre que la R&D soit absolument nécessaire à la production et que la technologie comme telle soit un facteur de production au même titre que le capital physique et le travail. La question est donc de savoir s’il est préférable de parler d’autonomie et donc de l’existence de liens qui se tissent entre la R&D et la production et qui par la suite deviennent indissociables parce que cette technologie contribue d’une certaine manière à la production. Les forces centrifuges comme l’existence d’un marché local peuvent être à l’origine de ce dynamisme.

C’est sur la logique de ces deux propositions que nous basons le modèle d’internationalisation des activités dans les pays émergents pour expliquer la prise de décision par une multinationale d’internationaliser dans un pays émergent ses activités de R&D. Nous restons dans la logique du paradigme OLI sauf que nous focalisons le travail uniquement dans ces facteurs internes à la multinationale qui favorisent ou défavorisent la prise de décision pour investir dans la R&D dans un pays émergent, il s’agit des facteurs O et I. Les facteurs O pouvant être les avoirs stratégiques comme les technologies et les facteurs I étant liés aux stratégies que la multinationale veut appliquer. Nous ne rejetons pas l’importance des facteurs de type L du pays hôte. Au contraire, leur place est importante, toutefois, il y a de plus en plus cette tendance que les pays appliquent les mêmes politiques d’attractivité, sauf que la répartition des IDE en général et de la R&D en particulier reste confinée à certaines destinations.

1-2 La proposition de modèle évolutif pour l’acheminement des activités des multinationales dans les pays émergents.

1-2-1 Les origines du modèle

La combinaison des deux premiers postulats et de la dernière proposition ci-dessus discutée forme le socle de développement de l’explication du comportement des firmes pour ce qui est des avantages O. En effet la technologie constitue le lien entre la production et l’activité de R&D, qui fait en sorte que la complémentarité ou l’interdépendance soit indispensable114. Le modèle que nous introduisons à ce niveau va constituer la tentative de

compréhension du comportement des multinationales pour ce qui est de leur choix à étendre leurs investissements jusqu’à la R&D dans les pays émergents. Une élaboration presque

114 Toutefois, d’après les modèles de croissance néoclassiques où le secteur de la technologie existe à part dans

similaire est l’œuvre de Hewitt (1981). Cet auteur tente de donner une interprétation des investissements de R&D des multinationales américaines dans d’autres pays. Son modèle est une sorte de prolongement du travail de Stopford et Wells (1972) qui lui porte sur les phases de développement international des structures des multinationales. Hewitt(1981) reconnaît lui-même que son travail suit la logique évolutive issue de l’œuvre de Stopford et Wells(1972). Le modèle de ces deux derniers auteurs expose les phases d’internationalisation et les changements de structure qu’adoptent les filiales internationales en fonction des objectifs stratégiques visés. Les travaux faisant allusion à ce modèle font état de la toute première tentative de recherche empirique qui associe les stratégies des multinationales à leurs structures dans les pays hôtes. Nous avons à titre d’exemple l’article de Egelhoff (1988)115, dans lequel il est question d’une révision du modèle en réponse aux critiques de

Galbraith et Nathanson (1978).

En effet dans leur conception, Stopford et Wells présentent l’évolution et l’alternance des structures des multinationales en fonction des stratégies que ces dernières poursuivent. L’originalité de ce modèle réside donc dans la manière avec laquelle ses auteurs parviennent à combiner la stratégie poursuivie et le cadre idéal (structure de la firme) pour son application. Ce modèle fait donc ressortir les différentes hypothèses sur le comportement et explique les choix décisionnels des firmes multinationales. Il est montré que les multinationales en général ne poursuivent pas vraiment une seule stratégie, elles combinent deux objectifs stratégiques dans le cas présent. Pour plus de clarté, nous essayons de dire que les multinationales s’installent dans les pays hôtes sous des structures leur permettant facilement d’atteindre les objectifs prescrits dans leur stratégie. Il est donc ici question des investissements étrangers, ou mieux encore de la création internationale de filiales. Remarquons toutefois que dans leur livre, les deux auteurs ont commencé leur travail par une étude fonctionnelle de structure du développement local des firmes lorsque ces dernières n’ont qu’un seul produit dans leur