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Annexe 2 – Gregory Crewdson : Photographies

3. Michel Subiela : téléaste fantastique

Deux ans après Belphégor, ou le Fantôme du Louvre, une autre série télévisée fantastique, prenant la forme d’une collection de téléfilms, va parvenir à marquer la télévision de son empreinte. Il s’agit, du Tribunal de l’Impossible, créée par Michel Subiela, téléaste essentiel dans l’histoire du genre.

a. Le Navire Étoile

Avant de s’attaquer directement à l’analyse de l’œuvre fantastique mise en place par Michel Subiel, il convient de retracer brièvement sa carrière passée à la télévision, et notamment sur la série Le Navire Étoile. Michel Subiela a travaillé à l’adaptation de nombreux classiques pour la télévision avant de faire découvrir au public français un genre alors inédit à la télévision : la science-fiction.

Grâce au soutien d’Albert Ollivier, alors directeur de l’ORTF, Michel Subiela put mettre sur pied son projet, Le Navire Étoile. Cette première série de science-fiction n’aurait sans doute pu voir le jour sans l’ouverture d’esprit d’un homme comme Albert Ollivier, comme le souligne Michel Subiela dans son entretien accordé à Jacques Baudou et Jean-

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Jacques Scheleret44. Il souligne également la liberté permise par l’absence de concurrence à l’époque : la chaîne unique permettait les expérimentations.

Le Navire Étoile, adapté du roman d’E.C Tubb, est scénarisée par Michel Subiela et

réalisée par Alain Boudet. Elle est diffusée le 11 décembre 1962 à la télévision. On y suit les aventures de passagers d’un astronef, soumis à des règles de vie autoritaires afin de pouvoir maintenir le cycle de la vie.

Cette exploration dans un genre nouveau à la télévision suscitera des réactions partagées. Jacques Baudeau et Jean-Jacques Schleret notent ainsi : « Les réactions du public furent tout aussi tranchées : les uns adorèrent, les autres détestèrent, et l’émission suscita un courrier considérable. L’arrivée de la science-fiction à la télévision n’était pas passée inaperçue ! »45.

Pensée pour connaître une suite, Le Navire Étoile ne dépassera néanmoins pas son statut d’épisode unique. En effet, Claude Contamine, qui succéda à Albert Ollivier, après la mort de celui-ci, considérait qu’il était impossible d’intéresser le public français à la science- fiction… Malgré l’échec de cette approche à la science-fiction, Michel Subiela put ensuite travailler sur l’une des œuvres majeures fantastiques de la télévision : Le Tribunal de

l’Impossible, qui trouva l’appui de Claude Contamine, disposant d’un vrai « goût pour les

légendes et l’histoire »46.

b. Le Tribunal de l’Impossible

Diffusée de 1967 à 1974, Le Tribunal de l’Impossible compte 15 téléfilms de 90 minutes. Contrairement à Belphégor précédemment analysée, on parlera de « collection » dans le cas de cette série télévisée et non de feuilleton : les épisodes la composant sont en effet indépendants les uns des autres. Chaque téléfilm est centré autour d’un récit historique, devenu généralement des légendes urbaines. Le premier épisode se focalise par exemple sur la célèbre histoire de la bête du Gévaudan.

Michel Subiela explique de cette manière le projet qu’il a mis en place : « Parallèlement, ou plus exactement en prolongement de mon projet de science-fiction, j’avais une autre idée qui était d’introduire la littérature fantastique dans les programmes de la télévision, persuadé que le petit écran était le « coin du feu » de cette seconde moitié du

44 Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret, Merveilleux, Fantastique et Science-Fiction à la télévision française, op.cit., p.26. 45 Ibid., p. 27.

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XXème siècle et qu’on s’y retrouverait comme aux anciennes veillées. Mais sachant les réticences que cela susciterait dans certains milieux, j’avais l’intention de passer d’abord par le récit d’aventures insolites reposant sur des faits historiques. J’avais d’abord dressé une sorte de tableau des thèmes fantastiques traditionnels pour rechercher ensuite leur illustration dans l’histoire. Il y avait là une sorte de volonté pédagogique, une façon d’amener le spectateur à accepter, à travers des événements réels, le climat et l’atmosphère du fantastique. »47.

La tâche de Michel Subiela a donc été celle d’introduire progressivement le genre fantastique à la télévision, après le semi-échec que cela avait été avec la science-fiction. Un travail effectué dans la durée, qui devait habituer le spectateur à ce genre dont il n’était pas forcément connaisseur. Il serait cependant faux de dire que Michel Subiela a introduit le genre à la télévision en France car des œuvres fantastiques existaient déjà auparavant, comme nous avons pu le voir précédemment avec Belphégor, ou le Fantôme du Louvre. Le travail du téléaste avait pour nouveauté de placer le genre au sein même du concept de cette « série collection », un cas unique en France.

Chaque épisode était suivi d’un débat composé d’experts, et cela depuis le premier épisode (La Bête du Gévaudan). Ces débats étaient imposés par la direction de la télévision qui souhaitait offrir de multiples hypothèses de résolution sur les faits rapportés par l’épisode qui précédait. Il s’agissait surtout de pouvoir apporter une explication d’ordre rationnel à l’histoire, et contrebalancer le concept fantastique de la collection. Cela laissait tout de même à Michel Subiela la liberté de ne pas avoir à livrer de fins réellement explicatives à ses récits. Les faits évoqués sont libres d’interprétation, entre explication « logique » et puissance de l’imaginaire. Ces débats programmés à la suite des épisodes, où les résolutions rationnelles étaient privilégiées, témoignent tout de même de la crainte pour le genre fantastique, et pour l’imaginaire.