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Mobilité du radium et son temps de résidence dans la végétation

PAR LA VEGETATION

4.2. Mobilité du radium et son temps de résidence dans la végétation

De nombreuses études montrent, pour différentes espèces de plantes et pour une variété de substrats, que la concentration en Ra décroit des racines au tronc et du tronc aux parties aériennes, i.e. branches et feuilles (Simon & Ibrahim, 1990). Ra pourrait être préférentiellement retenu au sein des racines et peu transféré dans les parties aériennes au sein de légumineuses ou de céréales (Gunn & Mistry, 1970). Contrairement à ces prédictions, Rodríguez et al. (2006) constatent une translocation de 86% du Ra des racines aux parties aériennes d’une espèce de tournesol, alors que U serait immobilisé au niveau des racines et non transféré vers les autres organes de la plante. Une concentration en 226Ra plus faible est constatée dans les fruits que dans les feuilles, pour trois végétaux différents, dont deux espèces arbustives et une légumineuse (Rodríguez et al., 2010). Une étude sur différentes parties de hêtres, échantillonnées sur le bassin versant du Strengbach (Vosges) montre une diminution très nette de la concentration en Ra des racines fines vers les parties aériennes non pérennes (Prunier, 2008), phénomène appelé gradient acropétale. En effet, une diminution de plus de 2.5 fois de la teneur en Ra est déjà constatée entre les radicelles (<2 mm) et les petites racines (2-5 mm de diamètre) et encore d’un facteur deux au niveau des grosses racines (1-1.5 cm de diamètre). Les feuilles de la cime, les bourgeons ainsi que les branches (2-4 mm de diamètre) présentent des concentrations en Ra relativement identiques, 1.5 fois inférieures aux valeurs mesurées dans les grosses racines. Ce gradient acropétale suggère que le Ra n’est pas métaboliquement actif au sein des plantes et qu’il n’est pas redistribué secondairement au sein des organes de l’arbre (Simon & Ibrahim, 1990) : après son prélèvement, Ra aurait un flux unidirectionnel des racines vers les parties aériennes (Vavilov et al., 1964 citée dans ; Simon & Ibrahim, 1990).

Quelques études ont constaté des rapports (228Ra/226Ra) dans la végétation différents de ceux mesurés dans le sol, aboutissant à des facteurs de transfert plus important pour le 226Ra que le 228Ra (Haas et al., 1995; Baeza et al., 1999). Cela voudrait dire que la végétation discriminerait positivement le 226Ra par rapport au 228Ra, ce qui va à l’encontre de la théorie qui prédit un comportement chimique identique pour deux isotopes lourds. Ainsi, Baeza et al. (1999) furent les premiers à expliquer que ces différences sont liées aux périodes radioactives contrastées entre ces deux isotopes, 1600 ans et 5.75 ans, pour 226Ra et 228Ra, respectivement, et à exploiter ces propriétés physiques pour modéliser le temps de résidence du Ra dans les différentes parties de la végétation (Figure 1-15). Puisque le Th est un radionucléide très peu prélevé dans la végétation, les isotopes de Ra sont en large excès par rapport à leurs parents respectifs (i.e. 230Th et 232Th), dans celle-ci. La période radioactive relativement longue du 226Ra implique que la teneur en 226Ra ne va pas varier par décroissance radioactive à l’échelle de

d’utiliser ce modèle en comparant les rapports (228Ra/226Ra) entre les différents organes de la plante et y interpréter un temps de résidence du Ra, qui serait de 7.5 ans pour un arbuste (Cistus ladanifer) (Baeza et al., 1999). Par ailleurs, une étude réalisée sur le Bassin Versant du Strengbach a utilisé cette approche pour déterminer un temps de résidence de Ra dans un hêtre égal à 11.5 ans (Rihs et al., 2011a).

Figure 1-15 : Modèle conceptuel utilisé par Baeza et al. (1999) pour la détermination des temps de résidence de Ra dans les différentes parties de la végétation

4.3. La dégradation de la litière

A notre connaissance, aucune publication n'existe à l’heure actuelle quant à la mobilité des radionucléides durant la dégradation de la litière, comprenant celle de Ra. Néanmoins, de nombreuses études se sont intéressées à la cinétique de mobilisation des éléments majeurs au cours de la dégradation de la litière, i.e. de feuillus ou de résineux, avec un intérêt particulier pour N (Berg & McClaugherty, 2008), pour Ca (synthèse dans Berg et al., 2017), pour K (e.g. Laskowski et al., 1995a), pour Mn (synthèse dans Berg et al., 2013) ou encore P (e.g. Blair, 1988a; Kao et al., 2003).

de décomposition, les pertes affectent tous les éléments étudiés, mais avec une intensité décroissante : Ca > Mg > K > C > S > N > P. En outre, il a été montré que la cinétique de mobilisation de ces éléments variait selon leur nature chimique, et que ces éléments sont libérés à différentes étapes de la dégradation de la litière. À titre d’exemple, plusieurs auteurs reportent une perte rapide de K, Mg et Ca (et dans cet ordre décroissant) dès le dépôt de cette litière au sol (Gosz et al., 1973; Blair, 1988b; Tietema & Wessel, 1994; Zeller, 1998), cela dû à la proportion importante de ces éléments présents sous forme soluble. Toutefois, après une première phase de lessivage, la dynamique de ces éléments peut être variable au cours de l’année, où une augmentation des teneurs en K est observée d’avril à novembre et une diminution de ces teneurs durant la période hivernale, alors que Mg a tendance à s’accumuler dans la dernière phase de décomposition de la litière (Osono & Takeda, 2004). Osono & Takeda (2004) ont également montré que Ca avait tendance à s’accumuler dans la première phase de dégradation de la litière, et à diminuer dans la dernière phase de décomposition. Palviainen et al. (2004) étudient la dynamique de K, Ca, Fe et Al durant la dégradation de la litière (racines fines, branches et feuilles) pour deux espèces d’épineux et une espèce de bouleau. Ces auteurs montrent une perte importante en Fe et Al en trois ans (55% et 61% par rapport à la quantité initiale, respectivement), et, comme précédemment souligné, en K (90%). Le Ca est cependant retenu durablement dans la litière, avec seulement 8% de perte estimée au bout de trois ans, contrastant fortement avec les résultats présentés pour les feuilles de hêtre dans Zeller (1998).

Figure 1-16 : Gains et pertes des éléments minéraux majeurs pendant la décomposition de la litière de hêtre à Aubure (litière non ensachée) (Zeller, 1998)

Récemment, une étude particulièrement exhaustive a compilé un grand nombre de publications (n = 67) sur la dynamique du Ca durant la dégradation de litières de pins, d’épicéas et de

augmentation de la concentration en Ca dans la litière au cours de sa dégradation, pour atteindre un maximum (Camaxconc.), avant de diminuer. Camax est liée positivement à la concentration en Ca initiale de la litière. Enfin, les auteurs soulignent que le comportement particulier de cet alcalino-terreux diffère fortement des autres nutriments, où la teneur de ces derniers à soit tendance à augmenter puis rester stable au cours de la dégradation de la litière, comme pour N et P (e.g. Berg, 1997), ou soit diminuer fortement dès le début de la dégradation, comme pour K (Laskowski et al., 1995a).

Enfin, de nombreuses études se sont focalisées sur les facteurs pouvant influencer la dégradation de la litière, comme la dynamique des différentes fractions de la matière organique (hydrosoluble, lignine, macromolécule), la dynamique de certains nutriments influençant la dégradation de la lignine (N et Mn), l’influence de la composition initiale de la litière (en particulier N, P et S) et des facteurs climatiques sur la vitesse de dégradation. Un état de l’art exhaustif peut être trouvé dans l’ouvrage de Berg & McClaugherty (2008), reprenant en détail les études menées sur ces différents aspects (Figure 1-17).

Figure 1-17 : Dynamique de différents éléments chimiques et paramètres clefs (concentration en N, la perte en masse, la teneur en lignine gravimétrique [AUR]) au cours des stades de décomposition de la litière, avec l’influence de certains paramètres (teneurs en N et Mn, climat) sur leurs vitesses de dégradation respectives (Berg & McClaugherty, 2008).

somme, offrant de nouvelles perspectives sur la composition de la litière au cours de sa dégradation (et sur la matière organique de manière générale). La RMN 13C est utilisée pour décrire les fonctions chimiques carbonées de la matière organique et ainsi quantifier ses changements au cours de sa dégradation (Osono et al., 2008; Ono et al., 2009; Preston et al., 2009; Ono et al., 2011; De Marco et al., 2012). À titre d’exemple, la concentration ou l’abondance des fonctions O-C-O ou O-C typiques des carbohydrates peut être étudiée au sein de la litière (Preston et al., 2009). Une étude sur deux espèces de conifères (cèdres japonais et cyprès Hinoki) a permis de suivre l’évolution de quatre fonctions organiques au cours de la dégradation de la litière et a montré que la vitesse de perte du carbone suivait cet ordre décroissant : O-alkyl > fonction aliphatique > fonction aromatique > fonction carbonyle (Ono et al., 2009). Enfin, la spectroscopie de masse, couplée à des techniques de séparation chromatique (comme la GC-MS), avec une possible pyrolyse de l’échantillon pour l’étude de macromolécules organiques (de forts poids moléculaires), permet l’identification de nombreux fragments moléculaires composant cette MO, pouvant être par la suite classés en différents groupes et évaluer l’abondance et la nature de ces groupes au cours de la dégradation de la MO. À titre d’exemple, Nguyen-Tu et al. (2007) a identifié par GC-MS une soixantaine de composants extraits des lipides sur une litière de hêtre, appartenant à diverses familles chimiques (stérols, lipides gras, isoprénoides acycliques, triterpènes, glycérols et esters). Une expérience de dégradation d’une litière de hêtre a mis en évidence des dynamiques contrastées entre les éléments constitutifs des lipides au cours de cette dégradation, avec une perte rapide des phytylester, une diminution exponentielle des lipides gras et des profils de dégradation variables pour les triterpénoides polycyclique (Nguyen-Tu et al., 2017). La RMN 13C et la spectroscopie de masse sont des méthodes complémentaires, et permettent, à terme, d’évaluer la structure moléculaire de la MO naturelle – et son évolution –, selon l’exemple présenté dans la Figure 1-18 ci-dessous (Derenne & Tu, 2014)

Figure 1-18 : Illustration des différents niveaux d'informations pouvant être obtenus par des techniques

spectroscopiques comme la RMN 13C (à savoir la nature des fonctions chimiques, en bleu) ou par l’analyse des produits de

dégradation par py-GC-MS (donnant la composition moléculaire de fragments de la MO, en vert) (Derenne & Tu, 2014)

5. STRUCTURE DE LA THESE

Cette thèse est structurée en cinq sections principales. L’ensemble des parties abordées au cours de la thèse est résumé dans la figure 1-19.

1. Étude de la distribution du Ra et ses ascendants radioactifs dans les fractions