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Même si les résultats obtenus à l’aide de la micromachine de fatigue oligocyclique sont probants, la grosse limitation observée est l’impossibilité de réaliser l’ensemble du cyclage sous MEB en un temps raisonnable. La manipulation de l’éprouvette est en effet contraignante, délicate, et doit induire des dispersions dans les résultats. Le besoin de se doter d’une troisième micromachine, plus rapide, afin de pouvoir s’affranchir de ces manipulations est donc apparu. Deux voies pouvaient être suivies : rester dans le domaine de la fatigue oligocyclique (quelques milliers de cycles, avec une déformation maximale de quelques %) ou aller jusqu’au domaine de l’endurance (quelques millions de cycles, avec une déformation maximale de quelques ‰). Dans le premier cas, la vitesse de déplacement relatif des mors de la micromachine de fatigue oligocyclique réalisée devait être multipliée par 100 (essais de quelques heures à la fréquence de 0,5 Hz), et dans le second cas par 1000 (fréquence de 30 Hz). Une collaboration avec l’IRSID nous a conduit à étudier la seconde solution, dans le cadre d’un stage de DEA (Thibaud Brière). L’ambition du cahier des charges nous a conduit à modifier l’objectif de ce stage, qui est passé de la conception d’une micromachine de fatigue endurance à la conception de l’actionneur de cette machine.

4.3.1 Le besoin et les composants « standards »

Cette machine devra être capable de réaliser aussi bien des essai de fatigue oligocyclique que des essais de fatigue-endurance. Dans le premier cas, la déformation maximale visée est de

3%, la fréquence de sollicitation de 0,1 à 1 Hz et la limite d’élasticité des matériaux testés de 300 à 1500 MPa. Dans le second cas, la contrainte maximale visée est de 800 MPa, pour une fréquence de sollicitation de 20 à 30 Hz.

Les dimensions retenues pour les éprouvettes étant une longueur utile de 20 mm pour une section de 10 mm2

, la capacité de charge de la machine devra atteindre 15 kN, le déplacement maximum relatif des mors ±0,8 mm (lors d’essais de fatigue oligocyclique), et la vitesse maximale de déplacement relatif des mors 30 mm/s (lors d’essais de fatigue-endurance). Différentes technologies d’actionneurs « standard » ont été envisagées et vite abandonnées : • Les vérins pneumatiques sont limités par la faible pression disponible (10 bars), qui entraîne des diamètres incompatibles avec l’encombrement disponible (Ø150 mm minimum).

• Les vérins hydrauliques permettent d’obtenir des efforts élevés avec des actionneurs de faibles dimensions, mais posent deux problèmes : leur encombrement axial (dû à une course surdimensionnée) et leur non étanchéité parfaite. Une gamme de vérins hydrauliques a cependant retenu notre attention, les vérin souples (figure 4-37), insérés ou non dans une enveloppe rigide. Donnés pour fonctionner jusqu’à 40 bars, la charge recherchée peut être obtenue avec un vérin dont l’encombrement est compatible avec celui de la chambre d’un MEB de nouvelle génération. L’étanchéité est parfaite car purement statique. Ils ne sont en revanche pas conçus pour travailler en fatigue, et leur durée de vie ne permettrait pas de réaliser un essai complet.

Figure 4-37 : vérin hydraulique souple

• Les systèmes par résonance ne sont pas adaptés à notre problème : la rigidité de l’éprouvette associée aux fréquences recherchées entraînent une masse du dispositif de 6 tonnes.

• Les actionneurs électriques ne répondent pas non plus au cahier des charges : les actionneurs à bobines mobiles ne génèrent que de faibles charges, les électro-aimants sont trop lourds et encombrants (un électro-aimant de Ø100 mm ne peut générer que 5 kN) et les vérins électriques trop encombrants et trop lents. Quant aux actionneurs piezoélectriques, nous les avons étudiés en détail. Ils permettraient de générer la sollicitation de fatigue endurance, mais pas celle de fatigue oligocyclique (course trop faible). Leur coût (notamment celui de l’alimentation permettant de les faire travailler à pleine charge à 30 Hz) est prohibitif.

Ne trouvant pas l’actionneur idéal, nous avons décidé de concevoir notre propre actionneur, en nous inspirant au départ de la technologie des vérins souples.

4.3.2 L’actionneur

L’idée de base a été de concevoir un vérin de faible course utile, sans étanchéité dynamique, et compact. La première tentative a consisté à relier le piston et le corps par deux clinquants métalliques (figure 4-38). Ceux-ci devaient pouvoir autoriser un déplacement du piston de ±0,8 mm et supporter la pression maximale imposée dans les chambres. De nombreux calculs ont été faits, pour plusieurs configurations (épaisseur des clinquants, matériaux …) sans qu’un compromis satisfaisant ne puisse être trouvé. Les configurations pour lesquelles les

contraintes dans les clinquants sous pression maximale sont compatibles avec la limite d’endurance du matériau sont beaucoup trop raides, et s’opposent de façon trop importante au déplacement du piston. A l’opposé, en limitant l’effort nécessaire au déplacement du piston à l’effort utile (15 kN), la tenue en fatigue des clinquants ne peut pas être garantie.

Figure 4-38 : vérin à clinquant

La seconde tentative a consisté à placer deux coussinets déformables entre le piston et la chambre (figure 4-39). L’étanchéité entre les chambres est cette fois dynamique, mais interne au vérin, toutes les étanchéités externes restant statiques. Le piston et les carters ont été calculés par élément finis, et dessinés de façon à garantir la tenue en fatigue. Le débit de fuite entre le piston et le corps du vérin a été chiffré et reste négligeable (40 ml/mn pour une différence de pression entre les chambres de 100 bars).

Figure 4-39 : vérin à coussinets

La majorité du travail de conception a porté sur le choix et le dimensionnement des coussinets. Ceux-ci seront précontraints de façon à ce que la pression de contact axiale coussinet-carter et coussinet-coin reste toujours supérieure à la pression de la chambre qu’ils doivent étanchéifier. Cette condition est très contraignante, car c’est dans leur configuration « détendu » que la pression est maximale dans la chambre. Ils doivent par ailleurs résister aux sollicitations de fatigue, et ne pas trop s’opposer au déplacement du piston. Cette dernière contrainte impose l’utilisation d’un matériau de faible raideur pour les coussinets, et comme ceux-ci sont amenés à supporter des niveaux de contrainte axiale importants, la seule solution trouvée a été de les confiner (déplacement radial intérieur bloqué par le piston, et extérieur bloqué par le carter). La recherche d’un matériau répondant à notre utilisation a débouché d’une part sur les polymères et d’autre part sur les élastomères.

Parmi les polymères, c’est le PolyTetraFluorEthylène (PTFE ou téflon) qui présente le meilleur compromis. Le module d’Young est cependant important, de 300 à 800 MPa, et un coefficient de Poisson plus faible aurait été souhaitable (celui-ci varie de 0,44 à 0,47). Son coefficient de frottement, sa tenue à l’huile et à la température et ses caractéristiques de résistance mécanique (limite d’élasticité, de fatigue et résistance à la compression) correspondent à celles recherchées. Pour ce type de coussinet, la longueur choisie (compromis entre encombrement et raideur) est de 30 mm. Malgré la grande longueur de ces coussinets, l’effort nécessaire à la compression du coussinet chargé est 5 fois supérieur à l’effort généré dans l’éprouvette. Cette charge peut toutefois être générée pour une dimension de vérin raisonnable (Øextérieur 70 mm) et une pression raisonnable (100 bars). L’asservissement devra en revanche être robuste pour que l’effort généré dans l’éprouvette suive la consigne. Un calcul thermique de l’échauffement des coussinets en l’absence d’huile a été réalisé. Celui-ci est de l’ordre de 20°, et en fonctionnement (température de l’huile supérieure à 50°C), cet échauffement pourra être négligé.

Parmi les élastomères, c’est le PolyUrethane Hydrolysé (H-PU) qui présente le meilleur compromis. Son module d’Young est faible, compris entre 2 et 30 MPa, mais son coefficient de Poisson proche de 0,5 (de 0,49 à 0,498) est très pénalisant dans une configuration confinée. Ses caractéristiques de résistance mécanique correspondent à celles souhaitées. Ce type de matériau permet de diminuer l’encombrement axial du vérin (une longueur de coussinet de 15 mm est suffisante). L’effort nécessaire à la compression du coussinet chargé est alors 4 fois supérieur à l’effort généré dans l’éprouvette, facteur qui peut être diminué en augmentant la longueur des coussinets, au détriment de la compacité.

En choisissant de réaliser les coussinets en H-PU, la conception complète du vérin a été réalisée. L’encombrement permet d’envisager son utilisation dans la majorité des microscopes actuels, et aucune pièce ne devrait dépasser la limite d’endurance du matériau qui la constitue. Le fait de générer directement une sollicitation axiale simplifie grandement la conception du reste de la machine (plus de transmission). La préoccupation principale sera de réaliser un bâti et un système d’ancrage des éprouvettes très rigide, la faible course du vérin ne pouvant être « gaspillée » dans la déformation de la machine.

4.3.3 La démarche future

Un prototype de ce vérin va être réalisé et testé sur machine d’essai de fatigue pour vérifier la tenue des coussinets. En cas de succès, et en restant toujours hors chambre de microscope, un essai de fonctionnement autonome du vérin sera ensuite réalisé, en le raccordant à un groupe hydraulique. Cet essai d’endurance à vide puis sous charge aura pour but de valider ou invalider le comportement du vérin, son étanchéité, et de chiffrer ses performances. Ce n’est qu’en cas de réussite de cette phase que l’implantation du vérin dans une micromachine sera réalisée, et tout l’environnement nécessaire à la réalisation d’essais sous microscope développé.