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Mobilisation des ressources en eau : prises, pom pages et barrages

Le premier mode de pr´el`evement, d´ej`a mentionn´e ci dessus, est la prise au fil de l’eau des eaux de surface r´eguli`eres qui peut se faire par simple d´e- rivation gravitaire pour des lieux d’utilisation `a proximit´e de la ressource, ou par des canaux pour servir des zones plus ´eloign´ees. Le rel`evement constitue une deuxi`eme mani`ere de prise au fil de l’eau qui peut ˆetre r´ealis´ee `a l’aide de techniques traditionnelles peu consommatrices d’´energie comme les roues ´el´evatrices en Syrie, ou de plus en plus souvent, `a l’aide du pompage comme c’est le cas pour les infrastructures d’exploitation du Rhˆone. Pour les grands fleuves, les d´erivations peuvent conduire `a des am´enagements lourds et com- plexes comme c’est le cas pour le Pˆo et le Rhˆone. Cependant, quand le fleuve constitue l’art`ere principale de distribution, les prises d’eau fluviales peuvent ˆetre d´ependantes d’am´enagements r´egulateurs. C’est le cas du Nil en aval du barrage d’Assouan.

Le deuxi`eme mode de mobilisation concerne l’exploitation des eaux sou- terraines phr´eatiques ou profondes. Les aquif`eres les plus accessibles et pro- ductifs (constitu´es de sable et de gravier, habituellement vastes et profonds, aliment´es par les eaux de pluies qui s’infiltrent dans le sol) se trouvent prin- cipalement dans les zones habit´ees comme les plaines cˆoti`eres et int´erieures et les vall´ees. En fonction de l’accessibilit´e de l’eau souterraine et de l’impor- tance des ouvrages qui doivent ˆetre mis en place, deux types d’exploitation

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a. Dans l’´etat des statistiques disponibles, ce tableau comporte quelques hypoth`eses. b. Espagne : donn´ees du PNH pour 1993, comptant des “usos non consuntivos”. c. Isra¨el : non compris la r´egulation par le lac Kinnereth. d. Y compris exploitation de ressources non renouvelables. e. Egypte : y compris remobilisation des retours d’eau au Nil, r´egularis´e, et aux aquif`eres alluviaux (11.3 km3.an1

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peuvent ˆetre identifi´es : l’exploitation des nappes phr´eatiques et profondes. L’exploitation des nappes phr´eatiques se fait par puit ou forage peu pro- fond, solution de proximit´e n´ecessitant des investissements `a la port´e des usa- gers. Ces exploitations sont ´equip´ees d’appareils de puisage traditionnels ou de pompes plus productrices mais plus coˆuteuses en ´energie (Tunisie 120000 points en 1997, Maroc 215000 points en 1990, Espagne 500000 points en 1993, en Italie 100000 points dans les ann´ees 80). Les productions varient entre une dizaine `a plus d’un millier de m3

.hr−1 suivant le type d’aquif`ere. Plusieurs exploitations locales intensives d’aquif`eres alluviaux ou karstiques existent au niveau du bassin m´editerran´een : Delta du Nil (77 m3

.s−1), plaine de Pˆo pr`es de Milan (60 m3

.s−1), plaine de Mitidja pour l’alimentation d’Alger (10 m3

.s−1), plaine cˆoti`ere d’Isra¨el (15 m3.s−1), Jeffara libyenne (18 m3.s−1), plaine de Valence en Espagne (6 m3

.s−1).

L’exploitation des nappes profondes, beaucoup moins `a la port´ee des usa- gers particuliers, n´ecessite des forages plus profonds. Cette technique s’est d´evelopp´ee en particulier en Egypte, Libye, Tunisie, et Alg´erie. Ce mode d’exploitation n’est pas durable car il conduit `a l’´epuisement de ressources non renouvelables.

En g´en´eral, la surexploitation des nappes souterraines `a ressources re- nouvelables est d´ej`a observ´ee, notamment en Espagne, Isra¨el, Libye, et en Tunisie, avec comme cons´equence possible l’invasion d’eau sal´ee. De plus, l’exploitation mini`ere des eaux fossiles, production non durable, est loin d’ˆetre n´egligeable dans plusieurs pays m´editerran´eens, notamment en Libye, en Al- g´erie et `a Malte.

Le troisi`eme mode d’exploitation est li´e `a la maˆıtrise des eaux de sur- face irr´eguli`eres, notamment `a l’aide d’infrastructures hydrauliques impor- tantes. Dans un premier temps, la collecte locale de l’eau pluviale, `a l’aide de structures ad´equates, est r´ealis´ee. Pour cela, il est possible d’utiliser des lacs collinaires avec un rˆole local, notamment en Italie, Turquie, Alg´erie, et en Tunisie, de capacit´e variable entre 10000-100000 m3

, destin´es `a l’agricul- ture. Cependant, un barrage cr´eant un r´eservoir d’accumulation repr´esente la technique principale de r´egulation et la plus structurante pour l’am´enage- ment des eaux. Les barrages-r´eservoirs peuvent avoir plusieurs finalit´es : pour l’irrigation, l’approvisionnement en eau, la production d’´electricit´e, la protec- tion contre les inondations, la navigation, le contrˆole des pollutions, les loisirs, l’´elevage. Les r´eservoirs d’accumulation ont aussi un rˆole de “consommateur”, peu ´evalu´e, par le biais de l’´evaporation qui peut atteindre 1 m.an−1.

C’est surtout au cours du XXe

si`ecle que la construction de barrages au niveau de la r´egion m´editerran´eenne `a ´et´e initi´ee. Leur construction a commenc´e d`es les ann´ees 1930 et 1940, particuli`erement en Italie et en Es-

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Fig.1.5: Volumes des r´eservoirs des pays m´editerran´eens, source : Margat et Treyer [2004]

pagne avec une finalit´e hydro´electrique. Ensuite, pendant la deuxi`eme moiti´e du XXe

si`ecle, le nombre de ces am´enagements a augment´e dans la plupart des pays, en particulier en Espagne, France, Italie, Gr`ece, Albanie, Turquie, Maghreb et Egypte, avec des finalit´es multiples.

De nos jours il y a plus de 1200 barrages avec une capacit´e de stockage sup´erieure `a 10 millions de m3

, un volume cumul´e de plus de 420 milliards de m3

(Figure 1.5), avec les barrages Ataturk et Keban sur l’Euphrate en Turquie et le barrage d’Assouan en Egypte repr´esentant plus de la moiti´e de ce volume. Le potentiel est essentiellement d´evelopp´e en Espagne, France, Italie, Egypte et Maghreb. La plupart des r´eservoirs ont une capacit´e essen- tiellement inter-saisonni`ere, et leur gestion doit prendre en compte plusieurs demandes saisonni`eres, d´ephas´ees et souvent en comp´etition entre elles. Ce- pendant, mˆeme si ces r´eservoirs jouent un rˆole essentiel pour l’offre en eau en M´editerran´ee, ils suscitent des critiques sur leurs impacts environnementaux et sociaux.

Il est `a noter que la capacit´e r´egulatrice des barrages peut ˆetre diminu´ee par l’envasement caus´e par des flux importants de s´ediments. La dur´ee de leur fonction r´egulatrice peut ˆetre r´eduite malgr´e les “volumes de s´edimen- tation” pr´evus `a cet effet. Le taux des pertes moyennes annuelles s’´el`eve `a 0.1-0.5% au Nord et 0.5-1% au Sud, avec des pertes importantes au Maghreb et en Espagne. Ainsi la capacit´e r´egulatrice est en diminution, et, malgr´e des techniques de pr´evention, le comblement est plus ou moins pr´evu au XXIe

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Fig. 1.6: Production d’eau par mode de mobilisation des ressources convention- nelles pour les pays m´editerran´eens, source : Margat et Treyer [2004]

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Ce probl`eme ne pourra pas ˆetre enti`erement r´esolu par la construction de nouveaux barrages, car le nombre de sites disponibles devient limit´e.