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Influences possibles des changements climatiques

Dans le document > Liste rouge Papillons diurnes et Zygènes (Page 73-76)

Si, d’après une publication récente (Settele et al. 2008), une bonne partie des espèces de la faune européenne des Papillons diurnes est susceptible d’être affectée par les changements climatiques, il n’est pas possible de transposer ces résultats sans autre à l’échelle de la faune suisse et donc d’en déduire les effets potentiels avec précision.

Il est prouvé qu’une augmentation de la température peut accélèrer le cycle de déve-loppement des insectes et augmenter le nombre de leurs générations annuelles, pour peu qu’elle reste dans leurs limites de tolérance (Dajoz 1975). Le réchauffement clima-tique devrait donc théoriquement profiter aux espèces thermophiles, dont la limite de tolérance est élevée, et aux espèces eurythermes (particulièrement tolérantes). Certains faits corroborent cette théorie:

> Aux cours des deux dernières décennies, on a pu observer (certaines années du

moins) un avancement allant jusqu’à 2 à 3 semaines dans la phénologie de plusieurs espèces de Papillons diurnes (Anthocharis cardamines, Lycaena phlaeas par exem-ple), ainsi qu’une fréquence plus élevée de deuxième ou de troisième générations (Erynnis tages notamment). Ces observations, tirées de la banque de données du CSCF, corroborent les résultats d’Altermatt (2010).

> Certaines espèces, historiquement rares et localisées (Brenthis daphne, Cupido alcetas, C. argiades, Pieris mannii) ont fortement étendu leur aire de distribution suisse au cours des 15 dernières années, sur le Plateau et dans le Jura notamment.

D’autres (Aricia agestis, Brintesia circe, Libythea celtis, Lycaena dispar, Plebeius argus, Pontia edusa, Pyrgus armoricanus, Pyronia tithonus) montrent également certains signes d’expansion, sans que cela ne se traduise toutefois par une extension aussi spectaculaire de leur aire de distribution nationale. De telles expansions peu-vent s’expliquer par la colonisation de nouveaux types de milieux ou par celle de milieux favorables de plus haute altitude, associées ou non à un changement de plan-tes hôplan-tes.

> Des dérives altitudinales imputables au réchauffement climatique ont été

documen-tées, notamment au Parc national suisse (Pasche et al. 2007) pour trois espèces de Papillons diurnes (Spialia sertorius, Thymelicus lineola et Erebia alberganus). Entre 1998 et 2004, plusieurs individus de ces espèces ont en effet été observés dans des milieux situés 300 à 500 m plus haut que l’altitude la plus élevée signalée pour cha-cune d’elle dans la région entre 1920 et 1940 (Pictet 1942).

> L’augmentation de la température peut favoriser une adaptation, parfois très rapide

(moins de dix ans selon Singer et al. 1993), à de nouvelles plantes hôtes telles celles récemment documentées pour Pieris mannii (Ziegler 2009) et pour Aricia agestis (Pateman et al. 2012).

Dans ce contexte, il est probable que des espèces méditerranéennes, qui atteignent au sud de la Suisse la limite septentrionale de leur aire de distribution (Gonepteryx cleopa-tra, Polygonia egea p. ex.) ou ne sont encore que des migrateurs très irréguliers (Ar-gynnis pandora p. ex.), deviennent plus fréquentes à l’avenir. Une telle tendance est d’ailleurs déjà visible pour Lampides boeticus, dont les observations et les indices de reproduction sont plus fréquents depuis 2003.

Si les lignes qui précèdent soulignent qu’un nombre non négligeable d’espèces de Papillons diurnes pourraient à l’avenir profiter du réchauffement climatique, d’autres pourraient par contre en souffrir, notamment les espèces hygrophiles et cryophiles dont la limite supérieure de tolérance aux variations de température est basse:

> Les espèces de basse et moyenne altitude, peu mobiles, extrêmement spécialisées

(de haut et de bas-marais notamment) et isolées sur de petites surfaces pourraient en effet voir leurs conditions de vie se détériorer: assèchement de leur habitat suite à la multiplication des sécheresses estivales, modification concomittante de la nature et de la structure de la végétation en place, éventuelle disparition de leurs plantes hô-tes. Les espèces suivantes sont tout particulièrement concernées: Boloria aquilona-ris, Coenonympha glycerion, C. oedippus, C. tullia, Maculinea alcon, M. nausi-thous, M. teleius et Zygaena trifolii.

> Certaines espèces, de Zygènes notamment, ont un cycle de vie complexe caractérisé

par un développement larvaire pluriannuel entrecoupé de phases de diapause déclen-chées par les fluctuations saisonnières de la température et de la photopériode. Si les effets du réchauffement climatique sur le cycle de vie de ces espèces sont mal connus, son ampleur et sa rapidité pourraient gravement le perturber (hivernage à un stade larvaire inadapté, éclosion asynchrone des imagos p. ex.) et diminuer ainsi leurs chances de survie.

> Il est également envisageable que les espèces qui actuellement vivent essentielle-ment ou exclusiveessentielle-ment à haute altitude se voient à terme reléguées dans des habitats sous-optimaux et de surface de plus en plus faible par la montée en altitude d’espèces de moyenne montagne à fort pouvoir concurrentiel ou, pour les espèces cryophiles, à cause de leur faible capacité d’adaptation à l’augmentation des tempé-ratures. Les travaux réalisés au Parc national suisse (Pasche et al. 2007) tendent à confirmer cette dernière hypothèse pour une espèce au moins, Pontia callidice.

Considérée comme abondante et largement distribuée dans la région entre 1920 et 1940 (Pictet 1942), elle semble aujourd’hui confinée à ses secteurs les plus froids.

D’autres espèces alpines, telles Erebia flavofasciata, E. gorge, E. nivalis, E. pluto, Euphydryas cynthia, Melitaea asteria et M. varia, pourraient à terme également souffrir d’un réchauffement climatique.

Enfin, il a été démontré (Riedo et al. 2001 in Vittoz et al. 2011) que l’augmentation des températures et des concentrations de l’air en CO2 engendrent une augmentation de la productivité des herbages et donc une possible intensification de leur exploitation (augmentation du nombre de coupes annuelles p. ex.). Avec le réchauffement climati-que, il est à craindre qu’une telle évolution touche l’ensemble des régions de montagne et se traduise, comme cela fut le cas en plaine au cours des dernières décennies, par une raréfaction de la plupart des espèces qu’elles abritent encore.

> Annexes

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