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Chapitre 2. Les inégalités dans l’enseignement supérieur et l’introduction de la

2.1. Définition de la discrimination positive

La discrimination positive est une politique qui vise à promouvoir la représentation des groupes défavorisés dans la société et à leur donner une préférence pour assurer leur accès à certains biens, qu’ils soient économiques ou non. Pour Calvès (2016), la discrimination positive est le fait de traiter différemment ceux qui sont différents ou « de donner plus à ceux qui ont moins », en cherchant à réduire ces inégalités. Pour elle,

« La discrimination positive est l’instrument clé d’une politique de rattrapage entre différents groupes. Elle vise à promouvoir entre eux une plus grande égalité de fait ou, à tout le moins, à garantir aux membres des groupes désavantagés une véritable égalité

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des chances. Elle s’inscrit dans une logique de comblement d’un écart de développement économique et social, et suppose donc, plus qu’un simple traitement différencié, l’instauration d’un véritable traitement préférentiel. Par définition, celui-ci tend à disparaître lorsque le groupe ou les groupes concernés auront surmonté leur handicap et rattrapé leur retard par rapport au reste de la société » (Calvès, 2016, p. 7- 8).

Pour Contins et Sant’Ana (1996), la définition classique de la politique de discrimination positive est « une préférence spéciale donnée aux membres d’un groupe défini par la race, la couleur, la religion, la langue ou le sexe afin d’assurer son accès au pouvoir, au prestige et à la richesse » (Contins et Sant’Ana, 1996, p. 209, traduction libre). Selon eux, cette définition devient plus explicite quand elle est associée à la contribution de William L. Taylor (1982) : selon lui, la discrimination positive a « la tâche spécifique de promouvoir l’égalité des chances des personnes victimes de discrimination ». On espère donc qu’avec ses effets, les bénéficiaires de la discrimination positive auront les mêmes conditions que leurs concurrents, et qu’étant ainsi sur un même pied d’égalité, ils obtiendront de meilleures conditions en termes d’éducation et sur le marché du travail (Contins et Sant’Ana, 1996).

Le Théhondat et Silberstein (2004, p. 37), soutiennent que « les politiques de discrimination positive ont en commun de chercher à rétablir l’égalité des chances et de corriger les inégalités d’accès à l’emploi, à la formation et au logement des groupes désavantagés, voire discriminés ». Ils utilisent le discours de l’ancien président américain Lyndon B. Johnson du 4 juin 1965 pour illustrer le fonctionnement de ces politiques :

« Imaginons un cent mètres dans lequel l’un des deux coureurs aurait les jambes attachées. Durant le temps qu’il lui faut pour faire dix mètres, l’autre en a déjà parcouru cinquante. Comment rectifier la situation? Doit-on simplement délivrer le premier coureur et laisser la course se poursuivre, en considérant qu’il y a désormais “égalité des chances”? Pourtant, l’un des coureurs a toujours quarante mètres d’avance sur l’autre. Est-ce que la solution la plus juste ne consisterait pas plutôt à permettre à celui qui était attaché de rattraper son retard? […] Ce serait là agir concrètement dans

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le sens de l’égalité. […] En vérité, on ne peut considérer avoir été parfaitement équitable envers une personne enchaînée si l’on se contente de la débarrasser de ses chaînes et de lui faire prendre place sur la ligne de départ […] en lui disant : Voilà. Tu es libre de rivaliser avec les autres » (Lyndon B. Johnson, cité par Le Théhondat et Silberstein, 2004, p. 7).

Le terme « discrimination positive » est encore d’utilisation récente au Brésil, mais sa pratique fait partie de l’histoire politique du pays depuis un certain temps. Ainsi, l’ancien ministre de la Cour suprême brésilienne, Joaquim Barbosa, cité par Santos (2007), a déclaré que la question est presque inconnue en théorie,

« Sa pratique, cependant, n’est pas tout à fait étrangère à notre vie administrative. En effet, le Brésil a déjà connu un mode (très brésilien!) de discrimination positive. C’est celui matérialisé dans une loi appelée “Lei do Boi” (loi du bœuf), à savoir la loi no 5465/68 dont l’article était libellé de la façon suivante : les écoles secondaires agricoles et les écoles de l’enseignement supérieur vétérinaires et d’agriculture, administrées par l’Union (le gouvernement fédéral), réservent chaque année, de préférence 50 % (cinquante pour cent), de leurs postes à des candidats agriculteurs ou aux enfants de ceux-ci, propriétaires ou non de terre, qui vivent avec leur famille à la campagne, et 30 % (trente pour cent) aux agriculteurs ou aux enfants de ces propriétaires ou non de terre, qui vivent dans des villes ou dans des villages qui n’ont pas d’établissements secondaires » (Santos, 2007, p. 425, traduction libre).

Un autre exemple de l’application historique de discrimination positive au Brésil est appelé la « loi des deux tiers », signée par le président Getúlio Vargas, qui oblige l’embauche d’au moins deux tiers de travailleurs nationaux par une entreprise établie dans le pays. Selon Santos (2007) :

« Cela a conduit à la création d’une bourgeoisie industrielle et d’une classe moyenne moderne dans la région Nord-Est du Brésil. Ces deux politiques ont été largement justifiées, acceptées et même mises en œuvre par les mêmes personnes ou les mêmes groupes sociaux qui résistent désormais à la discrimination positive des Noirs. Autrement dit, ce pays a déjà connu des courants de solidarité fondés sur des causes nationales ou régionales, ce qui a permis l’application de discrimination positive » (Santos, 2007, p. 425, traduction libre).

Dans une perspective autre que celle du Brésil, Siss (2003) précise que les résultats de la mise en œuvre de la discrimination positive aux États-Unis sont des exemples représentatifs pour le monde. C’est le pays qui a accumulé le plus d’expérience dans la mise en œuvre de ce

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type de politiques, qui ont été adoptées dès 1960. Selon Almeida (2007, p. 466), « les premières expériences de discrimination positive ont été réalisées dans le contexte nord- américain des années 60, dirigées d’abord vers la population noire, puis étendues aux femmes, aux minorités ethniques et aux étrangers » (Almeida, 2007, p. 466, traduction libre). Feres Júnior (2014, p. 2) souligne cependant que « les politiques de discrimination positive pour les groupes ethniques ont été créés pour la première fois en Inde par la constitution de 1950 et non pas aux États-Unis, comme beaucoup le croient » (Feres Júnior, 2014, p. 2, traduction libre).

Siss (2003) montre que la politique de discrimination positive est également pratiquée dans d’autres pays. L’auteur cite l’exemple de la Malaisie, où un groupe ethnique a été traité différemment pour lui permettre d’atteindre le développement économique. Elle remarque également que, selon les données de l’Organisation internationale du Travail (OIT), « entre les années 1982 et 1996, 25 pays ont adopté (...) des interventions visant à éliminer la discrimination sexuelle et raciale ou ont mis en œuvre des mécanismes de “discrimination positive dans les relations de travail » (Siss, 2003, p. 121, traduction libre). En outre, l’auteur montre que, dans les années 1990, des politiques de discrimination positive ont été utilisées aux îles Fidji, en Malaisie, au Canada, en Inde et en Australie afin de lutter contre les inégalités culturelles. On trouve également des exemples de discrimination positive appliquée aux inégalités entre les sexes en Europe.