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C. miARN en santé humaine

1. Les miARN comme biomarqueurs

C’est dès 2005 que le potentiel diagnostique des miARN a été perçu. Dans une étude

cherchant à mesurer l’expression de 217 miARN sur 334 échantillons dont des cancers, Lu et

collaborateurs ont montré qu’ils étaient capables de différencier des tissus cancéreux de tissus

sains, mais également de classifier (avec plus ou moins de facilité) les différents types de cancers qu’ils considéraient grâce aux miARN (Lu et al., 2005).

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Lorsqu’on examine l’expression des miARN pour définir leur potentiel diagnostique, il

semble en fait plus facile de considérer une signature plutôt qu’un miARN isolé. Ceci est

probablement dû aux effets souvent limités d’un miARN seul sur le devenir des cellules (Vidigal

and Ventura, 2014). Une signature est en fait un ensemble de miARN induits et/ou réprimés

dans les tissus malades par rapport aux tissus sains. Un exemple de ce type de signature –

découverte par Jung et collaborateurs – est l’ensemble de 5 miARN induits et de 6 miARN

réprimés dans des cellules cancéreuses rénales et qui permet de séparer de façon très robuste

les tissus cancéreux des tissus sains (Jung et al., 2009). En réalité, deux des miARN (miR-

141, réprimé dans les tissus cancéreux et miR-155, induit dans les tissus cancéreux) suffisent

à classifier presque parfaitement les deux échantillons que les auteurs ont testés. De la même manière, de nombreuses signatures pour d’autres cancers ont été étudiés : leucémie (Calin et

al., 2005), pancréas (Lee et al., 2007), colon (Schepeler et al., 2008), prostate (Schaefer et

al., 2010; Martens-Uzunova et al., 2012), poumon (Yanaihara et al., 2006), sein (Mattie et al.,

2006), etc. Il existe en fait une pléthore de travaux de ce genre, cherchant à discriminer la

pathologie des tissus sains. La plupart des signatures permettent de distinguer les tissus

cancéreux des tissus sains dans 80 à 90% des cas et le recouvrement entre miARN dérégulés

entre différentes études peut être assez faible, bien que certains semblent plus souvent retrouvés que d’autres (p.ex. miR-21). Un des problèmes constant en revanche est la baisse

de ces chiffres de distinction cancéreux/sains – parfois de façon très significative – lorsqu’une

signature donnée est utilisée sur d’autres études indépendantes. Malgré ce problème, un test

de laboratoire a tout de même été créé et commercialisé par la société Asuragen sous le nom

de miRInform® Pancreas. Ce test permet de diagnostiquer les adénocarcinomes canalaires pancréatiques en se basant sur l’expression différentielle entre miR-196a et miR-217

(Szafranska-Schwarzbach et al., 2011). L’utilisation de cette technologie, en plus des tests

utilisés à l’heure actuelle pour détecter ce type de cancer, permet l’amélioration significative

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Pour le caractère pronostique des miARN en revanche, ce sont très souvent des miARN isolés qui sont étudiés et qui permettent de stratifier l’état de la maladie. Par exemple,

l’expression de miR-196a est plus forte dans les adénocarcinomes œsophagiens, le syndrome

de Barrett (métaplasie des cellules de la partie basse de l’œsophage) et les lésions

dysplasiques, comparés aux muqueuses normales. Son expression est également plus forte

dans les dysplasies de haut grade par rapport au syndrome de Barrett et aux dysplasies de faible grade, indiquant donc une corrélation entre l’état d’avancement des adénocarcinomes

œsophagiens et l’expression du miARN, ce qui permet d’envisager son potentiel pronostique

(Maru et al., 2009). Dans le cas de la prostate, c’est l’expression du miR-221 qui montre une

anticorrélation avec la progression tumorale (Spahn et al., 2010; Kneitz et al., 2014) alors que pour les carcinomes hépatiques, c’est la perte de miR-122 qui est associée à la progression

de la maladie (Coulouarn et al., 2009). L’expression de miR-21, que nous avons déjà évoqué,

semble significativement corrélée avec l’état d’avancement du cancer du sein (Yan et al.,

2008) alors que l’expression de miR-155 semble être associé, quant à elle, à une meilleure

survie des patients atteints du cancer des poumons (Raponi et al., 2009; Donnem et al., 2011).

Si les premières études sur l’utilité des miARN en tant que biomarqueurs ont été

poursuivies essentiellement sur des échantillons de biopsies humaines, on voit aujourd’hui de

plus en plus d’études cherchant à identifier les miARN circulants. En effet, les miARN ont été

isolés dans de nombreux fluides corporels, que ce soit le sérum, le plasma, les urines, la salives, le lait maternel ou encore le liquide lacrymal (Cortez et al., 2011). L’avantage de ces

miARN circulants est leur grande stabilité – due à leur protection par des vésicules lipidiques

comme les exosomes (Cheng et al., 2014) ou les corps apoptotiques (Zernecke et al., 2009)

ou encore par des lipoprotéines à haute densité (HDL) (Vickers et al., 2011). Il est donc assez facile de récupérer ces miARN (prise de sang p.ex.) et mesurer leur niveau d’expression

(qPCR p.ex.).

La première étude ayant proposé la possibilité d’utiliser les miARN circulant comme

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augmenté dans le sérum des patients atteints de cancer avancé de la prostate (Mitchell et al.,

2008). Depuis, de nombreuses études ont dévoilé ce potentiel pour divers cancers, autant

pour le diagnostic (Lodes et al., 2009; Bryant et al., 2012; Chiam et al., 2015; Erbes et al.,

2015; Hou et al., 2015; Shin et al., 2015) que le pronostic (Brase et al., 2011; Moltzahn et al.,

2011; Antolín et al., 2015; Wozniak et al., 2015). Les miARN circulants ne sont évidemment

pas étudiés que dans le cas des cancers mais aussi pour les malformations congénitales comme celles touchant le cœur (Zhu et al., 2013) ou plus singulièrement, celles affectant le

statut des spermatozoïdes (Wu et al., 2012). Malheureusement, les miARN circulant n’améliorent pas vraiment la sensibilité et la spécificité à distinguer les cellules saines des

autres cellules par rapport aux miARN présents dans les tissus, puisque les chiffres observés

sont sensiblement identiques aux analyses sur tissus. En revanche, leur étude est bien plus simple. Les deux méthodologies gardent tout de même un fort potentiel puisqu’elles montrent

toutes deux des chiffres bien supérieurs à ce que l’expression des gènes seuls permet

d’obtenir. Des études à bien plus grande échelle et intégrées permettraient sans doute

d’obtenir de meilleures statistiques afin de déterminer plus aisément des signatures

diagnostiques et/ou pronostiques spécifiques.