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Quand le milieu d’origine de l’élève entre dans la classe

A. Introduction

A.3 CADRE THEORIQUE

A.3.4 Quand le milieu d’origine de l’élève entre dans la classe

Une approche cognitive pour expliquer les origines des problèmes

D’après une approche cognitive (Weiner, 1979, 1986 ; Heider, 1944 ; Kelly, 1967 ; in Parent &

Cloutier, 2009), « le comportement dépend beaucoup de la façon dont on interprète les événements passés [..,] » (Parent & Cloutier, 2009, p. 270). Les théories de l’attribution et, plus particulièrement celles de l’attribution causale, dépendent de l’approche cognitive. Heider (1958 ; in Cazals-Ferré & Rossi, 1998) part du postulat que « l’homme a besoin de comprendre ce qu’il se passe autour de lui, afin de se donner l’impression qu’il maîtrise au moins une partie de son environnement et donc qu’il peut anticiper les événements à venir » (Cazals-Ferré &

Rossi, 1998, p. 58). L’attribution permet de percevoir le réel comme quelque chose de statique et de cohérent. La façon dont on conçoit le monde qui nous entoure va donc être modifiée selon la cause que nous attribuons à une situation.

Sara Zonno 30 Il s’agit d’une approche basée sur une épistémologie analytique qui rend compte d’une logique linéaire. Celle-ci se centre sur les individus, les contenus, le passé et ce qu’il se passe ailleurs et le pourquoi de cette situation :

Cause Effet

Askevis-Leherpeux, Baruch & Cartron (2006) donnent des informations complémentaires quant à la définition de l’attribution causale. Selon ces auteurs, les êtres humains cherchent systématiquement à trouver des explications aux situations qu’ils vivent quotidiennement. Le fait d’attribuer une cause à un effet implique qu’une hypothèse est établie pour définir l’origine de la cause. Celle-ci peut être soit interne (facteurs personnels) soit externe (lié au contexte, à l’environnement). Certains auteurs s’accordent pour affirmer que souvent les causes évoquées ne sont pas toujours rationnelles. Parfois, les personnes attribuent des causes à des effets sans réellement comprendre le problème auquel elles peuvent être confrontées. Attribuer une cause répond à la nécessité de donner du sens au monde qui nous entoure de manière à pouvoir le contrôler.

De ce fait, les comportements s’adaptent et les situations deviennent prévisibles. Askevis-Leherpeux, Baruch & Cartron (2006) expliquent par ailleurs que :

« La satisfaction de ce besoin de contrôle, qui conduit généralement à privilégier la causalité interne au détriment de la causalité externe, constitue un facteur de confort et de santé psychologique et physique. Etre confronté à des situations que l’on ne peut pas maîtriser conduit à un état de résignation acquise pouvant mener à un état dépressif. En revanche, se rendre responsable d’événements traumatiques, tels qu’une maladie ou un accident de la route, permet de penser que l’on peut éviter qu’ils ne se reproduisent et peut aider à se remettre plus vite de leurs conséquences » (p. 76)

Les attributions causales dans l’école

De Queiroz (2006) évoque les interactions communicationnelles pour expliciter le fait que les attentes sociales des enseignants ont un rôle important dans la réussite scolaire de leurs élèves.

Ceux-ci se retrouvent le plus souvent en position d’échec et de souffrance scolaire.

Sara Zonno 31 Leurs enseignants évoquent à leurs égards, parfois sans le vouloir, des attributions à connotation négative. Celles-ci renforcent le sentiment d’impuissance et de rejet face à l’école de la part de l’élève. Le maître se retrouve alors de plus en plus confronté à un « élève difficile » et il n’a souvent plus les ressources pour trouver une solution.

« Les élèves développent des stratégies propres mais celles-ci peuvent être renforcées en miroir par les attentes du maître : un élève simplement turbulent peut adopter une attitude d’obstruction systématique et devenir un « déviant » scolaire si son agitation est identifié à la manifestation normale de ce qu’on attend de lui ; ou encore : un comportement agressif manifestant une demande d’attention et de reconnaissance, se transforme en attitude oppositionnelle systématique lorsqu’elle est mal interprétée » (De Queiroz, 2006, pp. 58-59)

En suivant une logique linéaire, l’enseignant va attribuer la cause des difficultés de l’élève à des facteurs externes. Il s’agit d’une logique sous-jacente qui implique que le problème se nourrit lui-même. Par exemple, lorsqu’un enfant n’est pas intéressé par ce qui est travaillé en classe et il ne pense qu’à s’amuser, l’enseignant peut être amené à penser de la sorte : « Avec les parents qu’il a, il ne pourra pas aller bien loin ! ».

Il semble légitime de se demander si c’est bien la seule solution qui reste à l’enseignant pour résoudre les situations problématiques. En effet, comme le soutient Aubert-Gea (2007), « c’est bien le professeur le responsable du climat de la classe et se réfugier derrière de fausses raisons rejetant la responsabilité sur les élèves ou les parents, ne sert qu’à établir des blocages difficiles à dénouer » (pp. 16-17).

Représentations encrées dans la culture commune

Curonici, Joliat et McCulloch (2006) expliquent que les représentations des enseignants quant aux difficultés de comportement de leurs élèves, sont souvent élaborées en termes de problématique liée à la famille de l’enfant. Les comportements difficiles sont effectivement observés en classe mais leurs origines sont identifiées à l’extérieur du système scolaire. Il s’agit d’une construction de la réalité parmi beaucoup d’autres. Ces discours ont été fortement influencés par les épistémologies psychologiques présentes dans la culture co mmune de ces dernières décennies.

Sara Zonno 32 Par conséquent, ce mode de pensée est largement partagé par bon nombre d’enseignants et d’intervenants externes (psychologues, éducateurs, etc.).

Les auteures, pour définir plus précisément cette épistémologie analytique, expliquent que :

« Ces approches théoriques nous placent dans une vision causale linéaire des difficultés scolaires, dans la mesure où les symptômes qui se manifestent à l’école trouvent une explication dans des éléments liés à des caractéristiques développementales, neurologiques, psychopathologiques ou sociales propres à l’individu et extérieures au contexte scolaire » (p.

59)

Il convient de se demander si d’autres systèmes de pensée ne pourraient pas aider les enseignants à changer de regard sur les événements qui leur posent des problèmes. Plusieurs auteurs s’accordent pour affirmer que les représentations restreintes à une épistémologie plutôt linéaire conduisent progressivement les enseignants à baisser les bras face aux difficultés de gestion de leur classe. Estrela (1994) indique à ce propos que « l'imputation des problèmes de discipline sont représentés par des facteurs causals inhérents à l'élève et à la société. Ils sont généralement acceptés par les professeurs qui de la sorte se déresponsabilisent » (p. 87).

Elle va même plus loin en proposant une nouvelle piste d’action de résolution des problèmes de comportement : « l'imputation des écarts disciplinaires à l'école, institution concrète et aux professeurs constitue une perspective nouvelle qu'ils devraient assumer et qui a des implications considérables dans le domaine de leur formation » (1992, p. 87).

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