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Mise-en-perspective de la visée des dispositifs et du sens qui leur est donné par les

III- Pratiques, visions et mécanismes d’apprentissage de l’alimentation durable dans les

3.5. Mise-en-perspective de la visée des dispositifs et du sens qui leur est donné par les

Les résultats des entretiens et des observations réalisés sont à considérés ensemble, comme un tout, permettant tout d’abord de saisir le sens donné par ces personnes aux dispositifs et initiatives collectives dans lesquels elles s’inscrivent ou ont déjà pris part.

J’ai globalement observé une bonne connaissance des enjeux environnementaux et sanitaires autour de l’alimentation chez les enquêtés, tous échantillons confondus, sans qu’il n’y ait forcément eu de point marquant en la matière dans leurs parcours respectifs, ou plus

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simplement sans qu’elles soient particulièrement engagées dans une démarche de changement de pratiques. Surtout, les normes alimentaires prônées par le discours nutritionnel sont connues, et j’ai eu souvent du mal à établir si elles étaient intériorisées par les enquêtés, ou que ceux-ci ne mettaient en avant que certaines de leurs pratiques conformes à ces normes. Ce fut particulièrement le cas des personnes qui étaient les moins avancées dans leur trajectoire de changement de pratiques. J’ai pu en effet percevoir une volonté de répondre « correctement », c’est à dire de se conformer à des pratiques connues comme « bonnes ». Chez les personnes à la démarche de changement plus avancée, j’ai pu à l’inverse percevoir un effort de l’enquêté pour montrer ses faiblesses, ou les changements qui restent à accomplir selon lui.

Au-delà des normes, en termes de pratiques concrètes cette fois, j’ai pu noter la prégnance d’événements précis, d’expériences marquantes, de rencontres auxquelles la personne avait directement pris part -plutôt qu’une discussion ou une phrase simplement entendue, et qui auraient signifié pour ces personnes le basculement entre « connaissance » et « pratique » de l’alimentation durable. Ces points de basculement tournent autour de deux entrées principales : un problème de santé d’un proche ou de la personne elle-même, qui accompagne souvent les changements les plus drastiques de pratiques alimentaires vers des pratiques durables, et une entrée environnementale sur l’alimentation durable, née dès l’enfance dans le cadre familial ou développée suite à la participation récurrente à des activités ou événements durant lesquels ils ont pu être directement confrontés aux problèmes environnementaux et à des pratiques alimentaires alternatives.

J’ai pu relever une diversité dans les pratiques allant dans le sens d’une alimentation durable, qui ont été évoquées par les enquêtés en réponse à des questions portant sur leurs changements de pratiques et sur leur vision de l’alimentation durable.

 Acheter ses fruits et légumes au magasin de producteurs  Produire ses fruits et légumes dans son jardin

 Faire son pain soi-même

 Faire ses pâtes à tarte / ses biscuits / ses compotes / ses conserves soi-même  Réduire sa consommation de viande

 Ne plus acheter de viande en supermarché

 Consacrer plus de temps et d’énergie à la préparation des repas

 Chercher des recettes alternatives pour réduire le gaspillage alimentaire

En termes de consensus autour des pratiques alimentaires pouvant être durables, je citerais la préparation des repas soi-même, le temps et l’énergie accordés à la cuisine.

En ce qui concerne l’approvisionnement, et la « qualité » des aliments -au sens des critères guidant leur choix en priorité, les personnes ayant une entrée « santé » semblent se tourner plutôt vers le bio, même si certains la plupart privilégient tout de même le local, avec des critères de fraîcheur et de traçabilité des produits. Finalement, très peu de personnes, tous échantillons confondus, semblent privilégier le bio au local. La grande majorité des personnes privilégiant les produits locaux se sont retrouvés dans les échantillons de l’ancien FAAP de Loriol et dans l’échantillon des parents d’élèves (Ça Bouge Dans Ma Cantine), et assez peu dans les échantillons des participants du Défi Alimentation actuel et des groupements d’achat.

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 Ces personnes sont d’origine rurale ou vivent depuis longtemps en milieu rural à proximité des producteurs.

 Ces personnes connaissent les réseaux d’agriculteurs et de consommateurs locaux (associations de producteurs ou de consommateurs) et/ou y participent.

 Les points d’achat en circuits-courts maillent le territoire de la Communauté de Communes du Val-de-Drôme et leur développement est encouragé par les pouvoirs publics locaux, tandis qu’ils restent rares à Valence, par exemple.

Cette « préférence au local » reste à nuancer. L’agriculture biologique est particulièrement développée et diversifiée sur le territoire, et il est possible de trouver de nombreux produits bio et locaux. Cette enquête m’a amenée à déconstruire des idées reçues ancrées depuis longtemps. Parmi les témoignages recueillis, la visée « environnementale » d’un changement de pratiques allait plus souvent de pair avec une préférence pour des produits locaux. Il semblerait que les préoccupations environnementales ne puissent se limiter à l’écologisation des modes de culture, mais qu’elle mène plutôt à prendre en compte une multiplicité de critères, tant économiques, éthiques, sociaux, sanitaires, environnementaux. En allant plus loin, on peut considérer qu’une entrée « environnementale » sur l’alimentation durable mènerait inévitablement à étendre le changement de pratiques à l’ensemble du mode de vie.

Les groupements d’achat ont constitué un échantillon plutôt à part dans l’enquête, et il fut particulièrement difficile d’appliquer ma grille d’entretien, construite pour des « individus participants à un dispositif », à ces personnes qui se sont toutes révélées jouer un rôle d’organisatrices dans ces groupements. Cela m’a amenée à me questionner sur la difficulté d’atteindre de simples participants de ces groupements d’achat qui serait due aux modes de communication informels et internes au groupement, ou sur cette posture d’acteur qui serait usuelle pour les membres de ces groupements d’achat. La forme de l’entretien s’en est trouvée modifiée.

Enfin, l’ensemble des personnes enquêtées ont manifesté une demande d’information nutritionnelle plus « diversifiée », « déconstruisant des idées reçues », mais à la construction de laquelle ils pourraient notamment prendre part. Plus globalement, il semble y avoir une demande importante de la part des personnes enquêtés de participer directement, ou d’une plus grande participation des habitants possible, dans la construction des dispositifs et des actions autour de l’alimentation.

Le constat majeur de cette enquête réside dans la diversité des stades de changement de pratiques atteints par les individus rencontrés, dans la diversité de leur vision de ce changement également et des pratiques adoptées ou souhaitées, ainsi que dans les freins rencontrés par ces individus dans ce processus de changement. Cette diversité n’a pas été forcément observée au sein de chaque dispositif, mais elle est plutôt transversale à l’ensemble des échantillons enquêtés. Cette diversité et sa prise en compte dans lesdits dispositifs questionne, tant elle semble pleine de potentialités mais également de freins à l’accompagnement sur le territoire.

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IV- Une diversité de pratiques et de visions appelant une diversité de