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Conformément à l’article 20 de la CIDPH, les États parties sont tenus de prendre des mesures efficaces pour assurer la mobilité personnelle des personnes handicapées, dans la plus grande autonomie possible. Il s’agit, au-delà de l’accessibilité de la totalité de la chaîne de déplacement (v. § 19 et s.), de lever les différents obstacles qui limitent leur mobilité dans la vie quotidienne. Or, les saisines adressées au Défenseur des droits mettent en évidence de multiples entraves à la mobilité des personnes handicapées.

52. L’accès aux dispositifs de transports spécifiques

Des associations et collectifs de personnes en situation de handicap ont saisi le Défenseur des droits sur les difficultés résultant d’un recours contraint, pour les personnes handicapées, aux « transports à la demande » en lieu et place des « transports de substitution ». Alors que la loi du 11 février 2005 avait prévu la mise en place de transports de substitution pour pallier l'impossibilité technique avérée de mise en accessibilité des réseaux de transport collectifs existants, la loi n° 2015-988 du 5 août 2015, ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, est venue limiter l’obligation de créer des transports de substitution aux seuls cas où les arrêts identifiés comme prioritaires font l’objet d’une impossibilité technique de mise en accessibilité (article L. 1112-4 du code des transports). De ce fait, les autres points d’arrêts, non prioritaires, qui ne sont pas accessibles ne donnent plus lieu à une obligation de création de transports de substitution et obligent les personnes handicapées à recourir aux transports à la demande. Selon la loi, la tarification des transports de substitution doit être la même que celles des transports collectifs et leurs conditions d’accès identiques.

Ainsi, en principe, un transport de substitution ne doit pas entraîner de surcoût pour ses usagers et n’est a priori pas soumis à une obligation de réservation. Fonctionnant sur le même principe qu’un transport collectif, il doit être ouvert à toutes les personnes handicapées.

Les transports à la demande, quant à eux, visent à pallier l’absence de solutions de transports pour les personnes handicapées, y compris au moyen de transports de substitution, en offrant un service de « porte à porte ». Ils se développent à l’initiative des collectivités qui en définissent librement les conditions de réservation et de tarification. La collectivité limitrophe pouvant définir d’autres critères, les déplacements transversaux de l’une à l’autre se révèlent très complexes, voire impossibles : un transport à la demande peut être limité, par exemple, aux seuls résidents d’une agglomération.

Le Défenseur des droits constate une tendance des autorités organisatrices de transport (AOT) locales à utiliser les transports à la demande en lieu et place des transports de substitution qu’elles sont théoriquement tenues de mettre en place. Or, devoir y recourir pour assurer les déplacements quotidiens pose de nombreuses difficultés aux utilisateurs, en raison : des horaires et jours imposés non modifiables, de la durée supérieure des trajets et des retards liés au covoiturage, de l’obligation de réservation, des longues listes d’attente … autant de sujétions contraires aux exigences liées à une activité professionnelle et à une vie sociale sur la base de l’égalité avec les autres. En outre, il existe une atteinte à la vie privée des personnes handicapées au regard des critères d’admission aux services de transport à la demande. Pour octroyer ce service, certaines AOT imposent de justifier du motif du déplacement, des revenus, du type de handicap, voire, de se soumettre au passage devant une commission médicale.

Dans un avis au parlement sur le projet de loi d’orientation sur les mobilités (avis n° 19-05 du 25 février 2019), le Défenseur des droits a recommandé au législateur de clarifier les conditions de recours aux transports à la demande et de prévoir un encadrement des critères d’accès à ce type de transport. Mais ces recommandations n’ont été que partiellement entendues. En effet, la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a élargi la palette des solutions susceptibles d'être apportées par les AOT en introduisant, à côté des « transports de substitution », la possibilité de mettre en place des « mesures de substitution » de nature humaine, organisationnelle ou technique, sans pour autant ni les définir, ni clarifier l’articulation entre les différents dispositifs existants. Par ailleurs, la loi pose le principe du plein accès aux transports adaptés mais pour les seules personnes handicapées titulaires d'une carte mobilité inclusion (CMI) « mention invalidité », laissant ainsi la possibilité aux collectivités locales de fixer, pour les autres personnes handicapées, des conditions restrictives d’accès aux services (condition de résidence et passage devant une commission médicale locale).

53. L’accès des chiens d’assistance aux lieux ouverts au public

Les chiens guides d'aveugle ou d'assistance qui accompagnent une personne handicapée sont admis dans les transports, les lieux ouverts au public, ainsi qu'à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative (article 88 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987). Leur en interdire l’accès est passible d’une amende allant de 150 à 450 € (art. R. 241-23 CCAS). Mais les policiers appelés ne se déplaçant pas, les infractions ne sont quasiment jamais verbalisées. Le Défenseur des droits est régulièrement saisi de tels refus depuis des années. En 2013, saisi par une réclamante atteinte de cécité, il a réalisé une opération de test de discrimination : sur 30 taxis testés, 13 n’acceptaient pas les chiens guides. Le Défenseur des droits avait alors recommandé aux acteurs du secteur de se mobiliser pour mettre fin sans délai à de telles pratiques.

Depuis, plusieurs enquêtes menées par des associations ont mis en évidence les difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour accéder aux lieux recevant du public. En 2018, des témoignages sur ces phénomènes récurrents, relayés par les médias et des interpellations adressées par les parlementaires au gouvernement ont conduit ce dernier à annoncer un plan d’action et de communication pour faire cesser ces atteintes aux droits des personnes handicapées59. Ces travaux devaient voir une traduction opérationnelle en cours d'année 2019 mais n’ont toujours pas abouti.

54. Les atteintes au droit à la mobilité liées au forfait post-stationnement

Les personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement (carte mobilité inclusion mention « stationnement » ou carte européenne de stationnement) ouvrent droit, depuis 2015, à la gratuité du stationnement de leur véhicule. Cependant, depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2018, de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de

modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles organisant la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant, les réclamations adressées au Défenseur des droits montrent que, en dépit de l’apposition de la carte sur le pare-brise de leur véhicule, de nombreuses personnes en situation de handicap se voient destinataires d’un avis de paiement de forfait de post-stationnement (FPS). Elles doivent alors engager des recours pour en contester le bienfondé. Or, la loi prévoit des conditions de recevabilité très strictes : pour contester les éventuelles erreurs de l’administration devant le juge, il faut d’abord s’acquitter du FPS. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, à Paris, sur les 111 800 FPS contestés, 17 400 portent sur des FPS dressés à l’encontre de personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement. Le Défenseur des droits est intervenu auprès du législateur et du gouvernement pour dénoncer cette situation.

Dans son avis au Parlement sur le projet de loi d’orientation sur les mobilités (avis

n° 19-05 du 25 février 2019) et dans son rapport La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers de janvier 2020, il constate, une nouvelle fois, que les personnes en situation de handicap sont parmi les laissés pour compte de cette réforme, de sorte que leur droit à la mobilité personnelle dans la plus grande autonomie possible s’en trouve aujourd’hui particulièrement compromis.

55. L’accès aux aides techniques à la mobilité

Il ressort de plusieurs rapports de l’IGAS60 que le système français n’est pas dépourvu d’aides financières destinées à l’acquisition, l’aménagement, la maintenance et le remplacement des aides techniques à la mobilité. Mais les « guichets » sont multiples, les procédures complexes, les mesures de compensation insuffisantes et le reste à charge souvent très lourd (v. § 48). De plus, la connaissance et la régulation des marchés sont insuffisantes, tant au niveau national qu’européen.

De l’aveu même du gouvernement : « En 2019, accéder à une aide technique adaptée à leur besoin relève d’un parcours du combattant pour un grand nombre de citoyens »61. Dans l’objectif de réduire le coût d’acquisition des fauteuils roulants, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu, d’une part, une réforme de la procédure de prise en charge fondée sur un « référencement sélectif » de matériels (à partir de critères de qualité des produits et de conditions tarifaires) et, d’autre part, le remboursement des fauteuils roulant d’occasion remis en état. Mais ce dispositif suscite l’inquiétude de certaines associations qui considèrent qu’il aura pour effet de limiter le choix des fauteuils roulants, notamment pour les personnes ayant des besoins spécifiques. Parallèlement, une mission nationale a été mise en place, en décembre 2019, dans l’objectif d’améliorer l’accès et la qualité d’usage des aides

techniques. Mais les mesures qui pourraient en découler et leur délai de mise en œuvre restent, dans le contexte actuel de la crise sanitaire, incertains alors que ces aides sont essentielles pour l’autonomie des personnes en situation de handicap.

Article 21

Liberté d’expression

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