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Milieux construits et rudéraux, cultures

Dans le document > Liste rouge Papillons diurnes et Zygènes (Page 28-34)

2.6.1 Talus, bords de routes et de voies ferrées

Même s’ils possèdent une flore favorable, les talus de faible largeur qui bordent les voies de communication très fréquentées n’offrent pas de réelles possibilités de repro-duction pour les papillons, en raison de la forte mortalité due aux turbulences générées par le trafic. Par contre, s’ils sont suffisamment larges ou situés dans des zones peu fréquentées, et pour peu que leur entretien soit adéquat, les talus et bords de routes et de voies ferrées peuvent jouer un rôle important pour les papillons (Gonseth 1992). Ils peuvent favoriser les échanges entre populations (milieux relais), abriter des espèces capables de se développer sur de petites surfaces (milieux de reproduction), voire offrir ressources alimentaires et abri temporaire à des espèces chassées des prairies par la

fauche par exemple (milieux refuges). Une largeur minimale de 5 m est souvent re-quise, mais une dimension inférieure peut suffire si le trafic est réduit et l’entretien particulièrement précautionneux.

Délimiter les surfaces présentant un intérêt particulier (pelouses maigres, structures semi-embuissonnées thermophiles p. ex.) et les entretenir par une fauche tardive et par une coupe périodique des buissons et des arbustes. Maintenir des surfaces non fau-chées, en rotation sur 2 ou 3 ans dans la partie supérieure. Faucher plus tôt et plus fréquemment une bande de végétation d’1 à 2 m dans la partie inférieure du talus pour assurer la sécurité du trafic routier. Eviter le broyage et le paillage (mulching) de la végétation et assurer une hauteur de coupe de 10 cm au moins.

Lors de la construction de nouvelles voies de communication, promouvoir l’aména-gement de structures favorables (dans les échangeurs autoroutiers et les talus de grande taille p. ex.) et leur ensemencement avec des mélanges grainiers diversifiés. Les semis à forte proportion de légumineuses (Lotus spp., Onobrychis spp., Anthyllis spp.) utilisés lors de la construction de la RN16 «Transjurane» ont par exemple été localement très profitables à plusieurs espèces de Zygènes et de Papillons de jour, dont Polyommatus thersites, une espèce menacée dont la chenille se développe sur les esparcettes. La superficialité du sol est très probablement un facteur clé pour assurer le succès de ces mesures. Bien que l’évolution à long terme de la végétation des sols superficiels ense-mencés avec de tels mélanges ne soit pas connue, il est intéressant de favoriser autant que possible cette pratique. La végétation qui en résulte exige en effet un entretien beaucoup moins fréquent que celle que génère l’ensemencement de sols profonds ou avec des mélanges grainiers à forte proportion de graminées.

Fig. 9 > Talus

Les talus de routes, pour peu qu’ils soient bien gérés (fauchage partiel), peuvent constituer des refuges pour de nombreuses espèces prairiales (Montfaucon, JU).

Fauchage et broyage précoce de la végétation des talus, facteur de paupérisation et

d’eutrophisation du milieu (Verbier, VS).

Photos: Emmanuel Wermeille et Yves Gonseth

2.6.2 Vignoble et vergers

Les vignobles extensifs présentent un intérêt indéniable pour plusieurs espèces de papillons thermophiles menacées. La présence de structures semi-naturelles (friches plus ou moins riches en buissons, murs de pierres sèches, lambeaux de steppes, sentiers enherbés) sont autant d’éléments favorables (source de nourriture, habitats de repro-duction et d’hivernage). Les principales recommandations sont les suivantes:

> Eviter tout remaniement parcellaire destructif des surfaces de vignobles extensifs

riches en structures semi-naturelles (haies, bosquets, dalles rocheuses, friches, …).

> Encourager les méthodes de production viticole respectueuses de l’environnement.

Limiter drastiquement l’usage d’insecticides et d’herbicides en privilégiant des trai-tements par confusion contre les vers de la grappe, des méthodes mécaniques pour le désherbage et en tolérant un certain enherbement. Dans les vignobles richement structurés, éviter l’épandage de produits phytosanitaires sur les petites surfaces de steppes, friches et buissons qui jouxtent ou sont situés entre les parchets de vignes.

> Limiter fortement la fumure dans les vignobles et éviter tout engraissement des

structures semi-naturelles avoisinantes. Entretenir la végétation herbacée des vignes par une fauche alternée et assurer un fauchage ou un débroussaillage périodique des friches et des zones parsemées de buissons qui les bordent.

> Favoriser les espèces très menacées par la plantation ou le semis de leurs plantes

hôtes (Colutea arborescens pour Iolana iolas, Linaria angustissima pour Melitaea deione) aux abords des vignes extensives qui le permettent et dans les terrains adja-cents non cultivés.

Les vergers hautes tiges extensifs peuvent abriter plusieurs espèces de papillons de jour. Certaines sont menacées, telle Satyrium pruni, dont les chenilles peuvent se développer sur les pruniers ou prunautiers. Dans ces vergers, les traitements phytosani-taires devraient être proscrits ou extrêmement limités et très ciblés. Une exploitation extensive de leur strate herbacée, répondant au minimum aux exigences prévues par l’ordonnance sur les paiements directs (OPD; RS 910.13) pour les prairies et pâturages extensifs, est en outre indispensable: pas d’engrais, fauche retardée et si possible partielle, charge en bétail faible ou de courte durée. Le maintien ou la mise en place de prairies extensives ou de jachères florales dans leurs environs immédiats renforcent encore leur potentiel.

Fig. 10 > Vignobles

La présence de structures favorables dans ou à proximité immédiate de la vigne permet à certaines espèces menacées de se développer, telle Melitaea deione (Viège, VS).

Ce vignoble uniforme et intensif est totalement dénué d’intérêt pour les Papillons diurnes et les Zygènes (Conthey, VS).

Photos: Yannick Chittaro

2.6.3 Zones agricoles de plaine

Diverses structures (friches et jachères, rudérats, chemins en terre) qui permettaient autrefois la reproduction de papillons dans les zones de grandes cultures ont au-jourd’hui largement disparu. Des mesures ont été prises pour remédier à cette perte par la mise en place de jachères florales et tournantes en tant que surfaces de compensation écologique (SCE), respectivement surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) à partir de 2014. Si elles sont en général bien fleuries et offrent une ressource abondante en nectar, la plupart d’entre elles ne permettent la reproduction que d’un nombre limité de papillons de jour. Autrefois très menacée, Carcharodus alceae a cependant profité de la présence régulière de ses plantes hôtes (Malva spp.) dans les jachères pour aug-menter ses populations et reconquérir une partie au moins du territoire perdu.

Fig. 11 > Zone agricole

Cette jachère fleurie, riche en légumineuses, offre nectar et plantes hôtes à plusieurs espèces de papillons (Laconnex, GE).

Zone de cultures intensives constituée de prés de fauche artificiels et de champs de maïs, défavorables au développement des papillons (Damphreux, JU).

Photos: Emmanuel Wermeille et Christian Monnerat

D’autres espèces d’intérêt peuvent localement être observées et se reproduire dans les jachères, notamment dans les jachères sur sol filtrant des régions les plus chaudes du Plateau (à Genève en particulier). Les recommandations suivantes pourraient avanta-geusement compléter les conditions liées à ce type de SCE, resp. SPB, (voir AGRIDEA 2011a, 2011b) et améliorer leur intérêt pour les Papillons de jour et les Zygènes:

> Des semis mieux adaptés permettraient la reproduction d’un nombre plus élevé

d’espèces de papillons dans les milieux réensemencés: baisse de la proportion de plantes hautes, comme Dipsacus fullonum, et, pour les sols qui s’y prêtent, augmen-tation de la proportion de légumineuses et de plantes nectarifères dans les mélanges.

> Prolonger la durée de vie des jachères dont la végétation est favorable aux papillons,

pas trop riche en graminées et dénuées de plantes envahissantes: une prolongation au-delà des 6 ans prescrits peut être autorisée par les services cantonaux concernés.

2.6.4 Parcs, espaces verts et jardins

Les espaces verts du domaine public comportent des habitats favorables aux papillons de jour dont le rôle est crucial pour le maintien d’une certaine biodiversité dans un environnement urbain ou semi-urbain plutôt hostile. Un entretien extensif et ciblé doit être réalisé, en reprenant les recommandations émises dans les chapitres consacrés aux différents types de milieux concernés (surfaces de prairies maigres, pelouses embuis-sonnées, talus, haies, lisières forestières).

Les zones résidentielles sont malheureusement souvent des «déserts verts»: les gazons, les talus couverts de cotonéasters ou les haies monospécifiques (de thuyas notamment) ne présentent aucun intérêt pour la flore et la faune de nos régions. La plantation de buissons indigènes, l’aménagement de petites surfaces de prairies naturelles, le main-tien d’une partie de la flore adventice dans les jardins potagers et la diminution drasti-que de l’emploi de pesticides pour leur entretien sont autant d’actions qui favorisent la biodiversité. La généralisation de ces pratiques et une meilleure information des pro-priétaires et des paysagistes permettraient assurément d’améliorer les conditions de vie des papillons comme celles d’autres groupes ou espèces emblématiques (flore, abeilles sauvages, lézards, oiseaux, micromammifères, …). L’effet de ces mesures serait encore renforcé par le développement et la commercialisation de semis de plantes indigènes d’origine locale, capables de stabiliser les pentes et offrant ainsi une réelle alternative aux pratiques habituelles de couverture des talus et remblais.

Fig. 12 > Jardins et espace libre urbain Chacun peut contribuer au maintien de la biodiversité avec des aménagements simples et des semis favorables, comme dans le cas de ce talus de fleurs sauvages (Le Noirmont, JU).

La couverture dense de cotonéasters et l’utilisation systématique d’arbustes ornemen-taux exotiques (Thuyas, Laurier-cerise p. ex.) empêchent le développement de tout papillon indigène (Les Hauts-Geneveys, NE).

Photos: Geneviève Méry et Emmanuel Wermeille

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