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Mobilité et accessibilité : deux notions souvent confondues ?

2-Les périurbains et la mobilité ?

2- Mobilité et accessibilité : deux notions souvent confondues ?

Malgré la prise en compte de plus en plus importante de l’accessibilité dans les travaux portant sur les inégalités sociales, cette notion demeure encore peu développée dans le champ des transports urbains. Pour Fol et Gallez (2013) ce paradoxe serait expliqué par une relative confusion entre les notions de mobilité et d’accessibilité et par l’idée erronée selon laquelle toute amélioration des conditions de déplacement conduirait nécessairement à une amélioration de l’accès aux aménités.

Les termes « mobilité » et « accessibilité » sont souvent utilisés ensemble sans une distinction précise. Il convient pourtant de distinguer ces deux concepts. Le terme de « mobilité » a été traduit comme « the potential for movement, the ability to get from one place to another.» (Handy, 2002). L’accessibilité a été définie par Hansen (1959) comme un potentiel d’interactions. Le potentiel de choix est l’un des facteurs les plus importants de l’accessibilité : le plus de choix on a en termes de destinations, le plus importante est l’accessibilité. Moseley (1979) insiste sur le fait que l’accessibilité doit se centrer sur les opportunités au détriment des pratiques effectives, ce qui permet de distinguer l’accessibilité de la mobilité (et de l’accès).

Ainsi, la mobilité, ou le potentiel pour se déplacer, est liée au facteur d’impédance de l’accessibilité, c’est-à-dire, le degré de facilité avec lequel on peut atteindre une destination. Pourtant, de bonnes conditions de mobilité ne correspondent pas nécessairement à de bonnes conditions d’accessibilité. Par exemple, un quartier peut être touché par de forts problèmes de

congestion et de mobilité, mais si ses habitants se situent à proximité des ressources désirées, ils ont un bon niveau d’accessibilité. À l’opposé, un quartier peut disposer de voies larges et rapides, mais avoir peu d’activités auxquelles ses habitants peuvent accéder, induisant un bon niveau de mobilité, mais des mauvaises conditions d’accessibilité (Handy, 2002). C’est pourquoi certaines politiques de transport et d’aménagement visant une augmentation des niveaux de mobilité peuvent entraîner, au contraire, une diminution de l’accessibilité.

Cette distinction entre les deux notions est particulièrement importante lorsqu’on étudie les espaces de densité intermédiaire, car la poursuite de l’étalement urbain et le renforcement de la dépendance automobile renvoient de plus en plus à des inégalités d’accessibilité. Dans cette optique, un accès facilité à la mobilité n’est pas une garantie d’une bonne accessibilité dans les espaces périurbains, du fait de l’étalement des activités et services. L’amélioration de l’accessibilité dépend ainsi de l’échelle spatiale considérée : une infrastructure de transport rapide facilite l’accessibilité à longue distance au détriment des services de proximité.

In the suburban areas of metropolitan regions, transit service is relatively sparse and destinations are generally beyond walking distance, leaving residents with no option but to drive. Growing homogeneity in destinations as a result of the proliferation of chain stores, especially “big box” stores, further limits choices. The result is a decline in accessibility, at least for those who need or would like to travel by modes other than the automobile and those whose needs and desires are not met by the kinds of shopping, services, and other activities found in the suburbs. But even for those residents who prefer to drive, accessibility is threatened. Accessibility in suburban areas depends on driving, but this dependence leads to increases in driving, and as driving increases, traffic increases, and accessibility ultimately declines. (Handy, 2002, p.5)

D’autre part, Fol et Gallez (2013) précisent que contrairement aux effets positifs d’insertion sociale souvent attribués à la mobilité, les différences de mobilité individuelle sont difficilement interprétables directement en termes d’inégalités sociales. Un niveau élevé de mobilité peut être le résultat direct de fortes contraintes d’accès, comme dans le cas des populations les plus pauvres qui sont obligées de parcourir de longues distances pour atteindre leur lieu de travail. A l’inverse, un niveau de mobilité restreint peut traduire des choix, comme lorsque certaines populations aisées, malgré leur forte capacité de déplacement, s’installent dans des quartiers bien équipés.

L’étude de la mobilité quotidienne est une étude des déplacements effectivement réalisés par les individus en question. Elle renseigne sur l’accès des personnes aux activités, qu’il faut bien distinguer de l’accessibilité. L’accessibilité est avant tout une qualité urbaine [Amar, 1993], elle suppose en ce sens une maximisation des opportunités pour les citadins, une liberté dans leurs choix d’activités. « L’accessibilité caractérise des lieux. Elle est donc une des conditions de la mobilité » (Rémy, 1996, p 138).

Handy (2002) souligne que la notion d’accessibilité recouvre une gamme très vaste de stratégies, qui n’impliquent pas forcément l’augmentation des déplacements. Tandis que la mobilité renvoie directement à la performance de réseaux de transport, l’accessibilité fait le lien entre ceux-ci et la manière dont les activités sont distribuées dans l’espace. Ces constats ne rejettent pourtant pas le rôle joué par la mobilité dans la capacité des individus à accéder aux services et à participer aux activités et opportunités. Ainsi, il s’agit d’une différenciation entre la mobilité effective, c’est-à-dire, les déplacements, marqués par un changement de position spatiale, et la mobilité dite « potentielle », l’accessibilité. Elle renvoie donc à la possibilité d’atteindre un lieu donné dans le but d’effectuer une activité.

Dans la littérature, les problèmes d’inégalités sociales d’accessibilité à la ville restent aujourd’hui majoritairement concentrés sur l’accès à la mobilité. Les approches utilisées dans les champs des transports mettent l’accent sur une notion restreinte de l’accessibilité, en se concentrant surtout sur la performance des réseaux de transport ou l’observation des pratiques effectives de mobilité par l’intermédiaire des enquêtes de déplacement. Par ailleurs, le terme d’accessibilité est souvent utilisé afin de désigner les personnes présentant des handicaps physiques et des difficultés pour se déplacer. Dans cette étude, nous distinguerons donc l’accessibilité comme potentiel d’opportunités à atteindre (cf. chapitre 6 et 7) et la mobilité et l’accès comme les déplacements effectifs des individus (cf. chapitre 8).

L’une des principales questions du présent travail est ainsi de développer une approche de l’accessibilité aux ressources urbaines capable d’articuler les réseaux de transport à d’autres facteurs essentiels pour comprendre l’accessibilité, comme la distribution des ressources, les capabilités individuelles etc. Compte tenu de la multitude de travaux portant exclusivement sur les questions de mobilité, il nous semble opportun d’élargir la discussion vers la notion d’accessibilité. Vallée et al. (2015) soulignent la difficulté qu’il y a à observer à un instant donné les deux processus dynamiques que sont la mobilité dans la ville et l’accessibilité à la ville : en figeant ces processus, on pourrait avoir tendance à oublier que la mobilité détermine l’accès à la ville mais dans le même temps en résulte. Accès potentiel et accès effectif se différencient et se confondent : le premier ne se traduit en déplacements

effectifs que si les individus disposent des capacités pour utiliser les modes de transport mettant en lien les lieux qu’ils souhaitent pratiquer. De ce fait, les inégalités observées dans les pratiques de mobilité témoignent des inégalités sociales de l’accessibilité, c’est-à-dire, du potentiel de réalisation de cette mobilité (Dureau et al., 2011).

3-

Les dimensions de l’accessibilité : une notion complexe et