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Matériel et Méthodes

I. MICI et fertilité:

La plupart des études ont montré que les hommes et les femmes atteints de MICI en phase quiescente et avant une chirurgie ont une fertilité égale à celle de la population générale. La réduction des taux de natalité observés résulterait plus vraisemblablement d’un choix délibéré de la part des patients que d’une baisse de fertilité liée à la MICI [1].

1. Maladie de Crohn (MC) :

Dans la MC, selon les études de populations [2-3], on estime le taux d’infertilité féminine à 5-14 % chez les patientes en rémission, ce qui est similaire aux taux observés dans la population générale [1]. En revanche, une maladie active diminue significativement la fertilité, par le biais de l’inflammation qui peut toucher l’appareil ovarien et les annexes, d’éventuelles séquelles chirurgicales (adhérences) au niveau de la région pelvienne, d’une aménorrhée secondaire qu’il n’est pas rare de rencontrer chez les patientes en poussée prolongée, mais aussi de troubles sexuels (dyspareunie, troubles érectiles) fréquents en présence de lésions ano-périnéales [1].

2. Rectocolite hémorragique (RCH) :

Dans la RCH, une chute significative du taux de fertilité est observée après une colo-proctectomie chez la femme. Une méta-analyse [4] a montrée en effet une baisse importante du ratio de fécondité (RF=capacité à concevoir par cycle menstruel en ayant des rapports sexuels non protégés) après confection d’un réservoir iléal en J et anastomose iléo-anale (AIA), ce ratio passant de 1,01 (égal à la population générale avant chirurgie) à 0,20 (p < 0,001) après chirurgie .Ces résultats sont confirmés par d’autres études [5] qui montrent un taux d’infertilité

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passant de 13,3 % à 38,6 % (p < 0,001) après AIA. Néanmoins, il s’agit principalement d’infertilité mécanique et la grossesse est finalement possible après recours à la fécondation in vitro. Le choix logique d’un abord par voie laparoscopique dans le but de réduire le risque d’adhérences au niveau du pelvis a récemment démontré son efficacité par rapport à la laparotomie.

Chez l’homme, une chirurgie avec AIA peut mener dans certains cas à des éjaculations rétrogrades et plus rarement à des troubles érectiles. Il est donc conseillé chez ces patients de faire préserver le sperme avant le geste chirurgical [1].

3. Traitements et fertilité :

Certains médicaments aussi peuvent interférer avec la fertilité masculine. La sulfasalazine est responsable d’oligospermie et affecte la morphologie et la motilité des spermatozoïdes. Cet effet indésirable est lié au noyau sulfapyridine de la molécule (qui n’a pas d’effet pharmacologique) ; il est totalement réversible à l’arrêt du traitement [6]. Une autre alternative serait d’avoir recours aux dérivés du 5-ASA, dépourvus de ce noyau sulfapyridine [7]. Le traitement immunosuppresseur, tels que l’azathioprine (AZA) ou la 6-mercaptopurine (6-MP), peuvent être utilisés sans crainte en période de conception. En effet, les données d’un travail de petite envergure (13 patients), qui suggéraient un risque accru de malformation congénitale [8], n’ont pas été confirmées par une vaste étude cas témoins (76 hommes exposés à la 6-MP) [5].

Le méthotrexate (MTX) est responsable de stérilité réversible [2]. Actuellement, nous ne disposons pas de données concernant le risque malformatif iatrogène chez les hommes qui y sont exposés avant la conception. Toutefois, il est recommandé d’interrompre ce traitement au moins

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trois mois avant une conception souhaitée [6]. Les données de la littérature sont actuellement encore vierges dans le domaine des effets des biothérapies sur la fertilité masculine et féminine [2].

II. Retentissement de la grossesse sur la MICI :

En phase de rémission, la grossesse est sans conséquence sur l’histoire naturelle de la RCH [9]. Dans une étude, le taux de rechute était estimé à 34 % dans les 9 mois suivant la conception. Les rechutes surviennent le plus souvent au cours du premier trimestre, probablement en raison de l’arrêt volontaire par les patientes de tout traitement de fond à l’annonce de la grossesse [9]. Une conception en phase inflammatoire est suivie d’une aggravation de la RCH dans 45 % des cas [9].Quelques rares patientes atteintes de RCH sont uniquement symptomatiques en période gravidique [9].

Tout comme pour la RCH, l’indice d’activité de la MC lors de la conception détermine le déroulement et le retentissement sur la grossesse [10].

Une MC active en début de grossesse se stabilise dans un tiers des cas, s’aggrave dans un tiers des cas et s’améliore dans un tiers des cas. Le délai optimal de rémission préconceptionnelle n’est pas clairement établi. En pratique clinique, le terme de 3 mois d’inactivité inflammatoire est communément conseillé avant d’envisager une grossesse [11]. Il est donc recommandé de débuter la grossesse en phase quiescente, et ce d’autant plus que le pronostic obstétrical s’en trouve amélioré.

Dans notre étude, pour les 28 cas quiescents, la maladie l’est restée dans 80%, dans 15% elle s’est activée et dans 5% c’était des formes sévères. Pour les

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11 cas ou la maladie était active, elle est restée stable dans 55% des cas mais l’évolution vers une forme sévère a été notée dans 45% des cas.

III. Retentissement de la MICI sur la grossesse :

Il a été cité dans une étude que l’évolution et l’issue de la grossesse en cas de MICI sont comparables à celles de la population générale avec des évolutions normales dans 76 à 97 % de RCH, et dans 70 à 93 % des MC [12].

Des auteurs comme Baiocco et Korelitz [13] ont montré que lors d’une MICI active, la grossesse avait une évolution anormale dans 63 % des cas. Une autre série a montré que 55 % des grossesses débutées en phase modérément active avaient une issue favorable contre 67 % des grossesses lorsque la maladie était quiescente lors de la conception [14].

Dans notre étude, les grossesses débutées en période quiescente de la maladie ont eu des évolutions gestationnelles simples dans 94% des cas toutes MICI confondues.

1. Avortement :

Au cours du premier trimestre, la RCH et la MC n’augmenteraient pas le risque d’avortement spontané. Il n’existe pas non plus de malformations congénitales liées à ces maladies [15].

Dans une autre étude, le taux d’avortement précoce est identique à celui de la population générale [16]. Ces taux atteindraient 20 à 40 % en cas de maladie active au moment de la conception [14-17-18].

Dans notre série, ce taux était de l’ordre de 50 % et n’a concerné que les formes sévères.

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2. Hypotrophie :

Le risque d’hypotrophie est variable selon les auteurs. Sans tenir compte de

l’activité de la MICI, il ne semble pas différent de la population générale. Pour certains, ce risque serait augmenté indépendamment de l’activité de la

maladie [19 -20-21]. Pour d’autres, il dépendrait de l’activité de la MICI au cours de grossesse [22-23]. Le retentissement sur la croissance fœtale serait lié à l’état nutritionnel maternel [24].

Dans notre étude, 6% des nouveau-nés étaient hypotrophes en cas de maladie quiecsente, 25% en cas de poussées minimes à modérées lors de la conception et ce taux a atteint les 50% pour les formes sévères.

3. Prématurité :

Au cours des deuxième et troisième trimestres, la RCH et la MC ne semblent pas majorer le risque de survenue de complications spécifiques à la grossesse telles que la prééclampsie ou l’éclampsie [15]. Cependant, les MICI augmenteraient significativement le risque de prématurité et d’hypotrophie

fœtale [25]. Ce risque est d’autant plus élevé que la maladie est évolutive

(corrélation avec l’indice d’activité). Au cours d'une poussée, ce risque semble plus élevé chez les malades atteints de MC, notamment en cas d'atteinte iléale ou d'antécédent de chirurgie abdominale [26].

Les complications les plus fréquentes dans notre série sont l’hypotrophie et l’avortement et non pas la prématurité contrairement aux résultats retrouvés dans la littérature qui sont plus en faveur de la fréquence de la prématurité et de l’hypotrophie [14-27-28]. Pour certains auteurs, le risque accru de prématurité semblerait exister avant que la MICI ne soit déclarée [29]. Cependant, certaines publications récentes ne montrent pas d’augmentation de la

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prématurité en cas d’exacerbation de la maladie en cours de grossesse [19-22]. Le risque de prématurité reste donc sujet à controverses. Une compilation portant sur 978 grossesses de femmes atteintes de MC et sur 88 grossesses de femmes atteintes de RCH montre un taux de prématurité respectivement de 2 et 3,5 %, chiffres inférieurs à ceux de la population générale [12].

Dans notre travail ce risque était nul. Il faut toutefois garder ce risque à l’esprit en cas de maladie active au moment de la conception ou de réactivation pendant la grossesse. La meilleure prévention serait l’obtention rapide de rémission par un traitement efficace des poussées.

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