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PARTIE III : DRAINAGE HYPERLENT ET ARGILITE

3. Argilite et modèle de réseau de pores

3.1 Microstructures de l’argilite : quelques données disponibles

Les données ainsi que les illustrations présentées dans cette section nous ont été fournies, sauf mention contraire, par J.C. Robinet, Ingénieur Andra et auteur d’une thèse sur cette roche argileuse, Robinet (2008). Il est à noter que nous considérons uniquement l’argilite supposée « saine ». Ainsi on ne s’intéresse pas à l’existence de possibles fissures. De telles fissures sont fréquemment observées dans les expériences de laboratoire avec l’argilite, voir par exemple M’Jahad (2012). Par simplicité, on supposera que ces fissures résultent de la manipulation des échantillons et ne sont pas présentes dans l’argilite in situ.

3.1.1 Minéralogie

Comme cela est illustré sur la Figure 16, l’argilite est une roche argileuse composée de minéraux argileux (illite, mica, I/S, kaolinite, chlorite), de tectosilicates (quartz et feldspaths), de carbonates (calcite, dolomite) et de minéraux lourds (pyrite). La composition varie en fonction de l’horizon considéré dans la couche du callovo-oxfordien.

Figure 16. Distribution des minéraux au sein de l’argile, Robinet et al. (2012).

Plusieurs niveaux d’organisation sont considérés au sein de la matrice argileuse : les feuillets, la particule argileuse, le niveau des amas de particules argileuses avec des inclusions de matériaux non-argileux.

Du point de vue des transferts de gaz, les particules argileuses peuvent être sans doute vues comme des particules élémentaires, étant données que l’eau fixée au sein de ces particules à une probabilité nulle d’être déplacée par le gaz au cours d’une situation de drainage. Une particule argileuse est en effet constituée d’un ensemble de quelques feuillets, de l’ordre de la dizaine, dont l’épaisseur d’un feuillet comme la distance entre deux feuillets sont de l’ordre du nanomètre. L’eau est donc fortement adsorbée dans l’espace interfoliaire. On peut noter un facteur d’anisotropie d’environ 5 entre la longueur d’une particule argileuse et son épaisseur.

Figure 17. Exemple de particule argileuse, Rajec et al. (1999)

La Figure 18 propose un schéma conceptuel de l’organisation de la matrice argileuse à l’échelle d’un ensemble de particules argileuses. Noter en particulier la présence d’un espace poral entre les particules argileuses. Les pores y sont de l’ordre de la taille des particules argileuses et donc d’un à deux ordres de grandeurs plus grands que les pores au sein des particules argileuses. C’est donc a priori dans l’espace poral interparticulaire que doit circuler le gaz.

Figure 18. Schéma conceptuel de l’organisation de l’argilite à l’échelle d’un amas de particules argileuses.

On peut noter enfin l’existence possible de macropores (non montrés sur la Figure 18) au contact matrice argileuse - grains des minéraux non-argileux. Etant donné la valeur de la

pression de percée (voir plus loin), on peut penser que ces macropores sont isolés les uns des autres par la matrice argileuse.

3.1.2 Porosité

Les carbonates et les quartz sont considérés comme non-poreux. Toute la porosité est dans la matrice argileuse. La porosité de la matrice argileuse est de l’ordre de 35 - 40 %, ce qui compte tenu de la présence des matériaux non-poreux conduit à une porosité de l’argilite de l’ordre de 18-20% (en supposant donc 50 % de minéraux non argileux).

Plusieurs méthodes classiques ont été utilisées pour caractériser la distribution porométrique de l’argilite. Ces méthodes sont discutées par exemple dans Boulin (2008) et M’Jahad (2012) ou encore dans Daïan (2012), notamment en ce qui concerne la porosimétrie au mercure. Elles ne seront pas discutées à nouveau ici. Une compilation de résultats est montrée sur la Figure 19

a) b)

Figure 19. a) Distribution des tailles de pores au sein de l’argilite suivant différentes méthodes, b) distribution modèle (« synthèse » des courbes de la figure de gauche).

On peut noter un pic au alentour de 15 nm et un « décollage » de la courbe modèle pour une taille submicronique. Ces données, interprétées sous l’hypothèse de pores sphériques (sic), conduisent aux résultats de la Figure 20, indiquant une majorité de pores nanométriques.

L

Figure 20. Distribution cumulée en nombre de pores (à partir de la Figure 19b sous l’hypothèse de pores sphériques (très discutable eu égard au modèle conceptuel de la Figure 18).

Plus intéressante pour le problème du gaz est la courbe d’intrusion au mercure montrée en volume cumulé sur la Figure 21.

Figure 21. Courbe d’intrusion au mercure dans un échantillon d’argilite.

Cette courbe indique que la majorité des pores envahis lors de l’intrusion au mercure est dans la gamme [3nn – 100nm]. On peut noter que la courbe « décolle » pour un diamètre de pore d’environ 30 nm. Si on interprète le « décollage » de la courbe comme représentatif de la percée, cf Daïan (2012), on a donc ici une première estimation du diamètre seuil de constriction marquant la percée dseuil≈ 30 nm.

D’après la Figure 21, ce diamètre correspond environ à 10% du volume poral (plus exactement 10 % du volume total injecté, qui est en réalité inférieur au volume poral en raison des pores trop fin pour être accessible au mercure). Comme indiqué précédemment la porosité de la matrice argileuse étant de l’ordre de 35 - 40 % et si on suppose que cette matrice n’occupe que 50 % du volume de l’échantillon, ceci correspond à un envahissement de l’ordre de 1.5 – 2% du volume de l’échantillon d’argilite par le mercure. En revanche en termes de saturation, cela correspond à une saturation de 10 %, ce qui parait (voir plus loin) trop élevée (on s’attend à ce que la saturation à la percée soit plus faible même en tenant compte du fait que dans le cas du mercure l’invasion se fait par toutes les faces de l’échantillon (comme montré dans le chapitre précédent à travers les simulations du séchage avec deux faces ouvertes ou six faces ouvertes, la saturation à la percée est d’autant plus grande que le nombre de faces d’entrée est grand).

3.1.3 Pression de percée

Une compilation de données expérimentales concernant la pression (capillaire) de percée de l’argilite est présentée sur la Figure 22. Pour l’argilite saine, la valeur considérée la plus probable à ce jour (points entourés en rouge sur la figure) est de 6 MPa. L’application de la loi de Laplace d Pc

θ

γ

cos 4

= avec une hypothèse de pore cylindrique et un angle de contact nul

conduit pour cette valeur de la pression de percée à dseuil≈ 50 nm (γ≈ 72 10-3 N/m). D’après

Figure 22. Pression de percée de l’argilite déterminée expérimentalement, Talandier (2013). Les valeurs entourées en rouge correspondent à l’argilite « saine ». Les autres valeurs correspondent à des échantillons fracturés ou endommagés.

Il est intéressant de noter que l’application du modèle XDQ (voir plus loin), qui est un modèle de réseau de pores multiéchelles qui se paramètrisent à partir de le courbe d’intrusion au mercure , conduit également à une estimation de la pression (capillaire) de percée de l’ordre de 6 MPA Boulin (2008).