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2.2 La mobilité géographique et l’évolution de la situation de la population active comme une mesure de la vulnérabilité économique

Comme nous l’avons vu, les travailleurs réagissent aux chocs et s’ajustent en se déplaçant. Nous pourrions donc évaluer la vulnérabilité économique en fonction des déplacements des travailleurs. Bien entendu, on pourrait affirmer, avec raison, que ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont les moyens de se déplacer. Par exemple, un travailleur non scolarisé, qui éprouve des difficultés à se trouver un nouveau travail, et dont la maison ne vaut presque plus rien parce que personne ne veut habiter dans son village, n’aura pas les moyens financiers pour déménager. Supposons que ce travailleur est employé dans une usine et qu’il perd son emploi. Il fera alors face à quatre possibilités. D’abord, si l’usine dans laquelle il travaille ferme pour une raison qui n’est pas liée à la conjoncture économique, il aura peut-être la possibilité de se trouver un autre emploi dans le même secteur d’activité, sans avoir à déménager, car les autres usines ne seront pas touchées. Le second scénario possible est que le choc économique ait affecté toutes les entreprises du secteur dans lequel le travailleur était employé. À ce moment, il devra se trouver un emploi similaire, mais dans un autre secteur d’activité. S’il est situé dans un bassin d’emploi diversifié et que d’autres emplois sont

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disponibles, il pourra alors recommencer à travailler sans avoir à déménager. Si, au contraire, il est situé dans un bassin d’emploi qui ne lui offre pas d’opportunités d’emploi, il sera contraint à rester au chômage et/ou à se réorienter, à moins qu’un programme gouvernemental quelconque ne lui offre les moyens de déménager. Si, finalement, il s’agit d’un travailleur qui a les moyens de déménager, il évaluera les possibilités d’emplois dans les autres bassins d’emploi. S’il trouve une offre lui permettant d’améliorer sa condition, il choisira de déménager. Nous pourrions aussi appliquer les cas précédents à une personne désirant travailler, mais qui est actuellement au chômage.

Nous avons également vu que les travailleurs peuvent se déplacer sans pour autant qu’il y ait eu de chocs économiques dans la collectivité, mais simplement à cause du fait que les conditions d’emploi sont relativement plus attrayantes dans une autre collectivité. Ces exemples nous permettent de développer un cadre d’analyse théorique servant à mesurer la vulnérabilité économique des bassins d’emploi. Ainsi, nous pourrons qualifier chaque personne étudiée selon un des cas de figures suivants (le choix de la population active et des années 2002 et 2007 sera expliqué dans le chapitre 3) :

1. une personne de la population active qui avait un emploi en 2002, dans un bassin d’emploi donné, et qui avait toujours le même emploi en 2007.

2. une personne de la population active qui avait un emploi en 2002, dans un bassin d’emploi donné, et qui avait changé d’emploi en 2007, sans toutefois avoir à changer de bassin d’emploi pour le faire.

3. une personne de la population active qui était au chômage en 2002 et qui avait retrouvé un emploi dans le même bassin d’emploi en 2007 que celui où il résidait en 2002.

4. une personne de la population active qui avait un emploi en 2002, dans un bassin d’emploi donné, et qui avait changé d’emploi en 2007, mais qui avait également dû changer de bassin d’emploi pour le faire.

5. une personne de la population active qui était au chômage en 2002 et qui s’est retrouvée un emploi, mais dans un autre bassin d’emploi que celui où il résidait en 2002.

6. une personne de la population active qui était en emploi en 2002, mais qui était au chômage en 2007, qu’elle ait déménagé ou non.

7. une personne de la population active qui était au chômage en 2002 et qui était toujours au chômage ou qui avait quitté la population active en 2007.

Les situations énumérées précédemment sont classées en fonction de l’importance de la vulnérabilité économique. Tout d’abord, un bassin qui peut maintenir les emplois de ses travailleurs et les conserver sur son territoire est un signe que le bassin n’a pas connu de problèmes ou qu’il a su s’en remettre et qu’aucune opportunité ailleurs ne motivait les travailleurs à quitter. La situation 1 est

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donc synonyme d’une faible vulnérabilité économique. Les situations 2 et 3 sont le reflet d’un bassin d’emploi dont l’économie est assez vigoureuse pour compenser la fermeture d’une entreprise ou les pertes dans un secteur d’activité grâce aux autres portions de son économie tout en offrant des conditions intéressantes à ses travailleurs. Les situations quatre et cinq sont le reflet d’un bassin d’emploi qui ne parvient pas à retenir sa population désireuse de travailler, soit parce qu’il n’offre tout simplement pas d’emplois, soit parce que ce qu’il offre est relativement moins intéressant que ce qui est offert dans les autres bassins. Finalement, les deux dernières situations sont le reflet d’un bassin d’emploi qui n’offre pas de nouvelles alternatives pour ses travailleurs et où ces derniers n’ont pas la possibilité de se déplacer. Ce sont les situations reflétant le plus une forte vulnérabilité économique.

Une fois que nous aurons classé chaque personne en fonction de l’évolution de sa situation d’emploi, nous pourrons l’associer au fait d’être dans une situation traduisant la vulnérabilité économique ou non. Nous pourrons également dire à quel élément de la vulnérabilité chaque situation est associée : le niveau d’exposition ou la résilience. Par exemple, aussitôt qu’une personne voit sa situation changer, peu importe la raison de ce changement, on pourrait dire que cette situation est associée au fait de subir un choc. Donc, la situation no1 sera associée au fait de ne pas être exposé à des chocs, alors que les situations 2 à 7 seront associées à des chocs. Ensuite, parmi les individus ayant vu leur situation changer, nous pourrons qualifier ce changement en fonction de son degré de désirabilité pour le bassin. Les situations 2 et 3 seraient associées à une transition favorable, puisque ces individus travaillent toujours dans le même bassin d’emploi malgré le changement. L’économie du bassin n’est donc pas affaiblie par leur départ. Les situations 4 à 7 seraient, elles, associées à des transitions défavorables puisqu’elles sont le reflet de l’incapacité de l’économie à retenir ces individus. Les transitions favorables seraient le reflet d’une capacité de résilience et vice-versa.

Une fois ces qualifications faites, nous pourrons tenter de voir quels étaient les caractéristiques des individus et de leur collectivité avant que surviennent ces transitions. Si on remarque que certaines caractéristiques sont plus fortement associées à certains types de transitions, à l’aide d’une analyse de régression, nous pourrons conclure quels en sont les déterminants (cf. Figure 3).

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