• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Les maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICIs)

2.5. Facteurs influençant l’apparition des MICI

2.5.4. Facteurs Microbiologiques

2.5.4.2. Microbiote et MICIs

Plusieurs éléments essentiels mettent l’accent sur le rôle du microbiote dans la pathogenèse des MICI. Les modèles animaux d'iléite et de colites chroniques nécessitent la présence d’un microbiote intestinal pour déclencher la pathologie. Les souris sans germes sont en effet plus résistantes à la colite induite par du DSS que les souris conventionnelles (Hudcovic et al., 2001). Ces résultats suggèrent la participation du microbiote intestinal dans le déclenchement de l'inflammation intestinale. De plus, l'inflammation est maximale au niveau des sites où la concentration bactérienne est la plus élevée et l'administration d'antibiotiques entraîne habituellement une réduction de l'inflammation chez les patients atteints de MICI (Khan et al., 2011; Prantera et al., 2012; Schaubeck et al., 2016).

De nombreuses études ont comparé la composition du microbiote intestinal de patients atteints de MICI avec celle d’individus sains et ont montré que les patients atteints de MICI présentent des dysbioses du microbiote (Manichanh et al., 2006; Sokol et al., 2009). Des études expérimentales in vivo, montrent que l'induction d'une inflammation aiguë, par exemple, par des substances chimiques telles que le DSS peut entraîner des modifications du microbiote intestinal (Rautava et al., 2015; Schwab et al., 2014). Ces études avaient pour but de déterminer une potentielle signature microbienne associée à la maladie (Ott et al., 2004; Scanlan et al., 2006; Willing et al., 2010), afin de pouvoir cibler ces modifications dans la prise en charge thérapeutique des patients. Elles ont mis en évidence une diminution de la diversité des espèces, notamment au sein des Firmicutes, dont une diminution d’Erysipelotrichales, de Ruminococcaceae, et du groupe de Clostridium leptum, en particulier de Faecalibacterium prausnitzii (Sokol et al., 2009) qui représente une espèce bactérienne dominante du microbiote, dont l’abondance est fortement diminuée dans la MC. La perte de bactéries potentiellement bénéfiques, notamment productrices de butyrate (Faecalibacterium, Christensenellaceae, Methanobrevibacter et Oscillospira) est plus associée à la MC que la RCH (Pascal et al., 2017). F. prausnitzii a été démontrée comme ayant des capacités anti-inflammatoires chez la souris (Sokol et al., 2008), capacité retrouvée par une protéine de 15kDa capable d'inhiber la voie NF-B dans les cellules épithéliales intestinales et prévenir une colite en modèle expérimental. De plus, des faibles taux de F. prausnitzii dans la muqueuse ont été associés à un risque élevé de réactivation précoce de la MC iléale, tandis que le rétablissement des taux de F. prausnitzii est associé au maintien de la rémission clinique de la RCH (Sokol et al., 2008). Alors que F. prausnitzii est

faiblement retrouvée dans les biopsies de patients souffrant de MC et RCH, on observe à l’inverse une augmentation de l'abondance des gamma protéobactéries et des Enterobacteriaceae au niveau de l'épithélium et dans la lamina propria (Lepage et al., 2011; Lopez-Siles et al., 2016; Quévrain et al., 2016). Des études ont notamment montré une plus forte abondance d’E. coli adhérents invasifs (AIEC) (Darfeuille-Michaud et al., 2004; Prosberg et al., 2016; Sokol et al., 2009; Walters et al., 2014). L’adhésion des 0AIEC aux cellules épithéliales intestinales induit la sécrétion de la cytokine pro-inflammatoire IL-8 et de la chimiokine CCL20 (C-C motif-Ligand 20), entrainant une forte production d'IFN-γ et de TNF-α par les macrophages (Eaves-Pyles et al., 2008). Cette observation a mis l'accent sur le fait qu'une infection transitoire par des agents pathogènes pourrait agir comme un déclencheur environnemental pour initier des réponses inflammatoires dans le colon et augmenter la perméabilité intestinale. A l’inverse, certains genres bactériens comme Bifidobactérium et Lactobacillus, connus pour exercer des effets bénéfiques contre l'inflammation des muqueuses sont diminués dans les MICIs (Favier et al., 1997; Seksik et al., 2003).

Les patients atteints de MICI présentent également des altérations de la fonction et de la capacité métabolique du microbiote intestinal. La production d’AGCC ou la capacité des tissus hôtes à utiliser ces métabolites pourraient être altérées dans des conditions d'inflammation chronique (Huda-Faujan et al., 2010). Il a été démontré que les concentrations de butyrate dans les fèces sont diminuées chez les patients atteints de MICI. Le butyrate est un nutriment majeur pour les entérocytes et favorise la production de mucine et de PAM. L’absence de cette source d'énergie entraînerait (i) une privation d'énergie, (ii) une altération de la fonction barrière par la diminution de la production des mucines et ainsi, (iii) une augmentation de la translocation bactérienne (Morgan et al., 2012). Plusieurs espèces bactériennes productrices de butyrate, telles que Roseburia hominis et F. prausnitzii, ont été retrouvées en faible concentration chez les patients atteints de MICI par rapport à leurs frères et sœurs qui étaient en bonne santé (Lepage et al., 2011; Machiels et al., 2014; Willing et al., 2009). D’autres études ont mis en évidence que la bactérie productrice de butyrate Butyricicoccus pullicaecorum est moins représentée dans les échantillons fécaux de patients atteints de MICI et que cette bactérie est capable de limiter la colite induite par du TNBS chez le rat (Eeckhaut et al., 2013). Des études récentes ont montré que les AGCC aident à la maturation et la fonction des cellules T régulatrices coliques impliquées, ce qui pourrait expliquer leur effet protecteur en modèle murin de colite (Smith et al., 2013). Ces espèces bactériennes pourraient de ce fait être considérées comme des marqueurs diagnostiques pour les MICI. Un autre exemple d'altération fonctionnelle du microbiote intestinal dans les MICI est représenté par l'augmentation des bactéries sulfato-réductrices chez les patients ayant une RCH (Pitcher et

al., 2000). Ces bactéries produisent du sulfure d'hydrogène, toxique pour les cellules épithéliales intestinales et pouvant ainsi provoquer une inflammation locale des muqueuses.

L'augmentation de l’incidence des MICIs dans les pays développés est supposée d’être partiellement liée aux habitudes alimentaires et à la surutilisation d’antibiotiques qui perturberaient la composition du microbiote (David et al., 2014; Dethlefsen and Relman, 2011; Willing et al., 2011). Comme déjá évoqué, le tabagisme est un exemple de facteur qui modifie la composition du microbiote et est impliqué dans l’exacerbation de l'inflammation dans la MC et l’augmentation du risque de récidive chirurgicale et clinique (Reese et al., 2008), alors qu’il a une influence bénéfique sur l'évolution de la RCH. Certains traitements médicamenteux administrés à des patients atteints de MC, tel qu'un traitement par des anticorps anti-TNF-α, peuvent modifier la composition du microbiote, permettant une restauration de F. prausnitzii (Busquets et al., 2015; Lopez-Siles et al., 2015). Ceci suggère que le statut inflammatoire peut avoir un impact sur la composition du microbiote.

Il est souvent admis que le microbiote reste séquestré au sein de la lumière intestinale, séparé de l’épithélium par le mucus et également à distance du fond des cryptes où se trouvent les cellules souche et les cellules de Paneth (Earle et al., 2015). De plus, chez les sujets sains, la sécrétion normale de PAMs par les cellules de Paneth permets de préserver l’équilibre du microbiote et éviter la prolifération de bactéries néfastes (Shanahan, 2013; Swidsinski et al., 2009). Cependant, chez les patients atteints de MC et RCH, l’abondance des bactéries associées à la muqueuse augmente de façon significative. Cette concentration semble être plus élevée (presque le double) chez les patients atteints de RCH (Bibiloni et al., 2006). Ceci pourrait être attribué à une diminution de sulfatation des mucines dans la RCH. Les mucines du côlon sont en effet fortement sulfatées à l’état physiologique, favorisant une résistance à sa dégradation par les enzymes bactériennes (Corfield et al., 1996). Ainsi, une translocation de bactéries de la lumière intestinale vers l’épithélium, peut s’observer dans le cas des MICI, suite à l’altération de la barrière intestinale (Sokol and Seksik, 2010). Des composants du microbiote peuvent également établir un dialogue étroit avec l’épithélium et la crypte intestinale (Earle et al., 2015).

2.5.4.3.

Rôle des polymorphismes génétiques associés aux MICIs