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Approche intégrée pour l’évaluation de la qualité de l’axe Seine

4 Métrologie de la contamination à l’aide du biote

4.1 Bioaccumulation chez le gammare

Contacts particuliers : J. D. Lebrun (jeremie.lebrun@irstea.fr) – Bioaccumulation en éléments traces

métalliques

P. Labadie (pierre.labadie@u-bordeaux.fr) – Bioaccumulation en micropolluants organiques

Afin de conforter l’intérêt et la robustesse de l’utilisation des gammares en tant qu’outils de biosurveillance pour évaluer la qualité de l’eau, nous nous sommes proposés au cours de cette phase 6 du PIREN-Seine : (i) d’évaluer l’influence des saisons sur le processus de bioaccumulation ; (ii) de déterminer s’il existait une réactivité différente entre espèces proches de gammares vis-à-vis de la contamination métallique.

4.1.1 Matériel et méthodes

Deux espèces de gammares phylogénétiquement très proches ont été utilisées : Gammarus pulex (originaire du bassin de la Seine) et Gammarus fossarum (originaire du bassin du Rhône). Ces deux espèces sont issues de populations contrôles suivies depuis plusieurs années par les équipes d’Ecotoxicologie de l’Irstea d’Antony et de Lyon.

Les gammares ont été calibrés par la taille (~1 cm) et transplantés sur les sites ateliers de l’axe Seine (Marnay, Bougival et Triel) au cours des 4 saisons précédemment décrites (voir parties 3.1.1 et 3.1.2). La transplantation a été réalisée à l’aide de cages et en présence de nourriture (feuilles d’Aulne), selon une méthode standardisée (Besse et al., 2013). Après une semaine d’exposition, les gammares encagés in situ sont ramenés au laboratoire. Les organismes sont ensuite minéralisés par pools (N = 3) de 5 individus et analysés par ICP-MS pour déterminer les teneurs en ETM accumulées dans leurs tissus, i.e. Ag, Cd, Co, Cu, Mn, Pb et Zn selon la méthode décrite par Lebrun et al. (2014 ; 2015).

Dans le cas des POPs hydrophobes, les méthodes mises en œuvre sont similaires à celles employées pour les échantillons de sédiment (voir partie 3.2.3.1.1).

4.1.2 Principaux résultats et discussion

Bioaccumulation en ETM

Dans le cas du Cd, aucune différence de contamination entre les gammares exposés en amont ou en aval de Paris n’a été observée. Cela peut s’expliquer par des niveaux d’expositions trop faibles.

Dans le cas des autres ETM (Ag, Co, Mn, Pb, Cu, Zn), des augmentations significatives des teneurs bioaccumulées ont été observés sur les sites en aval de Paris (Bougival et Triel) par rapport au site de référence en amont de Paris (Marnay), quelle que soit la saison. Il est à noter que les niveaux de contamination des gammares suivent étroitement le gradient de contamination amont-aval observé sur l’axe Seine et que les différences de bioaccumulation sont plus marquées en périodes chaudes (Automne 2011 et Eté 2012) qu’en périodes froides (Printemps 2012 et Hiver 2012). Par ailleurs, les profils de contamination des gammares sont identiques pour les deux espèces de gammares, suggérant une généricité de la réponse des gammares en termes de bioaccumulation (illustration avec le cas du Pb sur la Figure 3.24).

Figure 3.1 : Bioaccumulation du Pb chez Gammarus pulex et Gammarus fossarum encagés une semaine sur l’axe Seine au cours de différentes saisons (S1, Automne 2011 ; S2, Printemps 2012 ; S3, Eté 2012 ; S4, Hiver 2012. Les histogrammes sont les

moyennes de 3 pools de 5 gammares +/- écart-type. Le signe * indique une valeur de p <0,05 selon le test Mann-Whitney par comparaison avec le site de référence Marnay

Les analyses statistiques ont montré que la bioaccumulation de l’Ag, Co, Pb, Cu, Mn et Zn chez les gammares était significativement corrélée à la contamination de l’eau, et plus particulièrement à la concentration en ETM totaux plutôt qu’à celles en ETM dissous ou labiles (DGT).

Les analyses de covariance ANCOVA ont montré que la contamination du milieu (ETM totaux) est le principal facteur expliquant la variabilité de la bioaccumulation parmi différents facteurs susceptibles d’influencer le processus de bioaccumulation tels que la saison ou le site (Tableau 3.7), à l’exception du Cu et du Ni. Ces résultats confirment que les gammares sont sensibles aux faibles variations temporelles de la contamination des milieux, ce qui est en faveur de leur utilisation en tant qu’indicateurs de pression métallique.

Tableau 3.1 : Effets de la contamination, de la saison et de la localisation du site sur la bioaccumulation des métaux par analyse ANCOVA. Les valeurs significatives sont

indiquées par le signe (*) (p <0,05)

Facteurs explicatifs de la variabilité (%)

Niveau

d’exposition

Saison Site Variabilité résiduelle Ag G. pulex 82,3* 11,1 4,5 2,1 G. fossarum 71,9* 11,5 11,0 5,6 Pb G. pulex 89,5* 5,0 1,3 4,2 G. fossarum 81,5* 10,9 0,8 6,8 Co G. pulex 76,4* 17,3* 3,6 2,7 G. fossarum 53,8* 24,3* 12,5 9,5 Mn G. pulex 55,0* 23,4* 8,5 13,2 G. fossarum 60,4* 20,9 0,5 18,3 Zn G. pulex 43,4* 38,4* 4,4 13,8 G. fossarum 45,2* 33,6 4,2 17,0 Cu G. pulex 35,1* 56,4* 0,5 8,0 G. fossarum 35,2* 51,4* 0,4 13,1 Ni G. pulex 7,2 63,8* 14,6 14,5 G. fossarum 20,9 63,0* 10,5 5,6

Contrairement au Pb et Ag, la saison apparait pour influencer significativement la bioaccumulation des éléments essentiels : Co, Cu, Mn, Ni et Zn (Tableau 3.7). Cela peut s’expliquer par le fait que ces éléments sont indispensables aux fonctions biologiques des organismes (fonctions métaboliques, activités enzymatiques, osmorégulation, respiration…), dont les besoins peuvent varier avec les conditions environnementales et climatiques (Lebrun et al., 2015). Par ailleurs, les amphipodes sont connus pour avoir une activité métabolique diminuée pendant les périodes hivernales ce qui peut influencer les mécanismes physiologiques impliqués dans la régulation et la bioaccumulation des éléments essentiels (Fialkowski et al., 2003).

Bioaccumulation en micropolluants organiques

Les quatre familles de micropolluants organiques hydrophobes ciblées (PCB, OCP, HAP et PBDE) ont systématiquement été détectées chez les gammares exposés in situ, ce qui traduit la présence d’une fraction biodisponible dans la colonne d’eau, puisque seule l’exposition via la voie directe (dissoute) est possible dans les conditions d’exposition retenues (Figure 3.25). Globalement, pour tous les contaminants, les niveaux les plus faibles sont observés pour le site référence de Marnay. L’amplitude du gradient amont/aval est cependant moins importante que pour le sédiment (facteur 4-5), vraisemblablement en lien avec le gradient observé dans la colonne d’eau (non renseigné).

Figure 3.2. Niveaux de POPs hydrophobes chez les gammares encagés dans la Seine (total par famille) au cours des campagnes de 2011-2012. Les valeurs représentées sont

les moyennes ± écart-type (N =3)

Des travaux antérieurs ont permis de définir des valeurs seuils de contamination, au-dessus desquelles une teneur mesurée dans les organismes exposés peut être interprétée comme une contamination significative, c’est-à-dire supérieure au niveau de fond mesuré sur des sites de « référence » dans la région de prélèvement des gammares (Rhône-Alpes) utilisés pour l’encagement (Besse et al., 2013). Un dépassement de la valeur seuil pour un composé indique ainsi un apport de contamination biodisponible pour les gammares au niveau du site étudié.

Pour les deux stations aval, on observe un dépassement quasi-systématique des valeurs seuils, pour l’ensemble des familles étudiées. Dans le cas des PCB et de la plupart des HAP, les niveaux observés dépassent très largement les valeurs seuils. Sur le site de Marnay, la fréquence de dépassement apparait plus faible qu’à Bougival ou Triel. Néanmoins, les valeurs seuils sont régulièrement dépassées sur ce site, principalement pour les PCB et les OCP (2,4’-DDE et 4,4’-DDE) ; ceci confirme que ce site, pertinent comme référence amont de l’agglomération parisienne, s’avère néanmoins être un site relativement contaminé. Le Tableau 3.8 illustre cette démarche pour les PCB ; des résultats détaillés pour les autres familles ont fait l’objet d’un rapport antérieur (Labadie et al., 2013).

Tableau 3.2 : Comparaison entre niveaux de PCB chez Gammarus sp. et valeurs seuils ; le fond orangé indique un dépassement de la valeur seuil

Bioaccumulation en PCB (ng/g poids sec) Valeur

seuil Marnay Bougival

Triel (ng/g ps) C1 C2 C3 C1 C2 C3 C1 C2 C3 CB 50+28 3,5 5 3 3 22 17 16 17 9 8 CB 52 4,9 12 8 10 41 20 23 30 13 15 CB 101 5,8 11 8 20 47 24 42 36 17 30 CB 118 5,5 9 11 24 39 22 37 27 18 30 CB 153 8,3 14 11 28 54 22 47 53 20 38 CB 138 11,5 11 9 26 50 19 45 50 18 36 CB 180 3,3 2 2 4 12 5 11 13 5 9

On notera enfin que les résultats se sont avérés inexploitables pour les PFAS en raison d’un niveau de contamination initial trop important pour la population de gammares utilisée pour la transplantation.