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Chapitre 5. Résultats, analyses et discussion

5.2. L’analyse des entrevues

5.2.5. La mobilité sociale et économique

Les politiques de discrimination positive ont été créées pour faire face au racisme culturel brésilien, mais aussi pour répondre à la dimension redistributive de l’augmentation des revenus et de la mobilité sociale des étudiants negros (Fraser, 2001; Valentim, 2012). En ce qui concerne la mobilité territoriale, pratiquement aucun changement du lieu de résidence des personnes interrogées n’a été constaté, mais quand la question économique est abordée, on remarque que le changement a été radical.

La plupart des participants à l’enquête sont restés à la même adresse au cours de leur cursus universitaire à l’UERJ. Tous vivaient et vivent encore dans les mêmes quartiers ou à proximité. Rodrigo, Alan, Jonatas, Lucas et Henrique n’ont pas quitté les quartiers où ils habitaient. En raison d’un projet de mariage, par exemple, certains ont changé de quartier, mais rien ne démontre une grande mobilité. Paulo, Monica, Gustavo et Eduardo se sont déplacés au cours de la période universitaire. Ils vivaient près de l’université pour réduire la distance à parcourir chaque jour. Cependant, tous, sauf Paulo, qui a quitté la Baixada Fluminense pour vivre dans la ville de Rio de Janeiro, sont retournés à leur adresse d’origine après leur passage à l’UERJ. Voici les témoignages représentatifs de Paulo et de Gustavo.

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Je vivais auparavant à Duque de Caxias – RJ, dans la Baixada Fluminense. Pendant le cours, j’ai vécu à Resende parce que l’université s’y trouvait, puis je suis allé vivre à Rio. Pendant une période, j’ai vécu à Tijuca, puis je suis retourné à Duque de Caxias, où vit ma famille. Paulo

Ma famille a toujours vécu à Caxias. Ma mère, mes parents. Quand je fréquentais l’université, j’ai vécu pendant un certain temps près de celle-ci, donc je me suis déplacé. Mais après l’université, je suis retourné à l’endroit où ma famille vit, à Caxias. Gustavo

Cependant, même si le changement d’adresse n’a pas été un facteur déterminant, au moins jusqu’au moment des entrevues, et que les participants de cette étude sont toujours résidents des banlieues, leur situation financière a radicalement changé.

Ça a été un changement significatif. Bon, je travaillais déjà dans une école offrant des cours préparatoires. Après avoir terminé mes études, j’ai eu l’occasion de faire d’autres travaux parallèles au cours. J’ai été enseignant au CEDERJ en 2009. Je faisais un cours de spécialisation et, en même temps, j’essayais d’entrer en maîtrise d’expertise dans l’organisation de programmes d’études et de pratique de l’enseignement. Puis, peu après avoir conclu ma maîtrise, j’ai commencé à travailler comme enseignant suppléant à l’UERJ de Caxias. J’y ai travaillé pendant deux ans, puis, quand j’ai fini ce contrat de suppléance, j’ai été reçu à un processus de sélection pour être enseignant dans une université privée où je travaille depuis 2014. Rodrigo

Avant, j’étais très jeune, donc je ne travaillais pas et je n’avais pas beaucoup d’argent. Je dépendais de mes parents. Je n’ai jamais manqué de quoi que ce soit. Mon père ne me laissait manquer de rien, mais on ne vivait pas dans le luxe. Pendant l’université, comme je vivais loin de la maison, la situation était plus compliquée. J’ai vécu des périodes de difficultés financières, je me suis serré la ceinture, la vie d’étudiant, quoi. Maintenant, depuis que j’ai mon diplôme, j’ai une situation raisonnable, j’ai des difficultés financières, mais rien de grave, des difficultés normales. Je voudrais gagner plus, bien sûr, mais ce n’est malheureusement pas encore possible. Aujourd’hui, je considère ma situation financière raisonnable. Meilleure qu’avant, je dirais. Paulo

Avant le cours, je n’avais aucun revenu. Pendant le cours, je recevais la bourse et l’allocation. Après le cours, j’ai été reçue à un concours public. Monica

Jusqu’à mes 20 ans, je n’avais pas d’emploi stable. Je travaillais comme serveur dans un restaurant à proximité de chez moi pour gagner un peu d’argent de poche. Pendant

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mon premier cycle, je recevais la bourse d’études de 350 R$ (145,23 $ CA) et la pension de mon père, qui était partagée entre mes deux sœurs, son ex-femme et moi. C’était peu. Pendant ma formation, j’ai reçu une bourse d’initiation scientifique et j’ai effectué un stage rémunéré. En sommant tout cela, je me suis débrouillé. Depuis la fin de l’université, je reçois une bourse de deuxième cycle qui s’ajoute au travail dans les deux écoles. Je pense que mes revenus ont au moins doublé. Alan

Ça a été un changement radical. Avant l’obtention de mon diplôme, je gagnais le salaire minimum. Pendant ma formation, j’ai fait un stage qui me rémunérait bien. Je gagnais plus que bon nombre de mes collègues qui étaient employés en entreprise. Je recevais même une part des bénéfices. J’avais donc un bon niveau de vie. Pendant le stage, et en tenant compte de la bourse que je recevais, je gagnais déjà plus que mes parents à l’époque. Et aujourd’hui, si je compare l’avant et l’après, c’est une différence incroyable. Aujourd’hui, je gagne presque 10 fois plus que ce que je gagnais avant l’obtention de mon diplôme. C’est donc une énorme évolution concernant le développement financier, la rémunération et l’apport culturel. Lucas

Avant, je n’avais rien. Au début, j’utilisais la bourse pour payer mes photocopies. Avec mon premier stage, j’ai commencé à gagner plus parce qu’avec la bourse, j’arrivais à garder un peu d’argent. Je gagnais plus que beaucoup d’amis salariés d’entreprise. Et un an et demi avant d’obtenir mon diplôme, j’ai été reçu à un concours et j’ai alors reçu une augmentation de salaire. Puis, après l’obtention de mon diplôme, j’ai été promu et tout est devenu plus facile. Gustavo

Cela a radicalement changé depuis l’époque où je suis entré à l’UERJ jusqu’à aujourd’hui. J’ai fait un bond de 500 % dans ma vie financière. Ce changement a eu lieu en 2016, un an après l’obtention de mon diplôme, quand j’ai pu allier ma bourse de maîtrise à mon salaire de professeur. Mais mon revenu va encore changer parce que je viens d’être reçu à mon premier concours public. Je suis encore en transition parce que je vais commencer en janvier 2017. Jonatas

De mon entrée à l’UERJ jusqu’à la fin de mon cursus, il n’y a pas eu de changement. Je suis resté au même poste. J’avais obtenu ce travail au moment de mon entrée à l’université. Je viens de vivre un grand changement avec un nouveau poste que j’ai obtenu après avoir terminé mes études. Mon salaire a presque doublé après mes études. Eduardo

Selon Castro (2009), il est presque consensuel de considérer l’éducation comme l’un des principaux canaux de la mobilité sociale, car il existe une corrélation statistiquement significative entre les niveaux d’éducation et les salaires que les gens peuvent atteindre

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(Castro, 2009, p. 243). Cela se confirme par les résultats qui se trouvent ici. Seul Henrique a rapporté n’avoir observé aucun changement dans sa situation financière. Comme on l’a dit, il est le seul à avoir conservé le même emploi avant, pendant et après son passage à l’UERJ. Cependant, il se révèle être très optimiste quant aux changements à venir et il vient d’ailleurs d’être reçu à un concours.

J’ai passé quelques concours. Certains se sont bien passés, d’autres non. Je suis dans l’attente de bonnes nouvelles. Henrique

À ce jour, compte tenu des données issues de la recherche, il est clair que la politique des quotas a stimulé la mobilité essentiellement socio-économique du groupe visé par celle-ci. Des auteurs tels que Brandão (2005), Queiroz (2004), Feres Júnior et Zoninsen (2006), Jensen (2010), Duarte, Bertúlio et Silva (2009) et Valentim (2012) montrent dans leurs études que la politique des quotas, même si elle n’en est qu’à ses débuts, a favorisé l’accès des étudiants défavorisés aux universités. Mais qu’en disent les anciens anciens bénéficiaires? L’évaluation de la politique des quotas par les répondants fait l’objet de la section qui suit.