II‐ Des salaires différenciés le long de la chaîne de sous‐traitance
2.3 En dynamique, évolution à structure constante
Sur la période 2008‐2010, la base de données mobilisée nous permet uniquement une lecture dynamique séquentielle : nous étudions donc séparément la période 2008‐2009 puis la période 2009‐2010.
Une première approche consiste à prendre en compte l’ensemble des postes présents au moins une des deux années. Sur cette population, les salaires réels horaires moyens ont augmenté de 1,7% entre 2008 et 2009 et de 1% entre 2009 et 2010 (évolution des salaires en euros constants, l’évolution des prix étant évaluée par l’indice des prix à la consommation)16. On a donc un ralentissement des hausses de salaires entre les deux périodes qui peut s’interpréter comme un effet de la crise. Si l’on compare les évolutions des salaires horaires moyens selon la position des entreprises dans les chaînes de sous‐traitance, on voit une nette différenciation des situations. Entre 2008 et 2009, les salaires semblent avoir davantage augmenté dans les établissements PO que dans les DO, et particulièrement peu chez les DO+2, et encore moins chez les PO purs. Ce seraient ainsi les PO‐DO qui auraient le plus augmenté les salaires.
Entre 2009 et 2010, la hausse des salaires est plus importante chez les DO relativement aux PO, et cela est le fait des DO‐2. Les PO‐DO ainsi que les PO purs ont leur salaire horaire moyen qui n’augmente quasiment pas en termes réels.
Ces tendances globales sont le fruit de deux dynamiques très différentes : l’évolution des niveaux de salaires à structure constante d’une part, et l’évolution de la structure des heures d’autre part. Afin de mieux comprendre les différences entre établissements, nous avons dissocié ces deux effets (voir tableau 3).
La structure de l’emploi est spécifiée à partir des caractéristiques des salariés par qualification (en distinguant 4 catégories : cadres, professions intermédiaires, ouvriers et employés qualifiés, ouvriers et employés non qualifiés), par âge (moins de 30 ans, 30 à 50 ans, et plus de 50 ans), par type de contrat (CDD, CDI) et par sexe. Cela nous permet d’évaluer l’évolution des salaires à structure constante. On en déduit ensuite l’incidence de l’effet de structure. 16 L’évolution de l’indice des prix à la consommation est de 0,1% entre 2008 et 2009, et de 1,5% entre 2009 et 2010 (Bichler et Kerjosse, 2012). Les chiffres évoqués ici ne sont pas comparables à ceux publiés par l’INSEE sur les évolutions de salaires sur la période (voir par exemple Bichler et Kerjosse, 2012) pour plusieurs raisons. Premièrement, nous nous focalisons sur les postes des établissements présents dans l’échantillon de REPONSE, donc sur le champ couvert par cette enquête alors qu’ils traitent du secteur privé et des entreprises publiques. Cela induit par exemple que nos statistiques ne prennent donc pas en compte l’intérim, premier vecteur de changement de structure des emplois. Ensuite leur champ d’analyse est plus large que le notre (puisqu’ils gardent les postes non ordinaires et secondaires) et ils calculent des données en équivalent temps plein.
Tableau 2.3 : Evolution des salaires réels horaires moyens (en euros constants) selon la position de l’établissement dans la chaîne de sous‐traitance Champ : salariés des établissements de 10 salariés et plus du secteur marchand non agricole Source : DADS, emploi ordinaire non annexe poste principal dans un établissement de l’échantillon de REPONSE 2010 ayant répondu aux questions sur la sous‐traitance. Sur les deux périodes considérées, l’incidence globale de l’effet de structure est positif : la part des salariés les moins bien payés a diminué sur les deux périodes, et ce, plus nettement lors de la première. L’analyse détaillée de la structure des populations employées permet de préciser le constat pour chacune des deux périodes. En 2009, il y a plus de femmes, plus de temps partiel, plus de CDI, plus de qualifiés et plus de salariés plus âgés qu’en 2008. Au total, le fait que la population salariée soit plus qualifiée, plus âgée et plus en CDI a eu un impact déterminant car l’incidence de l’effet de structure est positif : à structure constante, la hausse de salaire aurait été plus faible que celle constatée (de 0,3% plutôt qu’1,7%). Entre 2009 et 2010, on constate des tendances similaires dans la modification de la structure des emplois, sauf pour la part des CDD qui a cette fois‐ci augmenté. Au total, c’est toutefois la part croissante de salariés plus âgés et plus qualifiés qui a été l’élément majeur, car là encore, l’incidence de l’effet de structure est positive. A structure constante, la hausse des salaires réels horaires moyens aurait été de 0,2% plutôt que 1%.
Soulignons que, faute d’information17, ces estimations ne prennent pas en compte l’emploi intérimaire. Ce type de contrat étant un des premiers outils d’ajustement du niveau
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Dans les DADS, les intérimaires sont enregistrés dans les entreprises d’intérim. Comme on se restreint au champ de REPONSE et que l’enquête ne comporte quasiment pas d’entreprises d’intérim, cela nous conduit à omettre ce type de contrat dans l’analyse. Evolution Incidence de l'effet de structure Evolution à structure constante Evolution Incidence de l'effet de structure Evolution à structure constante Ensemble 1,7 1,4 0,3 1,0 0,8 0,2 Chaîne dépendance DOpur 1,7 1,4 0,3 1,4 0,7 0,7 PO‐50 2,2 1,1 1,1 0,4 1,2 ‐0,8 PO+50 2,0 2,2 ‐0,2 0,1 1,2 ‐1,1 Autres 1,5 1,2 0,3 0,4 0,6 ‐0,2 Chaîne report DO+2 1,3 1,6 ‐0,2 0,7 0,4 0,3 DO‐2 2,1 1,1 1,0 2,2 1,1 1,2 PO DO+2 2,1 1,6 0,5 0,3 1,4 ‐1,1 PO DO‐2 2,7 1,9 0,8 0,1 0,7 ‐0,7 POpur 0,9 1,4 ‐0,5 0,2 0,0 0,1 Autres 1,5 1,2 0,3 0,4 0,6 ‐0,2 2009‐2010 2008‐2009
d’emploi et concernant des salaires plus faibles que la moyenne, on peut supposer que leur non prise en compte tend à minimiser l’effet de structure.
L’analyse de l’évolution des salaires à structure constante modifie quelque peu la lecture du décalage entre nos deux périodes. Si les salaires réels ont plus augmenté entre 2008 et 2009 qu’entre 2009 et 2010, c’est notamment le fait d’un effet de structure beaucoup plus important en première période. A structure constante, les deux taux d’évolution sont proches (0,3% puis 0,2%) même si la hausse des salaires reste plus forte sur 2008‐2009 que sur 2009‐2010, confortant l’hypothèse d’un délai d’ajustement face à la crise.
Le tableau 3 nous permet également d’étudier l’impact de l’effet de structure selon la position des établissements dans les chaînes de sous‐traitance. Alors que l’évolution des salaires réels mettait en avant la situation plus favorable des PO (chaîne dépendance) et des PO‐DO (chaîne report), on se rend compte que ce décalage est largement dû à un effet de structure plus important, notamment chez les PO les plus dépendants.
D’après la chaîne dépendance, les PO qui le sont pour la plus forte proportion de leur CA (PO+50) se distinguent par un effet de structure très important par rapport aux DO mais également aux PO moins dépendant (PO‐50). Au cours de la seconde période, la situation des deux types de PO se rapproche. Ils partagent un effet de structure d’une ampleur plus importante que les autres établissements de la chaîne. Sur la période, à structure constante, les évolutions de salaires paraissent donc particulièrement défavorables chez les PO, contrairement à ce que donne à voir une première analyse en termes d’évolution globale des salaires réels horaires moyens. A structure constante, les salaires réels ont commencé à baisser chez les PO+50 dès 2008‐2009. Entre 2009 et 2010, ils baissent pour l’ensemble des PO et d’autant plus s’ils sont dépendants. En supposant que les profils de salariés embauchés par qualification, sexe et âge, soient restés les mêmes entre les deux années, l’on retrouve bien la hiérarchie attendue dans les évolutions de salaires.
Par ailleurs, l’importance de l’effet de structure souligne le poids des ajustements de l’emploi dans ce type d’établissements. Les salariés les moins bien payés ne sont plus présents d’une année à l’autre (soit parce qu’ils ont été licenciés, ou ont quitté l’entreprise, soit parce que leur contrat n’a pas été renouvelé). Selon la chaîne report, le même type d’interprétation peut être donné pour la situation des PO relativement aux DO pris dans leur ensemble. Entre 2009 et 2010, l’évolution des salaires réels à structure constante apparaît négative pour les PO‐DO (qu’ils soient faiblement DO ou non).
Cette chaîne souligne par ailleurs la situation particulière des DO‐2. La comparaison des évolutions de salaires à structure constante met en exergue ce profil d’entreprise comme ayant connu des évolutions de salaires particulièrement favorables.