Mesures et évaluation de l’exposition à la pollution de l’air
II.2. Les mesures de la pollution de l’air
La pollution de l’air se mesure à l’aide de réseaux de stations automatiques fixes pour surveiller la qualité de l’air quotidiennement, et de mesures plus ponctuelles, sous forme de campagne de mesures, pour répondre à une problématique précise.
II.2.1. Les réseaux de mesures
La plupart des grandes agglomérations dans le monde dispose d’un réseau de mesures automatiques permanent de concentrations de polluants atmosphériques. L’Organisation Mondiale de la Santé dispose d’une base de données issue de stations automatiques pour environ 1100 villes dans 91 pays (http://www.who.int/). Les polluants les plus fréquemment mesurés sont le dioxyde de souffre, les particules, l’ozone et le dioxyde d’azote. D’autres polluants sont aussi mesurés selon la problématique liée à l’emplacement de la station de mesures (à proximité de sources de pollution, en situation de pollution de fond...). En France, toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants disposent d’un réseau de stations automatiques mesurant en continu les concentrations de certains polluants primaires et secondaires, géré par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA ; http://www.atmo‐france.org/fr/).
Ces stations ont plusieurs objectifs. Au quotidien, elles permettent d’évaluer l’exposition à la pollution de l’air en mesurant en continu les niveaux de pollution, d’informer la population en couplant les mesures aux modèles de qualité de l’air et d’alerter en cas de dépassements des seuils mis en place pour limiter les risques sanitaires. A plus long terme, les données issues de ces stations permettent d’étudier les variations temporelles et spatiales de la pollution de l’air, de suivre les évolutions de la qualité de l’air, en les comparant aux objectifs de qualité de l’air, et d’analyser les effets de la pollution de l’air sur la santé.
Afin de répondre à ces objectifs, les stations sont placées selon certains critères afin qu’elles soient représentatives de sites considérés comme semblables ne se trouvant pas à proximité immédiate (ADEME, 2002). Elles sont classées selon la densité de population, le type d’espace et d’émissions autour des stations. Globalement ce classement se base sur des recommandations de l’OMS et des lignes directrices pour l’Union Européenne. En Europe, trois classifications différentes servent de base pour l’implantation des stations. Elles sont issues :
• des travaux du centre thématique sur l’air et le changement climatique (ETC‐ACC, European Topic Center on Air and Climate Change) pour l’agence européenne de l’environnement dans le cadre du projet « EUROAIRNET » (Larssen et al., 1999);
• de la décision du conseil européen 97/100/EC, nommée « Eol », sur l’échange d’informations sur la qualité de l’air au niveau européen ;
• des directives européennes relatives à la qualité de l’air (96/62/CE, 99/30/CE, 2000/69/CE et 2002/3/CE).
Ces classifications ne sont pas homogènes mais c’est surtout le nombre de classes qui diffère selon les pays. Trois grandes classes sont généralement définies au niveau mondial pour correspondre à une représentativité à différentes échelles :
• Les stations « planétaires » informent sur les évolutions à long terme de la composition de l’atmosphère. Elles doivent être représentatives d’un rayon de plus de 100 km.
• Les stations « régionales » sont représentatives de la pollution de l’air à une échelle climatologique régionale et donc des flux météorologiques arrivant d’une zone donnée. • Les stations « locales » sont représentatives de la pollution de l’agglomération et de proximité
émise par des sources anthropiques locales.
En France, différents acteurs du dispositif de mesure et surveillance de la qualité de l’air (le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air, la fédération ATMO et l’ADEME) ont collaboré pour rédiger un guide d’implantation des stations. Ce guide définit 7 classes de stations selon la proximité des sources d’émission (trafic, industrie) et en niveau de fond selon l’éloignement aux agglomérations (Tab. II.1 ; ADEME, 2002). En région parisienne, l’association Airparif a défini plusieurs classes de stations : • Les stations trafic, situées à quelques mètres au maximum de la circulation routière, source principale des polluants mesurée par ces stations ; • Les stations de fond (urbaine, périurbaine et rurale), représentatives du niveau de fond de la pollution de l’air ; • La station d’observation située au troisième étage de la Tour Eiffel.
Les données issues de ces stations sont utilisées dans cette thèse pour caractériser les variabilités spatiale et temporelle des concentrations d’O3, de NO2, PM10 et PM2,5 (cf. partie II).
32 Partie I – État de l’art
Tableau II.1 : Classification et objectifs des stations françaises du réseau ASQAA ; source : ADEME, 2002 Le critère d’implantation et de classification des stations selon la densité de population et les sources d’émission est discutable. Il ne prend pas en compte le relief, par exemple, qui peut influencer la variabilité des polluants (Martin, 2008). Dans la partie II, l’étude de la variabilité spatiale des concentrations d’O3, de NO2 et de PM10 indique une distribution temporelle et des
niveaux similaires pour plusieurs stations urbaines et périurbaines en région parisienne (cf. chapitre V). Les deux classes sont peu distinctes en Île‐de‐France. A l’inverse, dans une même classe, la variabilité temporelle et les niveaux des concentrations peuvent varier selon les stations. De nouvelles classifications sont proposées en prenant en compte l’occupation du sol et
le site de la station, à partir des données du réseau déjà existant sur une série temporelle longue et de modèles (Flemming et al., 2005 ; Janssen et al., 2012 ; Joly et Peuch, 2012). Les stations pourraient être reclassifiées à l’aide de taux déjà mesurés et de modèles pour être plus représentatives de sites considérés comme semblables.
Le réseau de stations de mesure automatique permet de surveiller et d’évaluer l’exposition à la pollution de l’air de l’ensemble de la population d’une région. Des campagnes de mesure à l’échelle régionale et locale permettent d’améliorer les connaissances sur les variabilités des polluants, ainsi que de mieux appréhender l’exposition à la pollution de l’air de chaque individu.
II.2.2. Les campagnes de mesure
Les campagnes de mesure sont temporaires en un point ou une aire géographique en vue de disposer d’informations sur les concentrations d’un ou plusieurs polluants pour améliorer les connaissances sur les variabilités du polluant ou ses impacts. Les campagnes de mesure peuvent être à plusieurs échelles temporelles et spatiales différentes, avec des moyens financiers et matériels différents. Ces mesures peuvent être mobiles et/ou fixes.
Plusieurs grandes campagnes ont été réalisées ces dernières années sur les aérosols et les particules dans des métropoles. Le projet européen MEGAPOLI (Emissions, urban, regional and Global Atmospheric POLlution and climate effects, and Integrated tools for assessment and mitigation) a commencé en 2008 avec un consortium de vingt cinq équipes françaises et européennes (http://megapoli.info/). Les objectifs sont de décrire et de quantifier les impacts des mégalopoles sur la qualité de l'air et la composition chimique de la troposphère à l’aide d’une modélisation mise en œuvre pour plusieurs mégalopoles européennes (Londres, Paris, Istanbul, etc.) et internationales (Mexico, Pékin, Le Caire, etc.). Pour cela, une campagne de mesure a été faite en région parisienne été 2009 et hiver 2009/10 visant à mieux quantifier les sources primaires et secondaires de l’aérosol organique afin de servir d’exemple pour les mégalopoles situées aux latitudes tempérées. Un vaste réseau instrumental a été mis en œuvre avec des stations fixes, des stations mobiles et des avions de recherche de type SAFIRE ATR‐42 en été et SAFIRE/PIPER AZTEC en hiver. Ces mesures ont permis de récolter des informations sur la composition chimique des particules, leurs propriétés physico‐chimiques, des mesures en phase gazeuse, des variables météorologiques et des profils lidar et d’améliorer ainsi les connaissances sur les aérosols pour évaluer leurs impacts (Brands et al., 2011 ; Royer et al., 2011 ; Healy et al., 2012 ; Ringuet et al., 2012). Plusieurs grands autres projets sont lancés à des niveaux nationaux ou internationaux, tel que ClearFlo à Londres (http://www.clearflo.ac.uk/) ou Milangro à Mexico (DeCarlo et al., 2008 ; Stone et al., 2008 ; Palancar et al., 2013).
Des mesures avec des dispositifs matériels et financiers sont aussi réalisées par des associations et des laboratoires à l’aide de laboratoires mobiles (camion par exemple), de capteurs portables
34 Partie I – État de l’art ou des « tubes à diffusion passive ». Par exemple, des campagnes de mesure ont été réalisées par l’équipe du département de climatologie de l’université d’Umbolt à Berlin, sur plusieurs sites à Berlin et à Karlsruhe pour mesurer la variabilité des particules et l’influence de la végétation à l’aide de stations fixes, d’un camion de mesures et de tubes à diffusion passive, analysés ensuite en laboratoire (Langner et al., 2011a ; Langner et al., 2011b). De nombreuses campagnes de ce type existent en ciblant un ou plusieurs polluants et avec des thématiques différentes. Cette thèse s’inscrit dans la continuité de mesures itinérantes qui ont été réalisées à pied ou en vélo (Quénol et al., 2006 ; Dahech, 2007 ; Martin et Carrega, 2009 ; Glandus et al., 2011). Nicolas Martin a réalisé une campagne de mesure des taux d’ozone d’avril à septembre 2007 à Nice et ses alentours à l’aide d’un capteur portatif placé sur un vélo pour connaître la variabilité spatiale de l’ozone et ses facteurs à une échelle locale. Les autres campagnes ont mesuré les concentrations de CO et/ou de NO2 à Paris, à Sfax, à Limoges dans le but d’évaluer la pollution de
proximité due au trafic routier.
II.2.3. La mesure de la pollution de proximité
La notion de pollution de proximité est étroitement liée à l’exposition d’un individu. Un humain est exposé à la pollution de proximité lors de ses trajets, ses activités et les lieux fréquentés. La pollution de proximité est « la pollution ambiante qui ne résulte pas majoritairement de transferts
atmosphériques à longue distance et est déterminée par le voisinage des sources fixes ou mobiles »
(Roussel et Charles, 2006). Afin de caractériser l’exposition individuelle à la pollution atmosphérique, de nombreuses études mesurent la pollution de proximité dans des micro environnements à l’aide de capteurs actifs ou passifs (logements, bâtiments publics, transport,
etc. ; Adams et al., 2001 ; Guo et al., 2003 ; Kaur et al., 2006 ; Almeida et al., 2011).
Les campagnes de mesure dans les bâtiments publics, les écoles ou encore les logements ont mis en évidence depuis une dizaine d’années une pollution de l’air intérieur relativement importante, principalement due aux composés organiques volatiles (formaldéhydes, benzène,
etc.), aux particules, aux allergènes et au monoxyde de carbone (Mosqueron et Nedellec, 2004 ;
Dahech et Beltrando, 2008 ; Labre et Mandin, 2009). Les concentrations de polluants sont souvent plus élevées qu’à l’extérieur, à cause des sources d’émissions intérieures (peintures, meubles, tabac, etc.) et le manque de ventilation.
L’association Airparif a réalisé une campagne de mesures des particules PM10 et PM2,5 et du dioxyde d’azote dans le métro parisien du 1er au 15 décembre 2008 dans la station Faidherbe‐
Chaligny (Airparif, 2009c). Deux points de mesures fixes étaient situés sur le quai de la ligne 8, et deux points de mesures à l’extérieur de la station afin d’analyser les transferts de polluants entre l’intérieur et l’extérieur de la station. Les résultats ont montré que les taux de PM10 et de PM2,5 étaient en moyenne 2,5 fois supérieurs à ceux mesurés à la surface, avec des maxima durant les
heures de pointe. Les niveaux mesurés correspondent aux observations des mesures réalisées par le réseau de mesures de Surveillance de la Qualité de l’Air de l’Environnement Souterrain SQUALES de la RATP qui dispose d’une station de mesures continues dans la gare d’Auber sur le RER A. Ces fortes concentrations de particules s’expliquent essentiellement par le système de freinage des métros qui produisent des particules et la remise en suspension des particules lors de la circulation du métro. Les concentrations de dioxyde d’azote dépendent quant‐à‐elles plus des niveaux mesurés à l’extérieur.
Un grand nombre de campagnes de mesure de pollution de proximité est réalisé dans différents modes de transport (à pied, à vélo, en voiture, en bus, etc. ; Gulliver et Briggs, 2007 ; Briggs et al., 2008 ; McNabola et al., 2008 ; Kaur et Nieuwenhuijsen, 2009 ; Buonanno et al., 2011). Elles caractérisent la pollution de l’air au plus près de la circulation routière dans différents micro‐ environnements, et peuvent mettre en évidence la variabilité spatiale de cette pollution à une échelle locale (Dahech et al., 2006 ; Quénol et al., 2006 ; Boarnet et al., 2011 ; Glandus et al., 2011). Contrairement aux mesures à l’intérieur de bâtiments, ces mesures sont le plus fréquemment mobiles et répétées souvent sur plusieurs trajets différents. Elles mettent en exergue des taux de polluants plus élevés à proximité des sources d’émission et donc du trafic routier.
Ces mesures de la pollution de proximité aident à la réalisation de modèles ou de systèmes d’information géographique qui servent à montrer l’exposition des individus.