• Aucun résultat trouvé

Partie I : Introduction générale

I. 2.4.2.3 Microscopie électronique

La microscopie électronique est une technique d’imagerie qui permet d’obtenir des informations sur des complexes macromoléculaires à basse résolution. Au départ, on n’obtient qu’une image bidimensionnelle de l’assemblage posé sur un support. Toutefois, la structure tridimensionnelle peut être reconstruite en considérant de multiples projections bidimensionnelles sous des angles différents [30]. Cette méthode permet d’étudier des macroassemblages ou des protéines entières, à condition que la masse moléculaire soit au moins quelques centaines de kDa [31]. Il est possible d’obtenir une résolution de l’ordre de 10-30 Å [32]. Pour des macroassemblages de protéines, on peut envisager de compléter une structure à basse résolution avec des structures à haute résolution des protéines individuelles (obtenues, par exemple, par cristallographie aux rayons X). Il est ainsi possible d’obtenir des informations structurales à une résolution presque atomique de structures sub-cellulaires [33]. Cette technique permet l’étude de différents états conformationnels d’assemblages macromoléculaires par imagerie de complexes « piégés » à différents états du changement conformationnel [31, 34]. La microscopie électronique permet également d’obtenir des informations sur des macromolécules et leurs assemblages dans le contexte cellulaire par imagerie de la structure biologique entière [35].

Quelques exemples d’études de complexes macromoléculaires par cette technique comprennent la structure du ribosome à une résolution de 11,5 Å [36], de virus [37] et de l’environnement cytosolique total de cellules eukaryotes [38] ainsi que l’étude d’une interaction protéine chaperone-substrat [39, 40].

I.3. Interactions protéine-ligand

Dans la section précédente, l’importance des interactions non covalentes dans la mise en place de la structure des protéines a été présentée. La fin de la section précédente montrait que le champ des interactions non covalentes allait bien au-delà de la structure des protéines elles- mêmes pour inclure également les interactions des protéines avec d’autres éléments présents dans la cellule. Or ce rôle est très important d’un point vue biochimique car presque toutes les transformations chimiques au sein d’un système biologique sont effectuées par des enzymes et passent généralement par une étape de reconnaissance du substrat. Sans faire un exposé global du domaine de l’enzymologie, on s’intéressera à l’aspect thermodynamique des premières étapes d’une catalyse enzymatique, considérées du point de vue de la fixation d’un ligand sur une protéine. Ensuite, différentes méthodes classiques pour l’étude des interactions non covalentes entre une protéine et un ligand seront présentées, avant de passer à l’objet de cette thèse, leur étude par spectrométrie de masse.

I.3.1. Introduction aux interactions non covalentes protéine-ligand

Les propriétés biologiques d’une protéine dépendent de ses interactions avec d’autres molécules. Par exemple, des anticorps se fixent sur des protéines ou des peptides qu’ils reconnaissent très spécifiquement et qui peuvent provenir de virus ou de bactéries, l’hexokinase fixe du glucose et de l’ATP pour catalyser une réaction entre les deux, et les molécules d’actine se fixent entre elles pour s’assembler en filaments. Toutes les protéines interagissent, ou forment des liaisons, avec d’autres molécules. Dans certains cas, ces liaisons sont très solides, dans d’autres, elles sont faibles ou de courte durée. Toutefois, l’interaction présente toujours une grande spécificité dans le sens où une protéine ne peut normalement fixer que quelques molécules parmi les milliers, de types différents, présentes autour d’elle dans la cellule. On appelle la molécule fixée à la protéine (ion, petite molécule ou bien une autre macromolécule) un ligand de cette protéine.

La capacité d’une protéine à fixer avec sélectivité et avec une grande affinité ses ligands repose sur la formation d’interactions non covalentes, qui, compte tenu de la faiblesse individuelle des interactions, doivent être en nombre suffisant. Du point vue structural, cet objectif peut être atteint par la complémentarité des surfaces et des sites d’interaction des deux entités (Fig. I.13). La spécificité sera alors assurée à la fois par une structure particulière et par un certain nombre de liaisons non covalentes qui n’ont pas nécessairement de spécificité propre.

ligand

protéine ligand

protéine

Fig. I.13 : La complémentarité des surfaces moléculaires entre une protéine (noir) et son

ligand (blanc) permet la formation d’un grand nombre d’interactions non covalentes (symbolisées en gris)

La région d’une protéine qui fixe un ligand est appelée le site d’interaction. Il peut s’agir d’une cavité dans la surface de la protéine qui contient un arrangement séquentiel et/ou structural particulier d’acides aminés, ou d’un domaine exposé correspondant à un enchaînement très spécifique d’acides aminés, reconnaissant avec une très grande spécificité une autre séquence particulière. Une même protéine peut présenter plusieurs sites d’interaction de types différents, pour plusieurs ligands différents.

Dans une cellule, les molécules subissent des mouvements thermiques aléatoires, conduisant statistiquement à un grand nombre de rencontres entre elles. Si deux molécules qui s’approchent ont des surfaces peu compatibles, peu de liaisons non covalentes se forment. Par conséquent, le complexe entre ces deux molécules est susceptible de se dissocier rapidement. En revanche, la formation d’un grand nombre de liaisons non covalentes, conduit à une plus grande stabilité du complexe, d’où une durée de vie plus longue. On constate la présence d’interactions d’autant plus fortes que la fonction biologique du complexe nécessite une interaction longue. Un exemple en est le ribosome, qui est un complexe non covalent ayant une très longue durée de vie entre des molécules d’ARN et des protéines.

La force de l’interaction entre une protéine (P) et son ligand (L) est caractérisée par la constante de dissociation (Kd) ou par la constante d’association (Ka), reliées à l’énergie

[PL] [L] [P] K 1 K a d    (eq. I.3)

où [PL] est la concentration d’équilibre du complexe protéine-ligand et [P] et [L] correspondent aux concentrations de la protéine et du ligand dans la solution à l’équilibre. Comme pour tout équilibre chimique, il s’agit ici d’un équilibre dynamique, où le nombre d’évènements d’association est égal au nombre de dissociations.

La plupart des protéines exercent leurs fonctions par la fixation d’un ou de plusieurs ligands. Par exemple, une molécule d’actine structure la cellule en formant des filaments par interaction avec d’autres molécules d’actine. Pour d’autres protéines, la fixation d’un ligand n’est que la première étape nécessaire à leur fonctionnement, par exemple pour les enzymes. Les enzymes accomplissent toutes des transformations chimiques qui impliquent la dissociation et la formation de liaisons covalentes au sein d’un système biologique. Elles fixent des ligands (substrats) et les transforment chimiquement en produits. Les enzymes accélèrent considérablement des réactions chimiques (par des facteurs 106 ou plus) sans être modifiées, c’est-à-dire qu’elles agissent comme des catalyseurs.

Une cellule contient des milliers d’enzymes, la plupart d’entre elles actives en parallèle. Par leurs activités catalytiques, les enzymes forment un réseau très complexe de voies métaboliques. Chacune de ces voies est composée d’une succession de réactions chimiques. La complexité du système nécessite des contrôles afin de le réguler. Une des régulations les plus importantes est l’inhibition par fixation d’un ligand appelé inhibiteur. Cette inhibition est une régulation négative : l’activité de l’enzyme est réduite en présence d’inhibiteur. Symétriquement, les enzymes peuvent également subir une régulation positive, c’est-à-dire que leur activité peut être accrue par la fixation d’un ligand activateur. La régulation par un inhibiteur peut s’effectuer de deux façon : soit en se fixant dans le site de fixation du substrat (inhibiteur compétitif), ce qui a pour conséquence de diminuer la concentration en protéine libre, soit en se fixant sur un autre site d’interaction conduisant à un changement structural de la protéine.

Finalement, il faut noter qu’une protéine (souvent multimérique) peut présenter plusieurs sites d’interaction pour un même ligand. Dans ces situations, plusieurs cas sont à envisager suivant l’équivalence et l’indépendance des sites d’interactions. En particulier, la fixation simultanée de ligands peut être favorisée (coopérativité positive des sites), défavorisée (inhibition) ou les différents sites peuvent rester indépendants.

I.3.2. Méthodes d’études des interactions protéine-ligand

Compte tenu de l’importance des interactions entre les protéines et leurs ligands au sein des systèmes biologiques, il est incontournable de les étudier afin d’obtenir des informations sur le fonctionnement de ces systèmes. Dans ce contexte, se posent trois questions importantes :

1. Quelle est la stœchiométrie du complexe en question ?

2. Quelle est la valeur de la constante d’équilibre pour l’interaction ?

3. Pour des protéines avec des sites multiples : les sites sont-ils coopératifs ?

Pour pouvoir répondre à ces questions, il existe plusieurs méthodes, en dehors de la spectrométrie de masse. Les méthodes les plus importantes et les plus fréquemment utilisées sont présentées et discutées dans la suite de cette partie : les méthodes thermochimiques (ITC, DSC), les méthodes spectroscopiques (fluorescence, SPR, RMN) et les méthodes d’équilibre (EC, dialyse à l’équilibre).

I.3.2.1. Méthodes thermochimiques

Documents relatifs