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La microscopie à émission électronique par effet de champ

Dans le document A mes parents (Page 72-77)

Chapitre IV : Techniques Expérimentales

1. Microscopies à effet de champ

1.1 La microscopie à émission électronique par effet de champ

1.1.1 Principe de base

Peu après la découverte de l’émission d’électrons à partir d’un métal sous l’effet d’un champ électrique élevé (quelques V/nm) par Fowler et Nordheim, en 1928[184], Erwin W. Müller dévelop-pa le premier microscope à émission électronique dévelop-par effet de champ en 1936[185]. Pour atteindre de telles valeurs de champ électrique, Müller conditionna ses échantillons métalliques sous la forme de pointes très fines (rayon de courbure de quelques centaines de nanomètres). La théorie de l’électrostatique enseigne en effet que le champ électrique F présent autour d’une sphère de rayon R soumise à un potentiel V est donné par l’équation :

59 | P a g e

𝐹= 𝑉𝑅

Le cas d’une pointe, de rayon de courbure Rc, peut être modélisé par une sphère disposée au sommet d’un cône. L’équation accueille alors un facteur correctif adimensionnel kf tenant compte de cette géométrie, mais également de la distance pointe-écran et de la forme plane de ce dernier 17:

𝐹 =𝑘 𝑉

.𝑅

La technique FEM permet donc la mise en image de pointes métalliques polarisées négati-vement et placées face à un écran fluorescent relié à la masse (ΔV de quelques kV). Le champ élec-trique important développé sur l’apex, par effet de pointe, induit l’émission d’électrons en prove-nance de la surface. Ces électrons sont ensuite accélérés par la différence de potentiel pointe-écran, pour venir percuter ce dernier et y construire une image agrandie, en réseau réel, de l’échantillon.

Le dispositif expérimental associé à cette technique est relativement simple (Figure 24). Il nécessite l’utilisation d’un système de refroidissement de l’échantillon, destiné, entre autres, à l’optimalisation de la résolution des images, ainsi que d’un dispositif de pompage permettant le travail dans des conditions d’Ultra-Haut-Vide (UHV pou Ultra High Vacuum). L’UHV est en effet nécessaire à l’obtention de micrographies suffisamment résolues (une pression trop élevée perturbe-rait les trajectoires électroniques). De nos jours, une plaque multiplicatrice (ou multi-channel plate) est généralement placée en amont de l’écran afin de renforcer le signal.

17 Le facteur kf vaut environ 10 pour notre microscope. La création d’un champ électrique de 3 V/nm sur une pointe de 100nm de rayon de courbure requiert donc l’application d’une tension électrique négative de 3kV.

Figure 24 : Représentation schématique du principe de fonctionnement d’un microscope à effet de champ électrique (l’échantillon étant polarisé positivement en FIM (émission d’ions) et négativement en FEM (émission d’électrons)).

1.1.2 Aspects théoriques

La distinction des différentes faces cristallines exposées par l’extrémité de la pointe est ren-due possible par l’anisotropie du travail de sortie φ de la surface. Le courant électronique dépend directement de φ par le biais de l’équation suivante, appelée équation élémentaire de Fowler-Nordheim :

𝐼= 𝐴.𝑎.𝐹²

𝜙.𝑒𝑥𝑝(

−𝑏𝜙

�/�

𝐹 )

où I est l’intensité du courant d’émission, A est l’aire d’émission, F est le champ électrique, a et b étant des constantes[186].

Les faces cristallines « rugueuses » ou « ouvertes », comme les {210} ou les {311}, possèdent un φ plus faible que les faces « denses » (comme les {111} ou {100} par exemple) et apparaîtront donc plus brillantes sur les images. Il est ainsi possible, comme nous le verrons dans la section consacrée à l’interprétation des images, d’indexer les différentes faces cristallines observées par leurs

61 | P a g e indices de Miller en se basant sur les ordres symétries identifiés et les différences de brillance. Les micrographies FEM constituent donc une sorte de cartographie du travail de sortie de la surface.

L’agrandissement obtenu peut être calculé en faisant l’approximation d’assimiler la pointe à une sphère de rayon Rc placée au centre d’une sphère plus grande, de rayon R, représentant l’écran. L’image agrandie de la petite sphère est obtenue par projection radiale sur la grande, l’agrandissement γ étant égal au rapport des deux rayons, R/Rc. Une correction est cependant néces-saire, tenant compte de la géométrie plane de l’écran et de la forme conique de la pointe (la projec-tion réelle n’étant pas exactement radiale). L’agrandissement est ainsi réduit d’un facteur de com-pression d’image β selon l’équation :

𝛾 = 𝛽.𝐷𝑅

où D représente la distance pointe-écran (de l’ordre de quelques centimètres) et β=1,5 pour notre système[187]. Il est important de remarquer ici que γ ne dépend que de facteurs géométriques. L’agrandissement est donc indépendant du signe et de la valeur de la tension électrique appliquée, ainsi que de la composition de la phase gazeuse présente dans le microscope. Ceci rend donc possi-ble la comparaison directe entre les micrographies obtenues par FEM et FIM sous différentes conditions réactionnelles.

La résolution obtenue en FEM est de l’ordre de 2nm. L’effet majeur agissant sur celle-ci consiste en la composante transverse de la vitesse de l’électron émis, induisant une dispersion du faisceau électronique[188]. Il est important de souligner ici que cette résolution ne dépend pas de l’amplitude du champ électrique F. En effet, une valeur élevée de F aura tendance à augmenter la dispersion du faisceau mais réduira également le temps de vol de l’électron, les deux effets se com-pensant.

1.1.3 Mise en image d’adsorbat

La courbe suivante est obtenue en injectant des paramètres expérimentaux typiques dans l’équation élémentaire de Fowler-Nordheim (F=5 V/nm)[189].

Figure 25 : Courbe issue de l’injection de paramètres expérimentaux typiques dans l’équation élémentaire de Fowler-Nordheim[189].

On constate donc que le courant électronique (atteignant typiquement quelques centaines à quelques milliers de nA en FEM) est sensiblement relié à la valeur du travail de sortie φ de la surfa-ce ainsi qu’à ses éventuelles variations. Ce dernier dépend, d’une part et comme nous l’avons vu, de la face cristalline étudiée, mais également de la composition chimique de la surface. L’adsorption de molécules ou atomes en provenance de la phase gazeuse induit en effet des variations de ce travail de sortie qui, si elles sont mesurées, peuvent fournir des informations précieuses sur la composition superficielle (nature de l’adsorbat, taux de recouvrement, sites d’adsorption privilégiés).

La technique FEM rend possible la mesure de ce courant électronique, soit de manière to-tale (en mesurant le courant issu de l’entièreté de la pointe), soit de manière locale en sélectionnant une zone d’intérêt sur l’échantillon, par voie physique (perçage d’un orifice dans l’anode) ou numé-rique (analyse logicielle de la brillance des images, directement proportionnelle au courant, sur une région choisie de la surface). Deux méthodes d’analyse sont alors réalisables. La première est d’étudier la variation de φ en fonction du temps au cours d’une réaction d’intérêt (ex : oxydation ou carburation d’une surface). Cette méthode est cependant délicate car elle nécessite que la morpho-logie de l’échantillon reste inchangée au cours de l’expérience. Une variation de celle-ci peut en effet entrainer des changements du champ électrique local, ainsi que des changements de l’aire d’émission (terme A de l’équation de Fowler-Nordheim) dont les effets sur le courant électronique sont indissociables de ceux reliés au variations de φ. La seconde méthode est d’établir des courbes

63 | P a g e de Fowler-Nordheim (FN plots) en enregistrant le courant électronique à différentes tensions élec-triques V et en maintenant l’état chimique de la surface constant (autrement dit, à basse températu-re et sous conditions d’UHV). En établissant de telles courbes pour diffétempératu-rents états chimiques, il est possible, par un calcul qui sera plus amplement décrit dans la section 3.2 du chapitre V, de mesurer le rapport entre les travaux de sortie associés à ces différents états (par exemple, entre une surface exposée à un gaz et une n’ayant pas été traitée) et d’obtenir des informations sur leur composition chimique. Il est important d’insister sur le fait que la technique FEM permet un accès facile à l’étude des variations de φ mais qu’une mesure précise et absolue de sa valeur est beaucoup plus délicate. Cette dernière requière l’utilisation d’équations plus raffinées ainsi que des mesures très précises du courant électronique, non accessibles dans nos conditions de travail.

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