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Les mesures du profit : de la sous‐traitance comme consommations intermédiaires à la sous‐traitance comme dépenses de travail

Annexes Annexe 1 : Taux de sous‐traitance agrégés par secteur entre 2009 et

Annexe 3 : Les conséquences des relations de sous‐traitance sur les indicateurs de rentabilité

1. Les mesures du profit : de la sous‐traitance comme consommations intermédiaires à la sous‐traitance comme dépenses de travail

 

Parmi  l’ensemble  des  indicateurs  de  profit,  nous  avons  privilégié  des  indicateurs  de  rentabilité  économique  qui  permettent  de  rendre  compte  de  la  capacité  des  entreprises  à  dégager des profits à partir de leur activité de production. Le numérateur de nos indicateurs  se réfère ainsi à l’excédent brut d’exploitation (EBE). 

Le  choix  du  dénominateur  a  été  davantage  contraint.  Les  fonds  propres  de  l’entreprise,  indicateur qui est souvent celui scruté par les opérateurs des marchés financiers, n’a pu être  retenu,  faute  de  données  sur  les  fonds  propres  dans  les  enquêtes  annuelles  d’entreprises  (EAE 2003‐2007) et dans DIANE (2007‐2010).  

La seconde possibilité est de rapporter l’EBE aux immobilisations, afin de prendre en compte  les investissements réalisés pour la production. C’est cette option que nous avons retenue  en mobilisant les données issues des EAE jusqu’en 2007.  

L’indicateur  de  "taux  de  profit"  rapporte  ainsi  l’excédent  brut  d’exploitation  (EBE)  aux  immobilisations (Immo) :  

∶  

Il  renvoie  à  la  rentabilité  économique  de  l’entreprise  dans  la  mesure  où,  étant  donné  le  dénominateur, cet indicateur se rapproche d’un taux de rendement du capital physique. Par  ailleurs, en retenant l’excédent brut d’exploitation au numérateur, on entend rendre compte  de  la  capacité  de  l’entreprise  à  générer  des  profits  seulement  à  partir  de  son  activité  de  production, indépendamment de son mode de financement35.  

Cependant, si cet indicateur consiste à évaluer la rentabilité du capital investi, il ne rend pas  compte  de  l’ensemble  du  capital  avancé  par  les  entreprises,  d’où  l’importance  d’étudier  aussi  le  taux  de  marge36  dans  la  mesure  où  il  rapporte  l’excédent  brut  d’exploitation  à  la  valeur ajoutée (VA)37. Cette fois, les profits de l’entreprise sont appréciés en fonction de son  volume d’activité. 

∶  

      

35 Cet indicateur est proche de l'indicateur de "rentabilité économique" retenu par l'Insee qui rapporte l'EBE au  "capital  économique"  c'est‐à‐dire  la  somme  des  immobilisations  et  du  besoin  en  fonds  de  roulement.  Voir  Insee  (2013).  Nous  avons  donc  privilégié  ce  type  d’indicateurs  à  ceux  qui  rendent  compte  d’une  stratégie  financière (qui reposent par exemple sur le résultat net, qui prend en compte les résultats financiers). 

36  Le  complément  du  taux  de  marge  est  la  part  des  salaires  dans  la  valeur  ajoutée  (évaluée  aux  coûts  des  facteurs). 

37

 Avec  VA = Chiffre d'affaires ‐ Consommations intermédiaires 

Le taux de marge et le taux de profit peuvent être améliorés par une baisse du salaire moyen  ou  une  augmentation  de  l’intensification  du  travail  (Valeyre,  2006).  Dans  quelle  mesure  peuvent‐ils être aussi augmentés par une modification des modes de mobilisation du travail,  et en particulier par une extériorisation de l’emploi via la sous‐traitance ?  

Nous rejoignons ici les travaux de Gonzalez (2002) qui avait cherché à évaluer l’impact d’une  augmentation  du  recours  au  travail  intérimaire  sur  la  productivité  du  travail.  Elle  montrait  ainsi  qu’un  recours  accru  à  l’intérim  produisait  une  amélioration  de  l’indicateur  de  productivité, de par sa construction même, dans la mesure où les intérimaires ne participent  ni aux effectifs ni à la création de valeur ajoutée de l’entreprise utilisatrice puisque le coût de  leur  rémunération  intervient  dans  ses  consommations  intermédiaires38.  L’indicateur  de  productivité  du  travail  (par  branche)  est  donc  sensible  à  la  répartition  des  effectifs  entre  salariés  permanents  et  travailleurs  intérimaires.  La  reventilation  des  intérimaires  dans  les  indicateurs  d’effectifs  et  de  valeur  ajoutée,  conduit  à  réduire  de  manière  significative  le  niveau mais aussi la croissance de la productivité du travail. 

Les  dépenses  de  sous‐traitance  peuvent  être,  de  même,  considérées  comme  une  forme  d’extériorisation  de  la  main‐d’œuvre  qui  conduit,  au  niveau  comptable,  à  enregistrer  des  dépenses  de  main‐d’œuvre  en  consommations  intermédiaires,  et  à  réduire  ainsi  la  valeur  ajoutée  et  les  effectifs  de  l’entreprise.  Un  recours  accru  à  la  sous‐traitance  pourrait  donc  conduire à une amélioration "fictive" des indicateurs de profitabilité ou de rentabilité.  Nous proposons donc de construire un indicateur de taux de marge "ajusté" permettant de  considérer qu’une partie au moins des dépenses de sous‐traitance consiste en des dépenses  de main‐d’œuvre.   En effet, en considérant que la main‐d’œuvre mobilisée via la sous‐traitance fait également  partie du collectif de travail du donneur d’ordres participant à sa création de valeur ajoutée,  il  s’agit  alors  d’augmenter  la  valeur  ajoutée  d’une  partie  au  moins  des  dépenses  de  sous‐ traitance  qui  ne  seront  plus  de  la  sorte  comptabilisées  comme  consommations  intermédiaires.  

La jurisprudence a établi un critère au début des années 1990 selon lequel au moins 50% des  dépenses de sous‐traitance doivent correspondre à la rémunération du travail chez le sous‐ traitant, faute de quoi le contrat serait susceptible d’être requalifié en contrat de vente39. On  peut donc définir un taux de marge dans lequel la valeur ajoutée est augmentée de 50% des  dépenses  de  sous‐traitance  correspondant  au  minimum  du  financement  de  prestations  de  travail  dans  le  recours  à  la  sous‐traitance.  Il  s’agit  par  ce  biais  de  mettre  en  évidence  la  valeur  ajoutée  qu’a  réellement  contribué  à  produire  l’entreprise  donneur  d’ordres  par  la  mise  au  travail  de  ses  employés,  mais  aussi  de  ceux  des  sous‐traitants  (Perraudin  et  alii., 

      

38 La valeur ajoutée créée par les intérimaires est comptabilisée dans les entreprises de travail temporaire. La  VA des entreprises utilisatrices est quant à elle réduite du montant des missions d'intérim, enregistrées comme  consommations intermédiaires. 

2013). La part des dépenses de travail dans la valeur ajoutée ou "part des salaires ajustée"  devient :  é ∶ 0.5 0.5   Le complément de cet indicateur correspond au taux de marge ajusté. Par rapport au taux  de marge habituel, son  numérateur n’est pas modifié, le transfert de 50% des dépenses de  sous‐traitance,  des  consommations  intermédiaires  vers  les  dépenses  de  rémunération  du  travail, ayant un effet neutre sur l’excédent brut d’exploitation. 

é ∶

0.5  

Ce taux de marge ajusté ne concerne, au niveau individuel que les entreprises enregistrant  des  dépenses  de  sous‐traitance,  c’est‐à‐dire  les  entreprises  donneurs  d’ordres.  La  comparaison entre les résultats issus du taux de marge et ceux issus du taux de marge ajusté  devrait  permettre  de  faire  la  part  entre  une  logique  d’efficacité  productive  et  celle  des  rapports  de  force  issue  des  pratiques  d’extériorisation  de  la  main‐d’œuvre.  Si  le  taux  de  marge  des  donneurs  d’ordres  s’améliore  sans  que  leur  taux  de  marge  ajusté  en  fasse  de  même, c’est que la source de profit se situe dans le fait d’extérioriser la main‐d’œuvre, c’est‐ à‐dire dans le pouvoir qu’ont les donneurs d’ordres à choisir la nature juridique de la relation  de travail, non neutre sur les indicateurs de rentabilité.    2. Des difficultés à concilier le niveau établissement et le niveau entreprise   Nous rencontrons un problème méthodologique pour analyser les taux de marge et les taux  de  profit  selon  la  position  dans  la  chaîne  de  sous‐traitance.  En  effet,  la  position  dans  la  chaîne  de  sous‐traitance  peut  être  obtenue  au  niveau  des  établissements  à  partir  de  l’enquête REPONSE, alors que les indicateurs de profit et de marge ne peuvent être calculés  qu’au niveau entreprise (pas d’informations comptables sur l’EBE, la VA, les immobilisations  et la sous‐traitance au niveau des établissements).  

Un  second  problème  porte  sur  l’accès  aux  données  d’entreprises.  En  effet,  dans  notre  réponse à l’appel à projets, nous avions envisagé de calculer les taux de profit et de marge à  partir des ESANE, données que nous avions demandé d’apparier à l’enquête REPONSE dans  notre demande d’habilitation au comité du secret statistique (mars 2013). Or, ces données  ne nous ont pas été communiquées. Nous espérions les obtenir au début de l’année 2014,  suite à une nouvelle demande au comité du secret de décembre 2013, ce qui n’a pu être le  cas faute de l’accord du secret fiscal.  

Une solution de repli a consisté à utiliser la base DIANE pour laquelle l’Université de Paris 1  dispose  d’un  abonnement.  Cependant,  la  base  DIANE  renseigne  très  mal  les  dépenses  de  sous‐traitance  confiées,  et  pas  du  tout  les  dépenses  de  sous‐traitance  reçues.  S’il  est  ainsi  possible de calculer les indicateurs habituels de profit et de marge à partir de la base DIANE,  ce  n’est  pas  le  cas  pour  le  taux  de  marge  ajusté  qui  nécessite  des  informations  sur  le  montant de sous‐traitance confiée. Dans des travaux précédents mobilisant les données EAE  jusqu’en  2007,  nous  avions  pu  calculer  ces  différents  indicateurs,  mais  seulement  concernant l’industrie, puisque les EAE jusqu’en 2007 ne donnaient pas d’information sur la  sous‐traitance  en  dehors  de  l’industrie.  Nous  espérons  que  les  données  ESANE  fourniront  des informations sur les dépenses de sous‐traitance confiées et reçues et cela pour tous les  secteurs et non uniquement pour l’industrie  (comme cela semble possible étant données les  informations disponibles sur le site de l’INSEE, cf. annexe 1).  

Face à ces difficultés, nous avons envisagé plusieurs possibilités : 

(1)  se  limiter  aux  seules  données  d’entreprises  qui  renseignent  non  seulement  les  indicateurs de profit mais aussi ceux portant sur les dépenses de sous‐traitance (confiées et  reçues),  permettant  de  rendre  compte  de  la  sorte  de  la  position  de  l’entreprise  dans  la  chaîne de sous‐traitance. Mais, cette étude ne peut être menée qu’à condition de disposer  les  ESANE,  en  espérant  que  les  dépenses  de  sous‐traitance  (confiées  et  reçues)  soient  renseignées, et cela dans tous les secteurs.  (2) définir une position dans la chaîne de sous‐traitance pour le niveau "entreprise" à partir  des informations sur les établissements fournies par REPONSE. Nous pourrions définir ainsi :   une entreprise donneur d’ordres (DO) si elle a au moins un établissement DO,  les autres n’étant pas inscrits dans la chaîne de sous‐traitance   une entreprise preneur d’ordres (PO) si elle a au moins un établissement PO,  les autres n’étant pas inscrits dans la chaîne de sous‐traitance 

 une  entreprise  donneur  d’ordres  et  preneur  d’ordres  (PO‐DO)  si  elle  a  au  moins  un  établissement  PO  et  un  établissement  DO,  ou  si  elle  a  un  établissement PO‐DO et un établissement DO ou PO ou non concerné par la  chaîne de sous‐traitance. 

(3)  limiter  notre  étude  aux  seules  entreprises  mono‐établissement  :  de  la  sorte,  nous  disposons de la position de l’entreprise (via REPONSE) et de ses taux de profit et de marge  (via  DIANE),  mais  nous  "perdons"  les  établissements  appartenant  à  des  entreprises  multi‐ établissements. 

Faute  de  pouvoir  disposer  des  données  ESANE,  nos  premières  investigations  ont  porté  sur  cette  dernière  méthode.  Dans  des  travaux  précédents,  nous  avions  pu  mener  l’analyse  relevant de la première méthode, mais uniquement sur le champ de l’industrie et pour une  période plus ancienne (2003‐2007) que celle qui nous intéresse dans ce rapport (2007‐2010).  Les résultats sont présentés comme éléments de discussion de notre hypothèse.  

3. Premières investigations empiriques de la rentabilité selon les liens de sous‐