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Nous avons d’abord obtenu l'autorisation de réaliser nos travaux de thèse et de mémoire de DES de psychiatrie sur la médiation Jeu de Rôle auprès du Pr Guilé, chef du service des consultations de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent du CHU d’Amiens, du Dr Pérot, pédopsychiatre responsable de CMA et de Sébastien Kwiek, coordinateur du CMA. Il nous paraissait indispensable de participer aux ateliers pour réaliser une observation clinique pour la thèse et une recherche clinique dans le cadre du mémoire de DES. Nous avons également obtenu les accords oraux et écrits des parents et des adolescents. Aux adolescents de la médiation JDR, comme à leurs parents, je me suis présentée comme interne de psychiatrie de dernière année, réalisant travail de thèse et mémoire sur cette médiation. Nous leur avons expliqué que les buts de ces travaux étaient d'évaluer les leviers thérapeutiques de la médiation JDR, dans l’idée de diffuser cette médiation si elle s’avérait bénéfique pour les adolescents. Les adolescents étaient considérés comme des alliés à la recherche.

Ma place en tant qu’interne de psychiatrie et chercheuse a longuement été discuté avec Sébastien, éducateur, médiateur du JDR, et meneur de jeu de l’aventure. N’ayant jamais fait de jeu de rôle, je ne pouvais être meneuse de jeu. Nous avions initialement pensé que je serai un « personnage non-joueur», c’est-à-dire incarner plusieurs personnages rencontrés par les joueurs au cours de leurs aventures. Ce rôle de non- joueuse présentait l’intérêt d’être en retrait pour mieux observer et de ne pas risquer d’être trop prise à mon propre plaisir de joueuse. Mais ce rôle ne permet que peu de liens avec les autres joueurs.

En réalité c’est la place que m’ont attribuée naturellement les jeunes lors des deux pré- séances d’août qui nous a orientés. Les adolescents m’ont d’emblée identifiée dans le jeu comme leur grande sœur ou « pseudo-maman » de par l’âge de mon personnage légèrement plus âgé qu’eux et de par ma place dans l’histoire. En effet, mon personnage était une elfe-

druide : en tant qu’elfe, je leur apprenais à survivre dans les bois, le druide quant à lui incarnait la sagesse et la connaissance. Ce personnage en retrait du jeu est un allié pour les adolescents.

De fait, nous est venu l’idée que je sois un personnage joueur, avec connaissance partielle du scénario pour faire avancer ou réguler l’aventure, en provoquant les joueurs ou en fédérant le groupe, toujours dans un but thérapeutique discuté au préalable avec le médiateur.

Durant les séances, je prenais des notes de l’histoire et de ce que j'observais en jeu et hors- jeu. Cette prise de notes m'a donné la place de « mémoire du groupe », à la fois dans le groupe de personnages comme druide et dans le groupe d’adolescents pour la recherche. Ils m’ont d’emblée repérée comme « maman »/« grande sœur » et me consultaient beaucoup dans le jeu lors des premières séances. Nous avons alors décidé avec le médiateur que je me retire progressivement pour qu'ils s'autonomisent, avec l’idée de rester présente pour eux s’ils avaient besoin de moi.

Cette option d'être un personnage joueur mais en retrait me permettaient d’observer les phénomènes groupaux de l’intérieur. Le fait que je sois joueuse nous a permis d'observer ce qu’ils rejouaient à l'égard d'une adulte femme avec fonction de soignante (car ils savaient que j'étais médecin). Nous avons donc fait le choix du lien thérapeutique plutôt que de l’observateur distant, ce qui nous semblait le plus adapté tant sur plan du relationnel avec les adolescents pour qu’ils se sentent en confiance, que sur le plan de l’observation clinique, plus au contact de leurs éprouvés.

Dans mon observation, je me suis également appuyée sur mon expérience d'animatrice de séjour de vacances avec des groupes d'adolescents, puis de formatrice BAFA (Brevet d’Aptitudes aux Fonctions d’Animateur) au sein des CEMEA (Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active). Nous nous intéressions beaucoup à l'organisation collective et groupale, au cadre sécurisant leur permettant de se sentir apaisés et écoutés, et donc d’être acteurs de leurs vacances, dans la création. Nous nous intéressions aux méthodes de pédagogie alternatives (Freinet, Montessori) et de pédagogie institutionnelle (Fernand Oury, Libres enfants de Summerhill). Notre rôle n’était pas d’occuper les jeunes mais de les accompagner dans leurs envies et projets durant les vacances. L'autonomisation et la responsabilisation des jeunes étaient la base du fonctionnement collectif. Par ces expériences, j'avais déjà été

51 sensibilisée à la fonction rassurante d'un cadre bienveillant, à la place dans le groupe donnée par l'organisation collective, à la valorisation liée à l'écoute de leurs envies et au crédit accordé par les adultes à leurs projets. D'autres notions ont de fait retenu mon attention et ont guidé mes prises de position dans l'histoire: la valorisation par la création individuelle et collective, les effets bénéfiques de la confiance des adultes au travers de l'autonomisation et la responsabilisation, et la possibilité de s'exprimer dans le groupe et dans la création.

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