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2 CONCEPTS : DE LA BIODIVERSITÉ À LA CAPACITÉ DE SUPPORT DES

2.3 Milieux naturels et capacité de support des écosystèmes

Cette section détaille le concept de capacité de support des écosystèmes et ses mécanismes de fonctionnement, notamment les seuils à ne pas franchir dans l’utilisation du territoire. Il s’agit de notions cruciales pour intégrer la préservation de la biodiversité à l’aménagement du territoire.

2.3.1 Quelques définitions

La capacité de support d’un écosystème est la pression maximale que peut supporter un écosystème sans porter atteinte à son intégrité (OQLF, 2013). Plus spécifiquement, Parc Canada définit l’intégrité écologique comme étant :

« […] l’état d’un écosystème jugé caractéristique de sa région naturelle et susceptible de durer, qui comprend les composantes abiotiques et la composition de même que l'abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques, les rythmes de

changement et les processus qui les soutiennent. » (Loi sur les parcs nationaux du Canada).

Comme il est mentionné dans cette définition, le concept d’intégrité et donc de capacité de support réfère à l’état des écosystèmes selon les composantes biotiques (communauté biologique) et abiotiques (facteurs physicochimiques). Les perturbations de la biodiversité (perte et fragmentation, pollution, etc.) influencent l’intégrité et l’état des écosystèmes, influençant du même coup les biens et services écologiques fournis par les écosystèmes. Il est donc essentiel de comprendre les processus et les mécanismes de contrôle de l’état des écosystèmes.

2.3.2 États et seuils des écosystèmes

La transition d’un écosystème d’un état à un autre est liée au concept de seuil écologique. Ce concept est souvent illustré par une boule sur une courbe à palier (Beisner et autres, 2003; Briske et autres, 2006; Gunderson, 2000; Thompson, 2011). La boule représente la position de l’écosystème et la courbe représente les états possibles de l’écosystème. Les creux de la courbe sont les positions d’équilibre de l’écosystème. Une perturbation dans les paramètres biotiques ou abiotiques induit une modification de l’état de l’écosystème (déplacement de la boule). Passé un seuil donné (point culminant après un creux), les perturbations entrainent l’écosystème vers un nouvel état d’équilibre (Beisner et autres, 2003). Le temps de retour à un état d’équilibre sera plus long à la suite d’une perturbation des conditions abiotiques plutôt qu’après une perturbation des conditions biotiques (Briske et autres, 2006).

Un écosystème en état d’équilibre implique que les perturbations sont régulées par l’écosystème dans ses limites de résilience et de résistance (Beisner et autres, 2003; Briske et autres, 2006; Groffman et autres, 2006; Gunderson, 2000). La résistance est la capacité d’un écosystème à rester dans le même état d’équilibre (Hassan et autres, 2005). La résilience est la vitesse que prend un écosystème pour retourner à son état d’équilibre après une perturbation (Hassan et autres, 2005). Les mécanismes de rétroaction agissent sur l’état de l’écosystème en dégradant ou en renforçant les fonctions de résilience et de résistance de l’écosystème (Figure 2-4) (Briske et autres, 2006). Une rétroaction négative favorise la stabilité de l’écosystème au travers des perturbations alors qu’une rétroaction positive a l’effet inverse en dégradant l’écosystème vers un état d’équilibre différent. Les rétroactions positives sont des perturbations biotiques ou abiotiques de l’écosystème. Lorsque la rétroaction positive est supérieure à la rétroaction négative, le processus de basculement de l’écosystème se produit jusqu’au moment où un seuil de non-retour est atteint (Briske et autres,

2006; Thompson, 2011). À ce moment, l’état d’équilibre change et les facteurs de rétroaction positive deviennent favorables au nouvel état d’équilibre (Briske et autres, 2006) (Figure 2-4b).

Figure 2-4 : Schéma des mécanismes de rétroaction d’un écosystème. Le schéma de gauche (a) représente une perturbation (rétroaction +) qui n’est pas suffisamment forte vis-à-vis de la résilience et de la résistance (rétroaction -) de l’écosystème et conduit vers un retour à l’état initial. Le schéma de droite (b) représente une perturbation d’importance (rétroaction +) engendrant le basculement de l’écosystème. Les facteurs perturbateurs favorisent une nouvelle résilience et une nouvelle résistance de l’écosystème (rétroaction -) maintenant l’écosystème dans un nouvel état d’équilibre (adapté de : Briske et autres, 2006, p. 228).

Selon l’intensité des perturbations de la biodiversité (pertes et fragmentation des milieux naturels, espèces exotiques envahissantes, surexploitation des ressources, changements climatiques et pollution), l’état d’équilibre des écosystèmes peut être affecté. Ce changement d’équilibre induit des pertes de biodiversité parfois irrévocables (SCDB, 2010).

Les conditions qui prévalaient avant le basculement d’un état ne disparaissent pas immédiatement après qu’un seuil ait été atteint. La notion de seuil doit être perçue de façon progressive dans le temps (Briske et autres, 2006). Quatre étapes doivent être franchies avant que toutes les caractéristiques de l’écosystème d’avant le basculement disparaissent. Certaines de ces étapes peuvent ne jamais se produire en raison de l’élimination des perturbations qui ont induit ou qui induisent le déséquilibre par la restauration écologique. Celle-ci est définie comme étant un processus d’aide au rétablissement d’un écosystème dégradé, endommagé ou détruit (SER, 2004).

Plus les étapes sont franchies et moins le retour à l’état d’avant le basculement est réalisable à l’aide de la restauration (Briske et autres, 2006).

Quatre étapes existent dans le processus de basculement : structurelle, perte en espèces, fonctionnelle et disparition totale des propriétés (Figure 2-5). L’étape structurelle est associée à une modification de la composition et de la distribution des espèces ainsi que de la structure de la communauté (arbres, arbustes et herbacés). La deuxième étape correspond à une perte en diversité spécifique et génétique qui ne permet plus aux populations menacées de se rétablir. Des disparitions de populations pourraient avoir lieu au niveau local et régional. Afin de maintenir ces populations, un apport en individus des espèces menacées doit être effectué, par exemple des plantations. L’étape fonctionnelle est associée au point où les processus écologiques propres à l’écosystème d’avant le basculement sont perdus. À ce point, une restauration coûteuse à grande échelle est requise pour rétablir les fonctions de l’écosystème d’avant le basculement, par exemple le rétablissement des cycles des nutriments par un programme de contrôle de l’érosion. Enfin, la quatrième étape correspond à une perte totale des propriétés résiduelles de l’écosystème d’avant le basculement. Cette étape est souvent associée à une modification des conditions abiotiques d’un site. Plus l’écosystème est géré tôt, moins la restauration est coûteuse. (Briske et autres, 2006)

Figure 2-5 : Étapes qui seront franchies avant l’atteinte d’un nouvel état d’équilibre (adapté de : Briske et autres, 2006, p. 230).

Le basculement peut avoir des effets irréversibles sur la diversité biologique. À terme, les répercussions se feront sentir sur les BSE et le bien-être humain (SCDB, 2010). La meilleure façon de prévenir ces répercussions négatives est de cibler les seuils à ne pas franchir. Ainsi, pour protéger la biodiversité, il est nécessaire de tenir compte des seuils dans l’aménagement du territoire, notamment au niveau de la restauration.