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Chapitre 2 : Les maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICIs)

2.5. Facteurs influençant l’apparition des MICI

2.5.4. Facteurs Microbiologiques

2.5.4.1. Le microbiote intestinal

Le microbiote intestinal humain englobe une variété de micro-organismes, incluant des bactéries, des archées, des virus, des levures et des protozoaires. L’ensemble de ces microbes et de leurs gènes est appelé "microbiome intestinal" (Human Microbiome Project Consortium, 2012). Ce microbiote s’implante dès la naissance et la colonisation microbienne de l'intestin du nouveau-né est fonction du mode d'accouchement (accouchement naturel par voie basse versus césarienne) et du type d’alimentation (lait maternel versus lait maternisé) (Dominguez-Bello et al., 2010). Cette colonisation est également fortement influencée par des signaux extrinsèques, tels que l’environnement dans les premiers jours et semaines de vie et de la prise de médicament, notamment d’antibiotiques. Ces facteurs comportementaux peuvent déterminer la future composition du microbiote intestinal et avoir un impact sur sa diversité (Cotillard et al., 2013; Koenig et al., 2011). Après cette période critique, le microbiote devient relativement stable vers l’âge de 2 à 4 ans, mais des

facteurs d'interférence (antibiotiques, médicaments, infections, hygiène excessive, nutrition, mode de vie) peuvent moduler sa composition, pouvant entraîner dans certains cas de graves conséquences à long terme (Cox et al., 2014; Leone et al., 2014). Par exemple, des modifications d’habitudes alimentaires sur une longue durée ont une influence significative sur le développement de microorganismes spécifiques. Trois groupes différents de microbiotes ont été proposés, appelés entérotypes, déterminés par la prédominance de 3 types de bactéries (Arumugam et al., 2011). Plusieurs études ont montré qu'une alimentation riche en graisses et en protéines animales est associée au genre Bacteroides, tandis qu'un régime riche en glucides favorise la colonisation en genre Prevotella (Arumugam et al., 2011; Wu et al., 2011). Environ 38 mille milliards de micro-organismes composent le microbiote intestinal représenté par quelque 200 espèces différentes au sein d’un même individu (Sender et al., 2016), regroupées en deux principaux phyla: les Firmicutes qui représentent en moyenne 64% et les Bactéroidetes 23% du microbiote intestinal, associés à d’autres phyla ayant une abondance plus faible, dont les Protéobactéries et les Actinobactéries (Human Microbiome Project Consortium, 2012; Lozupone et al., 2013, 2012). Le génome du microbiote est 100 à 150 fois plus important que celui du génôme humain, apportant ainsi de nombreuses propriétés fonctionnelles. La majorité de ces microbes intestinaux colonise le colon qui correspond au site majeur des réactions métaboliques, atteignant 1011 à 1012 CFU/ gramme de contenu et sont majoritairement anaérobies strictes et difficilement cultivables. Le développement des nouveaux outils moléculaires de séquençage puis de métagénomique, nous ont permis d’avoir une idée plus précise de la richesse et la diversité du microbiote et commencer à appréhender ses fonctions. Chaque individu héberge un microbiote intestinal dont la composition lui est spécifique. De plus, la proportion entre les différents phyla varie considérablement entre chacun. Plus de 1000 espèces différentes de bactéries ont été détectées dans les échantillons fécaux humains et dans les biopsies. En condition physiologique chez l'individu sain, le microbiote intestinal est relativement stable et résiliant. Il peut être temporairement modifié mais tend toujours à revenir à son état d’équilibre. Ces facteurs dits «extrinsèques», pourraient modifier temporairement le microbiote intestinal (Faust et al., 2015). En outre, une variété de facteurs de l'hôte, y compris le sexe, l'âge, le stress psychologique et l'état de santé ont été signalés comme d’autres facteurs affectant le microbiote intestinal (Claesson et al., 2012; Dominguez-Bello et al., 2010).

Le microbiote intestinal est impliqué dans différents processus physiologiques, tels que le développement et la maturation de l’épithélium intestinal et la régulation du système immunitaire, la digestion et le métabolisme, le contrôle de certaines fonctions endocrines. De nombreuses études démontrent de plus en plus que les microorganismes intestinaux sont impliqués dans le développement cérébral et la signalisation du système nerveux

central (Doré et al., 2013). Les enzymes digestives retrouvées dans le tube digestif humain sont incapables de dégrader certains glucides tels que la cellulose et les fibres. Ce sont les bactéries du microbiote qui convertissent ces composés par fermentation, générant des métabolites bénéfiques pour l'hôte, notamment des acides gras à chaîne courte (AGCC, ou Short Chain Fatty Acids, en Anglais) possédant des propriétés anti-inflammatoires. Le butyrate, l'acétate et le propionate sont les AGCC les plus connus et constituent la source principale d'énergie pour les cellules épithéliales du côlon. Ils jouent également un rôle crucial dans la régulation métabolique, notamment l’homéostasie glucidique. De plus, quelques membres du microbiote intestinal sont capables de dégrader les protéines pouvant entrainer la production de divers métabolites toxiques. Certains microorganismes peuvent également synthétiser diverses molécules organiques essentielles pour l’hôte, telles que certains acides aminés (Rajilić-Stojanović, 2013), certaines vitamines comme la vitamine K et le complexe de vitamines B (Ramakrishna, 2013). Certains sont également capables de détoxifier des composants (xénobiotiques) notamment des molécules cancérogènes.

Le développement et la maturation du système immunitaire humain sont influencés à la fois par la génétique de l'hôte et par des éléments environnementaux. Le microbiote joue un rôle primordial dans la maturation de l’épithélium intestinal, et renforce sa fonction barrière en stimulant les jonctions serrées et la production de mucus. La maturation du tissu lymphoïde associé à l'intestin dépend de l'interaction postnatale avec le microbiote, permettant l'expansion du tissu lymphoïde et la formation des centres germinaux contenant des cellules B sécrétrices d'IgA (Sommer and Bäckhed, 2013). Les souris axéniques, c’est-à- dire sans germes, présentent un faible nombre de plaques de Peyer, ainsi que des niveaux plus bas d'IgA, comparativement aux souris conventionnelles. Ces résultats suggèrent que le microbiote intestinal est impliqué dans la production d'IgA au niveau des muqueuses (Wu and Wu, 2012). Le microbiote joue un rôle considérable aussi dans la régulation du système immunitaire en modulant l’activation des DCs et la polarisation des lymphocytes T (Figure 9). Certaines bactéries, telle que la bactérie filamenteuse segmentée (SFB), stimulent plus particulièrement les réponses Th17 importantes dans les mécanismes de défense et de renforcement de la barrière, alors que d’autres microorganismes favorisent les réponses T régulatrices contribuant ainsi à restaurer la balance immunitaire. Notamment certains lactobacilles ou bifides induisent préférentiellement une polarisation vers des réponses de type T régulatrices (Macho Fernandez et al., 2011).

Figure 9: Déséquilibre de la production des cytokines anti-inflammatoires et pro- inflammatoires chez les patients atteints de MICI

Le microbiote intestinal joue également un rôle essentiel dans la prévention contre la colonisation d’agents infectieux. Le mécanisme implique de multiples processus tels que la compétition avec les pathogènes sur les éléments nutritifs, la saturation des récepteurs et l’occupation de niches, la production de substances anti-microbiennes par les bactéries telles que les bactériocines et la stimulation des cellules de Paneth de l’hôte à produire des peptides anti-microbiens.

Le microbiote joue donc un rôle dans les fonctions principales de notre organisme, fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques. En conséquence, toute altération durable de sa composition appelée dysbiose, entrainant une altération qualitative et fonctionnelle du microbiote, peut avoir des conséquences dramatiques et entrainer le développement de pathologies chroniques, inflammatoires, auto-immunes ou métaboliques ainsi que des pathologies comportementales (Lepage et al., 2011; Willing et al., 2010). Des dysbioses ont été associées à diverses pathologies humaines, telles que les MICIs, et le syndrome du côlon irritable (Collins, 2014), la diarrhée chronique (Swidsinski et al., 2008), l'obésité (Le Chatelier et al., 2013), le diabète (Qin et al., 2012), l'autisme (Adams et al.,

2011), le cancer colorectal (Schwabe and Jobin, 2013), les maladies cardiovasculaires (Serino et al., 2014), et les pathologies hépatiques (Miura and Ohnishi, 2014).