• Aucun résultat trouvé

Mobilité du manganèse en milieu naturel : synthèse

CHAPITRE 5 RÉSULTATS COMPLÉMENTAIRES ET DISCUSSION

5.3 Résultats des campagnes d’échantillonnage sur la rivière Harricana

5.3.8 Mobilité du manganèse en milieu naturel : synthèse

Cette section a pour objectif de décrire les principaux mécanismes responsables de la mobilisation et de l’immobilisation du Mn en milieu naturel. Pour ce faire, son comportement saisonnier dans la rivière Harricana est décrit à travers quatre schémas, un pour chaque période étudiée. Ces derniers résument de manière synthétique la distribution, la mobilité et la spéciation du Mn en se basant sur les investigations réalisées et les conditions environnementales particulières propres à chaque campagne d’investigation.

Figure 5.25 : Donnée optique et profil géochimique (ppm) obtenus par µXRF issue d’une carotte de sédiments prélevés sur le site HA-S17

En période estivale, les eaux de surface de la rivière sont en conditions plus oxydantes (490,2 mV) avec des teneurs en OD qui demeurent relativement élevées (7,8 mg/L). Les températures et le pH sont également élevés, avec une moyenne de 22°C et de 7,5, respectivement. Ces conditions sont favorables à l’oxydation du Mn(II) dissous en forme minérale solide, essentiellement des oxyhydroxydes. La pyrolusite (MnO2) a d’ailleurs été identifiée comme étant la forme solide la plus susceptible de précipiter sur la base des données physicochimiques recueillies durant la campagne d’août 2018 (Figure 5.17-A). Ainsi, à cette période de l’année, le Mn dissous (Mn2+) présent dans les eaux de surface est en partie oxydé sous forme de MnOx (Figure 5.26-1A) qui, par la suite, va soit sédimenter vers les eaux plus profondes ou être transporté en aval (Figure 5.26- 1D). Les MnOx qui migrent vers le fond de la rivière est de nouveau partiellement remobilisés sous forme Mn2+ par dissolution réductrice (Figure 5.26-1B), au fur et à mesure que les conditions deviennent anoxiques avec la profondeur. Une fois arrivé à l’interface eau-sédiments, une faible proportion de MnOx est immobilisée de façon permanente dans les sédiments (Figure 5.26-1C), tandis qu’une autre partie est de nouveau remobilisée par dissolution réductrice. Il est probable que l’immobilisation du Mn dans les sédiments se réalise principalement en période estivale, car, comme évoqué précédemment, les conditions physicochimiques sont propices à son oxydation sous des formes peu solubles. De plus, la rivière est en période d’étiage, ainsi les plus faibles débits et profondeurs sont également favorables à une précipitation efficace des MnOx. Enfin, bien que moins marqué que celle des lacs, la rivière subit également une stratification à cette période, ce qui limite une remobilisation trop importante du Mn présent à l’interface eau-sédiments. L’hypothèse d’une activité accrue des processus d’oxydation et d’immobilisation du Mn en période estivale est en adéquation avec les plus faibles concentrations en Mn dissous rencontrées en août et en octobre 2018.

En octobre, le brassage automnal réapprovisionne l’intégralité du milieu en OD. La colonne d’eau est également bien mélangée, ce qui occasionne la déstratification thermique du milieu, les conditions redox de l’eau sont plus homogènes, mais moins oxydantes durant l’été. Le pH diminue aussi légèrement probablement dû à des apports externes de composés acidogènes par les eaux de ruissellement. Ainsi, la colonne d’eau, bien que toujours en conditions oxydantes, ne possède plus les conditions optimales à l’oxydation du Mn, la température de l’eau ayant également chuté jusqu’à moins de 3°C (Figure 5.26-2). Ces conditions semblent affecter de façon importante le taux d’oxydation du Mn en surface, les concentrations particulaires étant plus de 3 fois moins

importantes en août et octobre 2018. Dans ce contexte, une faible quantité de Mn2+ est en mesure de s’oxyder en surface (Figure 5.26 2A). Cependant, il semble peu probable que les solides formés atteignent les sédiments, les débits et brassage importants liés à la saison se chargeront d’évacuer la majorité du Mn particulaire et dissous en aval (Figure 5.26 2A). À l’interface eau-sédiments, il peut également y avoir une oxydation du Mn (la colonne d’eau étant reprovisionnée en OD) qui sera en partie incorporé au sédiment (Figure 5.26 2A-C). Cependant il est possible que la majeure partie du Mn solide soit remobilisée par dissolution réductrice (figure 5.26 2B) et transportée dans les eaux sus-jacentes (Figure 5.26 2B-D).

Figure 5.26 : Représentation schématique des processus de mobilisation et d’immobilisation du Mn dans la rivière Harricana pour les périodes août et octobre 2018

Durant l’hiver, la couche de glace présente en surface et la stratification inverse donne un profil réducteur à la colonne d’eau. Ce milieu favorise considérablement la réduction du Mn dont les concentrations dissoutes augmentent et s’accumulent durant toute la période hivernale. Ainsi, même si le Mn peut éventuellement être oxydé dans les conditions légèrement plus oxydantes en surface (Figure 27 1-A), celui-ci est rapidement réduit par dissolution réductrice dans la colonne d’eau (Figure 27 1-B). Toutefois, une petite quantité de Mn parvient à atteindre les sédiments en raison du faible brassage des eaux durant l’hiver dû au couvert de glace et des faibles débits. À l’interface eau-sédiments, des échanges redox importants se produisent. Une grande quantité de Mn solide est probablement remise en solution et rejoint les eaux sus-jacentes, régulant naturellement les concentrations en Mn solides présents dans les sédiments (Figure 5.27 1-B). En effet, une grande variété de composés présents dans les eaux et les sédiments sont capables de réduire les oxydes de Mn (Davison, 1993). Ces agents réducteurs sont responsables du processus de libération du Mn(II). Les oxydes de Mn peuvent être réduits chimiquement, par réaction avec un réducteur inorganique (p. ex. Fe2+, S2-, NH3, NO3-) ou organique, ou même réduit directement par des micro-organismes (Kamgaing, 2015). L’appauvrissement voire l’absence d’OD avec la profondeur favorise également la réduction du Mn solide issu des sédiments. Cette remobilisation importante du Mn solide permet de garantir que seules des concentrations relativement faibles et stables sont intégrées dans les sédiments de fond à long terme (Figure 5.27 1-C). Les concentrations moyennes mesurées dans les sédiments étant de 0,05 ppm sur les 6 carottes prélevées.

Enfin, en mai, le brassage printanier assure le transport (Figure 5.27 2-D) et l’apport (Figure 5.27 2-E) du Mn(II) dissous accumulé dans les réservoirs durant l’hiver, mais aussi issus de la fonte des neiges. Comme le montrent les fortes concentrations moyennes mesurées à cette période de l’année (54 µg/L). Le réapprovisionnement de la colonne d’eau en OD (11,2 mg/L) et l’augmentation des températures permet d’accroître le processus d’oxydation du Mn (Figure 5.27 2-A) en surface, mais aussi plus en profondeur. Ceci sans toutefois empêcher le processus de dissolution réductrice de suivre son cours. À cette période de l’année, les forts débits et le brassage de la rivière de nouveau en contact avec les courants d'air favorisent le transport du Mn solide et dissous en surface (Figure 5.27 2-D), mais aussi sa remobilisation en profondeur.

Figure 5.27 : Représentation schématique des processus de mobilisation et d’immobilisation du Mn dans la rivière Harricana pour les périodes août et octobre 2019

CHAPITRE 6 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS