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4.2 Estimation des courants électriques photosphériques

4.2.2 Mesures spectropolarimétriques par des instruments spatiaux

Comme mentionné plus haut, en présence d’un champ magnétique, une raie atomique est élargie et la polarisation varie en fonction de la longueur d’onde au sein de cette raie. On utilise donc un spectromètre en plus du polarimètre, qui permet de faire la mesure de la polarisation à une longueur d’onde précise et donc d’échantillonner toute la raie en longueur d’onde. On parle alors de spectropolarimétrie. Dans la suite de cette section, je présente le spectropolarimètre SOT sur le satellite Hinode, avec lequel j’ai travaillé pendant mon stage de master, et le spectropolarimètre HMI sur le satellite SDO, d’où proviennent les données magnétiques utilisées pendant ma thèse.

Hinode/SOT

Le satellite Hinode résulte d’une coopération entre l’agence spatiale japonaise, l’agence spatiale britannique, la NASA et l’ESA. Il a été lancé en 2006 et orbite autour de la Terre. L’un des trois télescopes à bord, le Solar Optical Telescope (SOT), est équipé d’un spectropolarimètre qui permet de réaliser des observations dans deux raies du Fer I à 6301.5 Å et à 6302.5 Å. Ces raies sont émises dans la photosphère.

Figure 4.3 – Exemple de données SOT : à gauche, balayage assemblé d’images (paramètre de Stokes I) réalisées à travers la fente, formant une image du continuum de la photosphère, le 13 décembre 2006. Droite : Spectres des paramètres de Stokes I, Q, U, V, dans les lignes du Fer I à 630.15 et 630.25 nm, pris à l’endroit de la ligne verte sur l’image de gauche (Berger & Slater, 2009).

SOT a un champ de vue réduit et réalise des scans des régions actives sélectionnées, c’est-à-dire que pour réaliser la carte de la région, on déplace la fente du spectromètre dans la c’est-à-direction perpendiculaire à la direction de la fente. Pour chaque position de la fente, et pour chaque paramètre de Stokes, un spectre est réalisé. Un exemple de données SOT est présenté en figure 4.3.

SOT a une résolution spatiale de 0.32 secondes d’angle, et une résolution temporelle de 4.8 secondes pour chaque position de la fente. Le temps nécessaire à la réalisation d’une carte dépend de la taille de la région active à scanner : une région active typique est généralement couverte en environ une heure. La résolution spectrale est de 21 mÅ, et les observations spectropolarimétriques sont réalisées dans deux raies proches du Fer I, à 6301.5 et 6302.5 Å (Berger & Slater, 2009). Ces deux raies sont formées à des altitudes très proches dans la photosphère solaire : réaliser deux cartes de champ magnétique vectoriel à ces deux altitudes proches permet de connaître la variation du champ magnétique dans les trois directions et donc de calculer les trois composantes du rotationnel du champ magnétique, ce qui revient à calculer les trois composantes de la densité de courant électrique.

SDO/HMI

Le satellite Solar Dynamic Observatory (SDO), développé par la NASA, a été lancé en 2010. Ce satellite en orbite geosynchrone observe le soleil en continu. Parmi les trois instruments à bord, l’instrument Helioseismic and Magnetic Imager (HMI), permet en particulier de réaliser des obser-vations spectropolarimétriques du disque solaire entier. L’instrument est équipé de six filtres qui permettent de sélectionner six longueurs d’ondes dans le profil de la raie du Fer I à 6173.3 Å (voir figure 4.4). Un élément polariseur permet de sélectionner un état de polarisation. Chaque magné-togramme est obtenu à partir de 24 images, dans quatre états de polarisations et à six longueurs d’ondes différents. La résolution temporelle (cadence entre deux images) est de moins de 4 secondes. Pour augmenter le rapport signal sur bruit, les données disponibles sont en fait la somme de plu-sieurs images, permettant de reconstruire un magnétogramme toutes les 12 minutes. Cependant, il est possible d’accéder à des données « à haute cadence temporelle » (135 secondes).

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Figure 4.4 –Profils de transmission des filtres comparé au profil de la raie observée. La ligne noire en haut du graphe représente le profil de la raie du Fer observée. Les lignes colorées représentent les profils de transmission des filtres espacés de 7.6 nm. (Schou et al., 2012)

Comparaison des deux instruments

L’instrument SOT permet de faire des mesures spectropolarimétriques dans deux raies du fer proches (un doublet) ; cependant une région active est scannée en plusieurs dizaines de minutes (souvent environ une heure) avec une très bonne résolution spectrale. Au contraire, l’instrument HMI a une très bonne cadence temporelle, de 12 minutes pour les données disponibles (et même une plus haute cadence sur demande), et réalise des observations du disque solaire entier ; cependant, ces mesures ne sont réalisées que dans une raie du fer.

Pour l’étude des courants électriques en relation avec des éruptions solaires, nous avons privilégié l’intrument SDO/HMI car sa cadence temporelle de 12 minutes permet d’obtenir des cartes de la densité de courants électriques dans la région active au moment de l’éruption, et même d’étudier l’évolution de ces courants pendant l’éruption solaire. De plus, comme tout le disque solaire est observé, on est certain que les données existent pour la région active étudiée. On note cependant qu’une seule raie est utilisée, ne permettant pas de mesurer le courant électrique total, mais seule-ment sa composante verticale (car on ne connait la variation du champ magnétique que dans un plan orthogonal à la ligne de visée).

Vector magnetic field − 15−Feb−2011 01:48:00

150 200 250 300 x (arcsec) −280 −260 −240 −220 −200 −180 y (arcsec) 1000 G −2000 −1000 0 1000 2000

vertical magnetic field (G)

Vertical current density − 15−Feb−2011 01:48:00

150 200 250 300 x (arcsec) −280 −260 −240 −220 −200 −180 y (arcsec) −300 −200 −100 0 100 200 300

vertical current density (mA/m²)

Figure 4.5 – Gauche : carte du champ magnétique vectoriel ; droite : carte de la densité de courant vertical. Ces deux cartes sont produites à partir des données SDO/HMI, le 15 février 2011 à 01 :48 TU. Le rectangle noir représente le champ de vue utilisé pour l’étude décrite en section 4.4. A gauche, les flèches représentent la composante horizontale du champ (lorsque la magnitude du champ horizontal est supérieure à 100 G) et les couleurs représentent la valeur du champ vertical. A droite, les couleurs représentent la valeur de la composante verticale de la densité de courant électrique (figure adaptée de Musset et al., 2015).