• Aucun résultat trouvé

Approche intégrée pour l’évaluation de la qualité de l’axe Seine

3 Physico-chimie générale et micropolluants dans le compartiment abiotique (colonne d’eau et sédiment)

3.2 Contamination organique et métallique de la colonne d’eau

3.2.1 Micropolluants organiques

Contact particulier : P. Labadie (pierre.labadie@u-bordeaux.fr)

Il s’agissait ici d’étudier la contamination de la colonne d’eau (phase dissoute) par quatre familles de micropolluants organiques (composés pharmaceutiques, pesticides, alkylphénols et composés fluoroalkylés). Plus précisément, l’objectif était (i) de caractériser l’existence éventuelle d’un gradient amont/aval lié à l’occupation de sols et à la pression exercée sur l’hydrosystème et (ii) d’étudier les variations temporelles des niveaux de contamination en lien avec les conditions hydrologiques.

Matériel et méthodes

55 composés pharmaceutiques et 56 pesticides ont été recherchés dans la phase dissoute de l’eau de Seine (filtration 0,7 µm) ; la liste complète des analytes est donnée en Annexe 2. Ces composés sont extraits par extraction solide-liquide (SPE) puis analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS). Par ailleurs, trois composés appartenant à la famille des alkylphénols (4-ter- butylphénol, 4-ter-octylphénol et 4-nonylphénol) ont également été analysés par microextraction sur phase solide associée à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (SPME-GC-MS). Concernant les composés perfluoroalkylés (PFAS), les échantillons de phase dissoute ont été extraits par SPE sur cartouche polymérique greffée avec des groupements échangeurs d’anions faibles (Phenomenex Strata X-AW). Les extraits obtenus sont reconcentrés puis analysés par LC-MS/MS (adapté de Labadie et Chevreuil, 2011). Vingt composés ont été dosés et sont listés en Annexe 2.

Les abréviations et les nomenclatures complètes des différents composés organiques étudiés sont présentées en Annexe 2 (page 165).

Principaux résultats et discussion

Pesticides

La concentration totale en pesticides présente un fort gradient amont/aval (Figure 3.5) ; elle est ainsi significativement plus importante à Triel qu’au niveau des deux sites amont (p <0,05).

Sur chaque site, on observe une forte variabilité temporelle (Figure 3.5), qui pourrait résulter de la saisonnalité des usages des différents pesticides étudiés mais également des variations des conditions hydrologiques ; une corrélation positive est ainsi observée entre la concentration totale en pesticides et le débit fluvial, illustrant l’importance des sources diffuses et des processus associés (ex : lessivage et ruissellement). L’ordre de grandeur du flux annuel total de pesticides (somme 56 composés) à Triel est d’environ 3 tonnes/an (sur la base de la médiane du flux journalier déterminé à partir des quatre campagnes réalisées en 2011/2012) ; ce flux augmente d’un facteur 25 environ entre Marnay et Triel.

Figure 3.3 : Variations spatio-temporelles des niveaux de pesticides (somme de 56 composés dosés) dans la phase dissoute le long de l’Axe Seine Marnay-Bougival-Triel

au cours des quatre campagnes de prélèvements de 2011-2012 (box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points :

« outliers » i.e. valeurs dites « abérrantes »)

On notera que les concentrations maximales sont observées pour le chlortoluron et l’isoproturon, deux herbicides employés notamment pour le désherbage des céréales (application automnale). Les concentrations médianes les plus élevées sont néanmoins observées pour le diuron et deux produits de dégradation de l’atrazine (déséthylatrazine et 2-hydroxyatrazine), souvent présents à des niveaux supérieurs à ceux du composé parent. A titre d’exemple, le profil moléculaire observé sur le site de Triel est présenté sur la

Figure 3.6. Enfin, on notera qu’une analyse en composantes principales a permis de mettre en évidence

l’existence de cinq groupes de composés présentant une dynamique spatio-temporelle propre, pas nécessairement similaire à celle de l’ensemble des autres composés de la famille.

Figure 3.4 : Profil moléculaire (abondance relative, en %) des pesticides

dans la phase dissoute de l’eau de Seine – exemple du site de Triel (box :1er et 3ème

quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points : « outliers » i.e. valeurs dites

Composés pharmaceutiques

La concentration totale en médicaments (somme des 55 composés dosés) présente elle aussi un fort gradient amont/aval (Figure 3.7) ; elle est ainsi significativement plus faible à Marnay qu’au niveau des deux sites aval (p <0,05). On observe une forte variabilité temporelle des niveaux totaux de médicaments, qui pourrait résulter de la saisonnalité des usages mais également des variations des conditions hydrologiques ; aucune corrélation n’est observée entre la concentration totale en composés pharmaceutiques et le débit fluvial, illustrant la complexité des apports et de ces composés au système Seine. L’ordre de grandeur du flux total de composés pharmaceutiques (somme des 55 composés dosés) à Triel est d’environ 12 tonnes/an (sur la base de la médiane du flux journalier déterminé à partir des quatre campagnes réalisées en 2011/2012) ; ce flux augmente d’un facteur 20 environ entre Marnay et Triel.

Figure 3.5 : Variations spatio-temporelles des niveaux des médicaments (somme des 55 composés analysés) dans la phase dissoute le long de l’Axe Seine Marnay-Bougival-

Triel au cours des quatre campagnes de prélèvements de 2011-2012 (box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points :

« outliers » i.e. valeurs dites « abérrantes »)

Hormis l’acide salicylique et la caféine qui sont largement majoritaires, les principaux composés détectés dans la Seine sont des molécules issues de la dégradation de composés parents ou des composés relativement stables : théophylline, aténolol, sotalol, hydroxy ibuprofene, oxazepam, cétirizine et carbamazépine, tous présents à des niveaux de l’ordre de plusieurs dizaines de ng L-1 (Figure 3.8)

Figure 3.6 : Profil moléculaire des composés pharmaceutiques dans la phase dissoute de l’eau de Seine – exemple du site de Triel (box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points : « outliers » i.e. valeurs dites

« abérrantes »)

Alkylphénols (AKP)

Parmi les trois alkylphénols recherchés, seul le 4-nonylphénol (4-NP) a été pu être quantifié ; dans tous les échantillons, les niveaux du 4-ter-Butylphénol et du 4-ter-Octylphénol se sont avérés être systématiquement inférieurs aux limites de quantification (15 et 10 ng L-1, respectivement). Les niveaux de 4-NP observés dans cette étude (Figure 3.9) sont du même ordre de grandeur que ceux déterminés en 2011 par Cladière et al. (2013) sur le même transect ; ces concentrations s’avèrent systématiquement inférieures à la norme de qualité environnementale (NQE) fixée par la Directive Cadre Européenne sur l’Eau pour ce composé (300 ng L-1). L’ordre de grandeur du flux total de 4-NP à Triel est d’environ 300 kg/an (sur la base de la médiane du flux journalier déterminé à partir des quatre campagnes réalisées en 2011-2012) ; ce flux augmente d’un facteur 5 environ entre Marnay et Triel.

Figure 3.7 : Variations spatio-temporelles des niveaux de 4-NP dans la phase dissoute le long de l’Axe Seine Marnay-

Bougival-Triel au cours des quatre campagnes de prélèvements de 2011-2012

(box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points : « outliers » i.e. valeurs

Comme observé précédemment par Cladière et al. (2013), aucune différence significative n’est observée entre les trois sites d’étude (Figure 3.9), ce qui suggère que les sources urbaines directes ne sont pas prépondérantes pour le 4-NP (p >0,05). Les apports de ce composé résultent probablement de sources diffuses et de la dégradation de précurseurs (ex : nonylphénol polyéthoxylates) non pris en compte dans cette étude. On notera qu’aucune corrélation significative n’est observée entre le débit fluvial et la concentration en 4-NP, illustrant la complexité des apports et de ce composé au système Seine.

Composés perfluoroalkylés (PFAS)

Les résultats obtenus mettent en évidence l’ubiquité des PFAS sur le tronçon fluvial étudié ; dans la colonne d’eau, les niveaux totaux de PFAS varient de 2 à 90 ng/L. On observe ainsi un gradient très marqué de l’amont à l’aval (Figure 3.10), associé à l’augmentation de la pression anthropique sur l’écosystème fluvial et déjà documenté pour d’autres familles de contaminants organiques (Teil et al., 2014). Les niveaux observés à Triel sont en moyenne dix fois plus élevés que ceux observés à Marnay, des niveaux intermédiaires étant observés à Bougival (Figure 3.10).

Conformément aux observations antérieures réalisées sur la Seine à Paris (Labadie et Chevreuil, 2011), le PFOS (isomères linéaire + ramifiés), le PFHxS et le PFOA sont les composés majoritaires à Marnay et Bougival (Figure 3.11), en bon accord avec les résultats obtenus au niveau national (Munoz et al., 2015). On notera toutefois la forte augmentation de l’abondance relative du 6:2-FTS à Triel (significativement plus élevée qu’à Bougival et Marnay, p <0,05) (Figure 3.11). Ce sulfonate est employé depuis quelques années comme alternative au PFOS mais peut également résulter de la dégradation de composés plus complexes, à base de fluorotélomères, employés dans les mousses anti-incendie ou les emballages alimentaires (Buck et

al., 2011). Les niveaux élevés de 6:2-FTS observés à Triel, en moyenne 9 fois supérieurs à ceux observés à

Bougival, pourraient également résulter de l’influence d’une source industrielle située dans le bassin de l’Oise. Il est probable que l’existence d’une ou plusieurs sources urbaines et/ou industrielles contribuent également à l’augmentation significative de l’abondance relative du 6:2-FTS entre Marnay et Bougival.

Figure 3.8 : Variations spatio-temporelles des niveaux de PFAS dans la Seine sur les quatre campagnes de prélèvements de 2011-2012 (box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points : « outliers » i.e. valeurs dites

Figure 3.9 : Profil moléculaire des PFAS dans la phase dissoute de l’eau de Seine au cours des quatre campagnes de 2011-2012 (box :1er et 3ème quartiles, coupé par la médiane. Barres d’erreur : 90ème/10ème centiles. Points : « outliers » i.e. valeurs dites « abérrantes »)Au vu des résultats précédemment acquis sur le site de Paris Austerlitz, nous nous sommes intéressés aux relations existant entre débit fluvial et concentrations

des PFAS. Des situations hydrologiques contrastées ont été observées lors des quatre campagnes, durant lesquelles le débit a varié entre 28 et 101 m3 s-1 à Marnay, entre 102

et 419 m3 s-1 à Bougival et entre 131 et 528 m3 s-1 à Triel. Les échantillons ont ainsi été prélevés en conditions de basses eaux et de hautes eaux.

A Marnay, aucune corrélation significative n’est observée entre la concentration totale en PFAS et le débit fluvial; ceci suggère que cette station est sous l’influence prépondérantes de sources diffuses (ex : apports atmosphériques). Inversement, une forte corrélation négative est observée entre la concentration totale en PFAS et le débit fluvial (test de Spearman, rho < 0,001) pour les deux sites urbains, Bougival et Triel. Une observation similaire peut être faite entre les niveaux des principaux PFAS et le débit (Figure 3.12).

Ces résultats sont donc concordants avec ceux acquis en 2011 à Paris centre et suggèrent que les sources ponctuelles de PFAS sont prédominantes au sein et à l’aval de l’agglomération parisienne. Sur les deux stations aval, les fluctuations du débit expliquent ainsi plus de 80 % de la variabilité de la concentration des PFAS sur les sites aval.

Figure 3.10 : Relations entre la concentration totale en PFAS dissous (haut) et le débit fluvial et entre la concentration en PFOS dissous et le débit fluvial (bas)

Il apparait en outre que la contribution de l’agglomération parisienne au flux de PFAS est considérable, puisque celui-ci augmente d’un facteur x80 environ entre Marnay et Triel. Sur la base du flux médian journalier, l’ordre de grandeur du flux annuel de PFAS est respectivement estimé à 10, 200 et 800 kg an-1 à Marnay, Bougival et Triel.

Les concentrations en micropolluants organiques relevées au cours des 4 campagnes de prélèvements entre 2011 et 2012 pour les trois sites de l’axe Seine sont systématiquement en dessous des NQE correspondantes (lorsque celles-ci sont disponibles i.e. pour les AKP et certains pesticides comme l’alachlore, l’atrazine, le diuron, l’isoproturon, la simazine, le chlortoluron et le linuron) indiquant que la pression en contaminants organiques dans la colonne d’eau est relativement faible.