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Les concentrations en 226Ra et en 228Ra dans les racines fines <2 mm sont très variables en fonction du hêtre considéré, sans influence visible de l’âge ni de la circonférence du tronc à 130 cm (C130) (Figure 5-2). Elles s’échelonnent entre 74 ± 3 fg.g-1 et 311 ± 7 fg.g-1et entre 0.34 ± 0.02 fg.g-1 et 1.38 fg.g-1, respectivement (Tableau 5.2). Les rapports (228Ra/226Ra) sont relativement proches pour toutes les racines fines de hêtre échantillonnées, de 1.09 ± 0.08 à 1.6 ± 0.1, à l’exception des racines fines prélevées au niveau du profil de sol MS1 (AR-50-60-5), qui présentent un rapport (228Ra/226Ra) égal à 2.8 ± 0.2.

Tableau 5.2 : C130, concentrations et compositions isotopiques du Ra dans les feuilles fraiches et dans les racines fines <2 mm de hêtres âgés de 10-15 ans, 20-30 ans et 50-60 ans et le temps de résidence de Ra associé.

Echantillons C130 [226Ra] ± [228Ra] ± (228Ra/226Ra) ± [226Ra] ± [228Ra] ± (228Ra/226Ra) ± Temps de résidence ±

Racines <2 mm Racines <2 mm Racines <2 mm Feuilles cimes Feuilles cimes Feuilles cimes

cm fg.g-1 fg.g-1 fg.g-1 fg.g-1 an Hêtre 10-15 ans AR-10-15-1 21 147 6 0.83 0.04 1.6 0.1 67 3 0.31 0.02 1.3 0.1 1.5 1.3 AR-10-15-2 31 - - - - - - 83 2 0.33 0.02 1.09 0.07 - - AR-10-15-3 32 108 9 0.46 0.05 1.2 0.2 52 3 0.20 0.02 1.1 0.1 1.0 2.0 Hêtre 20-30 ans AR-20-30-1 77 311 7 1.38 0.06 1.22 0.06 35 2 0.10 0.01 0.8 0.1 3.8 1.2 AR-20-30-2 66 74 3 0.34 0.02 1.27 0.08 54 2 0.15 0.01 0.79 0.06 3.9 0.8 AR-20-30-3 49 107 5 0.42 0.03 1.09 0.08 42 2 0.14 0.01 0.9 0.1 1.6 0.9 Hêtre 50-60 ans AR-50-60-5 95 93 5 0.95 0.05 2.8 0.2 78 3 0.44 0.02 1.5 0.1 5.0 0.8 AR-50-60-2 109 118 3 0.60 0.03 1.42 0.07 82 3 0.28 0.02 0.9 0.1 3.4 0.8 AR-50-60-4 90 145 4 0.69 0.03 1.31 0.07 77 3 0.33 0.02 1.2 0.1 0.75 0.75

Les concentrations en 226Ra des feuilles fraiches montrent des valeurs moins contrastées et sont comprises entre 35 ± 2 fg.g-1et 82 ± 3 fg.g-1, systématiquement plus faibles que celles enregistrées dans les racines <2 mm. Les concentrations en 228Ra dans les feuilles fraiches sont comprises entre 0.10 ± 0.01 fg.g-1et 0.44 ± 0.02 fg.g-1. Les rapports (228Ra/226Ra) dans ces échantillons sont compris entre 0.79 ± 0.06 et 1.5 ± 0.1, ici aussi, systématiquement plus faibles (ou au minimum égaux aux barres d’erreurs près) à ceux enregistrés dans les racines fines <2 mm.

Figure 5-2 : Circonférence du tronc (C130) en fonction de (a) de la concentration en 226Ra (b.) de celle en 228Ra,

dans les racines fines <2 mm pour des hêtres âgés de 10-15 ans, 20-30 ans et 50-60 ans (MS1)

3. TRANSFERT DU RA ET AUTRES ALCALINO-TERREUX ENTRE LES RACINES FINES (<2

MM) ET LES FEUILLES

L’étude des concentrations des différents éléments majeurs et des alcalino-terreux (Tableau 5.1), dont fait partie le Ra (Tableau 5.2), au sein des racines fines et des feuilles fraiches échantillonnées à proximité du site de Montiers S1, montre d’importantes variations entre ces deux compartiments de la végétation. Certains éléments sont très peu représentés dans les feuilles alors qu’ils ont une concentration relativement élevée dans les racines fines (comme Al), ou inversement, sont particulièrement concentrés dans les feuilles en comparaison des racines fines (comme K et P). Cela résulte principalement de mécanismes au sein de la plante qui vont permettre de discriminer certains éléments toxiques pour sa croissance, en limitant son transfert vers ses parties aériennes, ou, au contraire, transférer les éléments nutritifs essentiels à sa croissance. À titre d’exemple, la toxicité de l’aluminium est un problème majeur pour la croissance végétale : il a été démontré que la végétation développe des mécanismes spécifiques afin de limiter son prélèvement au niveau de la rhizosphère (Collignon et al., 2012) ou son transfert vers les parties aériennes (Barceló & Poschenrieder, 2002).

importantes dans les feuilles fraiches que dans les racines fines, échantillonnées au sein de différents hêtres (Tableau 5.1). Le même constat ne peut cependant être fait pour Ra, où l’ensemble des concentrations dans les feuilles fraiches sont plus faibles que dans les racines fines respectives (Tableau 5.2). Afin de comprendre cette différence fondamentale entre les différents alcalino-terreux, dont fait partie le Ra, le rapport feuilles-racines a été déterminé pour l’ensemble des hêtres échantillonnés. Il est calculé par l’équation suivante :

C¹(”ƒ$$$'=$aNb¹\¯'ZZ\_$Õ^Y'X‚\_

aNb”YX'[\_$Õ'[\_ Eq. 1.

Où RF-R est le rapport feuilles-racines pour l’élément N considéré (Mg, Ca, Sr, Ba et Ra), aNb¹\¯'ZZ\_$Õ^Y'X‚\_ et aNb”YX'[\_$Õ'[\_ les concentrations en l’élément N mesurées dans les feuilles fraiches et dans les racines fines <2 mm, respectivement.

Figure 5-3 : Rapport Feuilles-Racines du Ra et des autres alcalino-terreux dans les hêtres âgés de a. 10-15 ans, b. 20-30 ans et c. 50-60 ans.

Le calcul du rapport feuilles-racines permet de constater des valeurs significativement

Ca

226

Ra

Mg

Sr

Ba

et AR-20-30-2, tous deux prélevés sur la parcelle de hêtres âgés de 20 à 30 ans, montrent les rapports feuilles-racines les plus contrastés, avec, pour le Ca, des valeurs de RF-R, Ca égales à 0.81 et 10.9 (Figure 5-3) respectivement, ces deux arbres ayant par ailleurs des C130 relativement proches (Tableau 5.2). Les paramètres contrôlant ces valeurs très disparates de RF-R entre les hêtres considérés ne sont pas identifiés en l’état, et pourraient être liés à une hétérogénéité locale des paramètres physico-chimiques du sol sur lesquels sont basés ces arbres. Plusieurs auteurs ont précédemment reporté que le transfert du Ra entre le sol et la végétation dépendait fortement des paramètres physico-chimiques du sol (Gerzabek et al., 1998; Vandenhove & Van Hees, 2007). Ces mêmes paramètres physico-chimiques pourraient ainsi potentiellement influencer le transfert de ces alcalino-terreux au sein de la végétation. Pour s’en assurer, une étude complémentaire des sols sur lesquels sont développés ces hêtres est nécessaire.

Toutefois, une dynamique commune caractérise ces rapports avec une diminution de ceux-ci au fur et à mesure de l'augmentation de la masse de l'élément, le Ra ayant ainsi un RF-R, Ra < RR-F, Ba < R F-R, Ca. Cela est systématique pour les trois éléments cités ci-dessus, i.e. Ca, Ba et Ra. Cela pourrait impliquer que les alcalino-terreux soient transférés au sein de la végétation selon les mêmes mécanismes, mais avec une discrimination de ces alcalino-terreux au cours des processus de transfert des racines vers les feuilles. En d’autres termes, les rapports élémentaires Ca/Ra, Ca/Sr et Ca/Ba ne sont pas conservés entre les racines et les feuilles de hêtre, avec un fractionnement favorable des éléments légers lors de leur transfert des racines aux feuilles. De telles discriminations entre les organes des végétaux ont déjà été reportées dans de nombreuses publications pour Ca, Sr et Ba (Poszwa et al., 2000; Watmough & Dillon, 2003; Bullen & Bailey, 2005; Drouet & Herbauts, 2008; Watmough, 2014). Afin d’étudier précisément ces processus, plusieurs auteurs proposent la détermination d’un facteur de discrimination (DF) entre les compartiments de la végétation ou entre le sol et les feuilles (Dasch et al., 2006; Blum et al., 2008; Blum et al., 2012; Watmough, 2014). Dans le cadre de cette étude, le facteur de discrimination feuilles-racines est déterminé selon l’équation suivante :

ײ¶$Ø$Ù=$C¹(”ƒ$$$ÄC

¹(”ƒ$$$'=$ *aNb $aÌbÉ ,^YX'[\_$Õ'[\_

*aNb $aÌbÉ ,Õ\¯'ZZ\_$Õ^Y'X‚\_$ Eq. 2. Où ŽH'$ØÄ est le rapport de discrimination feuilles-racines de l’élément N considéré vis-à-vis de l’élément Ì, C¹(”ƒ$$$' et C¹(”ƒ$$$Ä sont les rapports feuilles-racines des éléments N et Ì considérés (Ca, Sr, Ba et Ra), aNb $aÌbÉ les rapports élémentaires N Ø Ì des feuilles fraiches ou des racines fines.

échantillonnés (tous âges confondus), égaux à Mg:Ca = 1.0 ± 0.4, Sr:Ca = 2.6 ± 0.7, Ba:Ca = 2.7 ± 1.5 (N = 9), Ra:Ba = 1.9 ± 0.5 (N = 8) (Tableau 5.3). Notre étude montre ainsi que Ra est également discriminé, comme les autres alcalino-terreux, durant son transfert des racines vers les feuilles, et serait identique pour tous les hêtres considérés.

En outre, Drouet & Herbauts (2008) déterminent des facteurs de discrimination entre le bois du tronc et les feuilles égaux à Sr:Ca = 3.0 ± 0.6 et Ba:Ca = 4.6 ± 1.8, pour des hêtres échantillonnés en Belgique. Ils montrent également que le fractionnement entre ces éléments chimiques aurait lieu principalement entre le bois du tronc et les feuilles, et non entre les racines et le bois du tronc, nous permettant de comparer nos résultats. La discrimination du Sr par rapport à Ca est équivalente entre les deux études, montrant des DFSr:Ca proches, impliquant un fractionnement de ces deux éléments (Sr et Ca) identique pour les hêtres des deux sites d’étude. Néanmoins, un fractionnement nul entre Ba et Sr est constaté dans cette étude, i.e. DFSr:Ca ≈ DFBa:Ca, contrairement à ce qui est reporté dans Drouet & Herbauts (2008). A partir de l’étude de Ca, Sr et Ba, Watmough (2014) conclut sa publication en précisant que les DF doivent être utilisés avec précaution, en particulier quand ils sont transposés à d’autres contextes d’études. On peut noter également qu’aucun fractionnement au premier ordre ne semble avoir lieu entre les rapports élémentaires Mg:Ca des racines et des feuilles, comme le montre le DFMg:Ca = 1.0 ± 0.4 (N = 9).

Tableau 5.3 : Facteur de discrimination (DF) entre les feuilles et les racines fines (<2 mm)

Echantillons Mg:Ca Sr:Ca Ba:Ca Ra:Ca Ra:Ba

Facteur de discrimination : DF i : j Hêtre 10-15 ans AR-10-15-1 1.8 4.0 2.6 5.1 2.0 AR-10-15-2 0.9 2.2 1.5 - - AR-10-15-3 0.6 2.4 1.7 2.9 1.7 Hêtre 20-30 ans AR-20-30-1 1.0 2.7 2.6 7.3 2.8 AR-20-30-2 1.6 3.0 6.1 15 2.4 AR-20-30-3 0.9 1.5 3.4 5.7 1.7 Hêtre 50-60 ans AR-50-60-5 0.7 2.7 1.8 2.9 1.6 AR-50-60-2 0.6 2.2 1.2 1.7 1.4 AR-50-60-4 0.7 2.6 3.4 4.8 1.4 Hêtre (N = 8-9) Médiane 0.9 2.6 2.6 4.9 1.7 Moyenne 1.0 2.6 2.7 5.7 1.9 SD 0.4 0.7 1.5 4.2 0.5

L’étude de détail des DF réalisée ci-dessus nous a permis de constater de faibles fractionnements durant le transfert de certains alcalino-terreux des racines aux feuilles sur les hêtres de Montiers S1, comme Mg et Ca ou Ba et Sr. Au contraire, une discrimination significative a lieu entre

0.93, Figure 5-4). En d’autres termes, cela implique que plus un alcalino-terreux est lourd, moins son transfert des racines aux feuilles sera important, Ra étant alors l’élément le moins transféré vers les parties aériennes de l’arbre, en comparaison des autres alcalino-terreux.

Figure 5-4 : Facteur de discrimination feuilles-racines déterminé pour les alcalino-terreux par rapport à Ra, DF

CDÌ en fonction de la masse atomique de ces éléments chimiques

Les processus régissant cette discrimination entre les alcalino-terreux au cours de leur transfert dans la végétation restent majoritairement non-identifiés en l’état (Watmough, 2014). Drouet & Herbauts (2008) et Gierth et al. (1998) proposent que le fractionnement entre Sr et Ca aient lieu au sein de l’endodermis, qui sépare les vaisseaux conducteurs (xylème) du mésophylle (feuilles). Gülpen et al. (1995) suggèrent que cette discrimination pourrait être la conséquence d’une complexation préférentielle du Ca au sein de précipités d’oxalates. Enfin, Clarkson (1984) propose que Sr et Ca seraient fractionnés par des processus d’échanges d’ions durant leur ascension au sein du xylème. Les parois cellulaires composant les vaisseaux du xylème (e.g. acide polygalacturonique, pectines) agiraient comme une colonne chromatographique grâce à la capacité d’échange cationique de ces cellules (Biddulph et al., 1961; Bell & Biddulph, 1963; Van de Geijn & Petit, 1979) et pourraient par ce biais assurer le transport des alcalino-terreux. Cela est appuyé par l’étude de van der Heijden et al. (2015), qui, à l’aide d’un traceur multi-isotopique appliqué au sol (26Mg, 44Ca), ont étudié le transfert de Mg et Ca au sein des hêtres. Ils montrent que ce transfert est particulièrement lent, de l’ordre de quelques années et suggèrent ainsi que l’échange cationique au sein du xylème serait le processus principal de la translocation de Mg et Ca des racines vers la canopée. Mg est par ailleurs transféré vers la canopée plus rapidement que Ca (van der Heijden et al., 2015). Enfin, Schmitt et al. (2018) ont récemment caractérisé la spéciation du Ca à partir de lessivages sélectifs sur différentes parties d’un hêtre. Les auteurs montrent que le Ca présent dans les racines et le tronc est majoritairement lié aux

Toutes ces dernières études semblent donc pointer le rôle principal des molécules de pectines, constitutives du xylème, dans le transport de Ca et Mg, grâce à leur capacité d’échanges cationiques importante. Ce transport pourrait être assimilé à une colonne chromatographique (van der Heijden et al., 2015). Comme souligné ci-dessus, la Figure 5-4 transcrit un fractionnement des rapports élémentaires des alcalino-terreux entre les racines et les feuilles, avec un transfert préférentiel des éléments légers en comparaison des éléments lourds vers la canopée, suivant une relation exponentielle. Nous posons l’hypothèse que cette discrimination est la conséquence de cet échange cationique, par les molécules de pectines, comme l’avait suggéré Clarkson (1984). Cette discrimination s’appliquerait non seulement à Mg, Ca ou Sr, mais également aux restes des éléments de la famille des alcalino-terreux, dont le Ra fait partie. Cette discrimination n’est pas impactée par l’âge et la C130 des hêtres et est relativement identique pour tous les hêtres échantillonnés au sein du site d’étude de Montiers S1.

4. TEMPS DE RESIDENCE DU RA DANS LA VEGETATION

4.1. Principe et calcul du temps de résidence du Ra à partir des rapports