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Microscopie et spectroscopie par effet tunnel

en 1982 [Binnig, 1982]. Le microscope à effet tunnel (STM pour Scannning Tun-neling Microscope), de par sa grande sensibilité latérale (de l’ordre du centième de nanomètre) et verticale (de l’ordre du picomètre) permet de caractériser des structure jusqu’à l’échelle atomique, ce qui en fait un outil essentiel dans l’étude des nanostructures sur surfaces. C’est de plus une technique extrêmement versa-tile qui permet de réaliser des études comme des caractérisations magnétiques, des suivis de réactions chimiques à l’échelle atomique ou des manipulations d’atomes.

2.2.1 Principe du STM

Grâce aux progrès des matériaux piézoélectriques, il a été possible de faire balayer de manière contrôlée une pointe au dessus d’une surface à une distance (de l’ordre de l’angström) permettant aux électrons de franchir la barrière de potentiel

par effet tunnel. En l’absence de différence de potentiel, les électrons tunnellent de façon égale de la pointe vers la surface et vice-versa et le courant tunnel résultant est nul (voir fig. 2.2.b). Le principe du STM consiste à appliquer une différence

Figure 2.2 – Diagrammes d’énergie de la pointe et de l’échantillon : (a) Lorsque la

dis-tance les séparant est grande par rapport à l’extension des fonctions d’onde, on n’observe pas d’effet tunnel. (b) Lorsque la distance est petite, sans tension de polarisation : les niveaux de Fermi s’égalisent par effet tunnel. (c) En appliquant une tension positive sur la pointe : les électrons tunnellent majoritairement de l’échantillon vers la pointe.

de potentiel V entre la surface et la pointe (voir fig. 2.2.c) de manière à créer un courant tunnel entre la pointe métallique et la surface (ce qui implique que cette dernière soit conductrice ou semi-conductrice). Celui-ci peut être exprimé en première approximation par :

Itunnel ∝ V e−d

φéch (2.1)

avec φéch le travail de sortie de l’échantillon en eV et d la distance pointe-surface en angströms. Pour une tension d’un volt et un travail de sortie de quelques électron-volts, il faut approcher la pointe à environ 5 angströms de la surface pour détecter un courant tunnel de l’ordre du nano-ampère. La très bonne résolution du mi-croscope à effet tunnel résulte de la variation exponentielle du courant tunnel en fonction de la distance pointe-surface. Si φéch vaut quelques eV, une variation de d de 0,1 nm implique une variation d’un facteur 10 sur le courant tunnel. On atteint ainsi une résolution verticale d’environ 1 pm dans le cas idéal où l’appareil est parfaitement isolé des vibrations extérieures. Si l’on considère que l’extrémité de la pointe est constituée par un seul atome, la variation exponentielle du courant permet de considérer que la quasi-totalité du courant passe par cet atome, on peut ainsi atteindre une résolution latérale de 50 pm.

2.2.2 Applications

Le mode d’utilisation le plus courant du STM permet d’étudier la structure des surfaces à l’échelle atomique, on le qualifie de mode topographique. On pourrait penser qu’il suffit de balayer la pointe parallèlement à la surface à une distance d définie et d’enregistrer les variations de courant tunnel afin de reconstruire la surface. Malheureusement, à cette échelle, il est difficile d’orienter le plan dans lequel balaie la pointe, et celui-ci risque de ne pas être parallèle à la surface. De même toute surélévation de la surface (comme des marches atomiques, des nano-structures, des impuretés,. . . ) risquerait de provoquer le crash de la pointe. À ce mode de fonctionnement « à hauteur constante », qui peut être utilisé dans des cas bien précis, on préfère le mode « courant constant » pour l’imagerie topographique. Dans ce dernier, une boucle de rétroaction s’assure de conserver toujours la même distance entre la pointe et la surface en maintenant le courant constant. L’infor-mation sur la topographie est obtenue en enregistrant la tension Vz qui contrôle l’allongement du tube piézoélectrique en z en fonction des tensions Vx et Vy qui contrôlent le balayage (voir fig.2.3), on peut ainsi obtenir des images de résolution atomique comme sur la figure 2.4.a.

Figure 2.3 – Schéma montrant le principe de fonctionnement du STM en mode « courant

constant ».

Dans une description plus fine du courant tunnel [Tersoff, 1985], il faut consi-dérer la structure électronique de la pointe et de la surface, on utilise pour cela la densité d’états électroniques locale de la surface ρs(E, r0) ainsi que la densité d’états de la pointe ρp(E). Le courant tunnel à température nulle, pour une tension

V appliquée à la pointe, est alors donné par : I(V, r0) ∝Z EF+eV

EF

ρs(E, rop(E − eV ) dE (2.2) où EF est l’énergie de Fermi de la surface. Cette expression illustre la possibilité offerte par le STM de sonder localement la densité électronique en fonction de l’énergie. La mesure de ∂I

∂V en fonction de V est ainsi proportionnelle à la densité d’états locale de la surface ρs(EF+eV, r0) en fonction de l’énergie eV . Cette appli-cation de spectroscopie électronique locale est illustrée sur la figure2.4.b. Le STM permet également de manipuler des atomes ou molécules sur une surface. On peut ainsi créer des structures assemblées atome par atome (voir fig.2.4.c). D’autres ap-plications de spectroscopie ont été réalisées. Ainsi, l’utilisation de pointes ferro ou anti-ferromagnétiques permet d’observer un contraste magnétique grâce à un effet tunnel polarisé en spin (voir fig. 2.4.d). On peut également citer la possibilité de faire de la spectroscopie vibrationnelle locale en utilisant l’effet tunnel inélastique qui permet de suivre à l’échelle atomique des réactions chimiques (voir fig. 2.4.e).

Figure 2.4 – (a) Image STM de résolution atomique de la surface Au(111). (b) Spectre

de conductance tunnel en fonction de la tension de polarisation entre une pointe su-praconductrice en MgB2 et un échantillon de 2H-NbSe2 pour différentes températures (figure extraite de [Giubileo, 2001]). (c) Cercle d’atomes de fer obtenu par manipulation des atomes sur une surface Cu(111). On visualise les ondes de densités électroniques à l’intérieur du cercle [Crommie, 1993]. (d) Images topographique et magnétique de fils de Fe sur W(110). Sur l’image magnétique (à droite) le contraste correspond à la direction de l’aimantation [Bode, 2002]. (e) Images 6, 3 × 6,3 nm2 du suivi de la formation de la liaison Fe – CO par STM inélastique à 13K sur Ag(110) [Lee, 1999].

Nous avons utilisé au cours de ce travail de thèse deux types de STM com-mercialisés par Omicron. Le premier situé sur le bâti avec le MOKE est un VT-STM (pour Variable Temperature-VT-STM) qui permet de réaliser des mesures sur un

échantillon dont la température peut aller de 50 à 900 K (la pointe restant toujours à température ambiante). Son positionnement dans l’enceinte UHV permet de réa-liser des dépôts in-situ, avec l’échantillon installé dans le STM, ce qui constitue un atout majeur pour étudier la morphologie de croissance des nanostructures à leur température de dépôt sans avoir à réchauffer ou refroidir l’échantillon. De plus, ceci offre une grande souplesse dans l’étude des échantillons en limitant le nombre de transferts d’échantillons. Le deuxième microscope que nous avons utilisé est un LT-STM (pour Low Temperature-STM) permet de refroidir l’échantillon ainsi que la pointe jusqu’à une température de 4,7 K. Cette température est atteinte grâce à un cryostat à hélium liquide qui est lui même isolé thermiquement par un écran à azote liquide. Cette température permet d’imager dans des conditions meilleures qu’à température ambiante, avec notamment une dérive très faible qui permet de réaliser des images de résolution atomique non déformée. Nous avons également utilisé ce microscope pour étudier la spectroscopie électronique locale de nanostructures (Co,Pt), résultats discutés dans le chapitre 3.5.

2.3 Dichroïsme circulaire magnétique des rayons