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Mesures de déplacement du choc

Chapitre 2 Etude expérimentale

2.4 Choix des métrologies

2.4.1 Mesures de déplacement du choc

2.4.1.1 La vélocimétrie

La mesure en continu de la vitesse matérielle se fait par interférométrie, basée sur l’effet

Doppler : lorsqu’un laser monomode éclaire une surface en mouvement, la longueur d’onde de la

lumière réfléchie subit un décalage proportionnel à sa vitesse. Deux méthodes ont été développées à

partir des années 70 : le VISAR et l’IDL (Mercier, et al., 1993).

Le VISAR, mis au point aux États-Unis, utilise un interféromètre de Michelson et Morley pour

mesurer l’accélération d’une surface. La vitesse matérielle s’en déduit par intégration temporelle.

L’IDL est une autre technologie qui a été beaucoup utilisée dans les expériences de détonique. Elle

nécessite l’utilisation de caméras à balayage de fente. Mise au point au CEA en 1968, elle permet

d’enregistrer directement la vitesse de déplacement en fonction du temps, à l’aide d’un interféromètre

de Perot-Fabry (Durand & Laharrague, 1970). Les lasers utilisés peuvent être de type continu (laser

VERDI à argon), ou pulsé (laser BMI à colorant, ou laser YAG Continuum)

En 2004, une nouvelle technique dénommée vélocimétrie hétérodyne (VH), développée par le

laboratoire américain Lawrence Livermore, fait son entrée dans les métrologies utilisées en détonique

(Strand, et al., 2004). Cette évolution vers la VH a rapidement touché tous les aspects de la mesure des

vitesses par effet Doppler en ajoutant une plus-value très importante, principalement due à la grande

sensibilité du système et à sa grande dynamique (Mercier, et al., 2008).

Ces mesures nécessitent toutes une surface miroir sur laquelle le faisceau laser incident se

réfléchit. La mesure de vitesse matérielle à la surface d’un explosif est par conséquent réalisée en

ajoutant une fine épaisseur d’aluminium. Récemment, Sollier et al. se sont affranchis de cette surface

miroir et ont effectué une mesure de vitesse matérielle par PDV (Photon Doppler Velocimetry)

directement sur un explosif nu de TATB dans des cibles solides et gazeuses (Sollier, et al., 2016).

2.4.1.2 La radio-interférométrie à 94 GHz

La majorité des explosifs non métallisés est

transparente et autorise l’emploi du

radio-interféromètre (RIF) pour des mesures de vitesse

de choc. En effet, les signaux émis par ce type

d’appareil appartiennent à une gamme de

fréquences qui s’étendent de 1 GHz à 100 GHz.

Ils s’avèrent peu amortis lorsqu’ils traversent

l’explosif et se réfléchissent sur l’onde de choc

ou de détonation. Le principe de fonctionnement

du RIF est illustré figure 2.4-1. L’objet physique

étudié est irradié par un signal harmonique

continu. Lorsqu’une onde de choc ou une onde de détonation se propage dans un explosif, cela

engendre un saut de permittivité diélectrique ε. Ce saut est lié au changement de masse volumique

dans le cas où la discontinuité n’est pas réactive ou à un couplage de phénomènes (saut de masse

volumique, ionisation et dissociations dans la zone de réaction,…) dans le cas d’une onde de

détonation. Le signal radio-fréquence est alors en partie réfléchi au niveau de la discontinuité en

mouvement et reçu par le capteur du RIF avec une fréquence Doppler de décalage Ω et une avance de

phase 𝜑 par rapport au signal harmonique initial 𝜔

0

𝑡. En sortie du RIF, deux signaux en quadrature en

sinus et cosinus sont générés. Il en résulte un interférogramme (cf. figure 2.4-2) à partir duquel il est

Figure 2.4-1 Principe de fonctionnement du RIF (Bel'skii, et

al., 2011)

69

possible de déterminer le déplacement et la vitesse instantanée de la discontinuité (Bel'skii, et al.,

2011).

Tout d’abord appliquée à la caractérisation des explosifs, cette méthode a été étendue à la

mesure de déplacement de choc pour un grand panel de matériaux radio-transparents. Au CEA Gramat

cette métrologie est utilisée pour l’étude de la transition choc-detonation pour des explosifs non

aluminisés (Chuzeville, 2016) et des polaires de choc des matériaux inertes (Rougier, et al., 2017).

Jusqu’ici, seule la propagation du front de choc ou de la détonation était mesurée. Dans les

années 1990, Luther (1991) montre la capacité de la radio-interferométrie à acquérir simultanément la

vitesse du choc et la vitesse matérielle. La mesure de la vitesse matérielle par radio-intereferométrie

qui ne necessite pas l’ajout d’une plaque métallique (VISAR, PDV) suscite un intérêt grandissant. Une

comparaison entre les mesures obtenues par VISAR et RIF a été effectuée par Ogorodnikov et al. et

montre une bonne concordance entre elles (Ogorodnikov, et al., 2012). La mesure de ces deux

grandeurs implique la connaissance de la permittivité dielectrique relative du matériau au repos et sous

choc.

2.4.1.2.a Permittivités des matériaux utilisés

Le seul paramètre requis pour la mesure par radio-interferométrie est donc la permittivité

diélectrique relative du milieu situé en amont de la discontinuité d’intérêt. Un certain nombre de

données sont disponibles pour les permittivités diélectriques des matériaux inertes (Lamb, 1996). Pour

les gaz, la permittivité diélectrique sera prise égale à 1. Pour le PMMA, la valeur de 2,585 fournie par

la littérature est sélectionnée (Lamb, 1996). Il reste cependant difficile de trouver les permittivités

diélectriques relatives pour un cas précis puisque cette dernière dépend fortement de la masse

volumique du matériau et de la fréquence considérée (Cawsey, et al., 1958). Pour les compositions

explosives, ces données sont d’autant plus rares, même si, depuis 2010 un certain nombre d’études

émergent sur la mesure de cette permittivité pour des fréquences allant de 30 à 100 GHz. Nous

pouvons entre autres citer Barber et al. qui ont développé un banc de mesure de permittivité dont ils

améliorent sans cesse la précision de mesure (Barber, et al., 2010). Cette méthode donne donc des

résultats précis au millième et permet à la fois accès à la partie réelle et à la partie imaginaire de la

permittivité diélectrique (Smith, et al., 2017). Un banc de mesure est également disponible depuis

2017 sur le centre du CEA Gramat (Rougier, et al., 2018), mais sa conception n’était pas encore

terminée lors de la réalisation des expériences de la thèse. La détermination des permittivités

diélectriques relatives pour la Composition B et les différents octoviton comprimés a donc été

effectuée par une autre méthode initiée par Tringe (Tringe, et al., 2014). Il s’agit d’une mesure

dynamique, sur un édifice de type cartouche, pour laquelle la valeur de la permittivité est déduite en

ajustant la vitesse mesurée par radio-interformétrie à celle mesurée par une métrologie de référence.

10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 -0.3 -0.2 -0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 A mplitu d e (V) Temps (s) Composition B

Figure 2.4-2 Exemple de signal

RIF pour de la Composition B

(n° essai : ZA15051)

70

2.4.1.2.b Mesure de permittivité

Des mesures dynamiques de permittivité diélectrique ont été réalisées pour la quasi-totalité des

explosifs d’étude. Un essai type de détonation d’une cartouche cylindrique est illustré figure 2.4-3

pour le cas d’un octoviton comprimé de densité 1,49. La permittivité de la composition est ensuite

déterminée grâce à la méthode expliquée précédemment. Ce paramètre étant indépendant de la

courbure, un essai avec une cartouche de 22 mm de diamètre a été réalisé. La vitesse de détonation

stationnaire est mesurée par huit sondes à contact positionnées sur deux génératrices du cylindre et par

le RIF. La permittivité diélectrique relative est ensuite ajustée de façon à reproduire la célérité

moyenne du choc mesurée par des capteurs piezoélectriques. Ces sondes sont constituées à leur base,

d’un matériau piézoélectrique (souvent en quartz). Lors du passage d’une onde de choc, des charges

électriques sont générées dans ce matériau et sont enregistrées par un numériseur.

Figure 2.4-3 Représentation schématique d’une cartouche

pour mesure de permittivité

Figure 2.4-4 Vue globale de l’édifice expérimental

Figure 2.4-5 Trajectoire (courbe noire) et célérité (courbe bleue) expérimentales de l’onde de détonation dans la cartouche

d’octovition de densité 1,47 (n°ZD16056)

8 sondes piezoélectriques espacées de 10 mm Détonateur

RIF centré sur la base de la cartouche 4 blocs d’octoviton 4 sondes piezoélectriques espacées de 20 mm pour suivre l’évolution de la vitesse de l’onde de détonation ∅52 ∅22 ∅20 15 15 10 10 48 1, 1 4 20 ∅1,1 ∅4 12 150

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La célérité mesurée est de 7481 ± 100 m∙s

-1

(cf. figure 2.4-5). Par cette méthode, la permittivité

relative obtenues est de 2,74 ± 0,14. Pour les octovitons de masses volumiques égales à 1,19 et

1,00 g∙cm

-3

, ce test n’est pas réalisable puisque ces compositions, trop friables, ne peuvent être usinées

en cartouche nue. La loi de mélange du modèle de Landau Lifshitz Looyenga (Nelson, 2005) est

utilisée :

𝜀

1/3

= 𝜗

1

𝜀

11/3

+ 𝜗

2

𝜀

21/3

avec 𝜀

1

= 3,42 la permittivité de l’octoviton de densité 1,86 et 𝜀

2

= 1 la permittivité de l’air, 𝜗

1

et

𝜗

2

sont les fractions volumiques respectives de chaque composé.

En appliquant ce modèle dans le cas de la densité de 1,49, la permittivité calculée est de 2,76.

La variation de vitesse induite par cette différence de permittivité est inférieure à 0,5 m∙s

-1

. Nous

pouvons donc raisonnablement appliquer ce modèle pour déterminer la permittivité des poreux de

densité 1,19 et 1,00. Les permittivités diélectriques relatives ainsi obtenues sont de 2,34 et 2,07

respectivement. Une comparaison entre les permittivités obtenues grâce à cette méthode dynamique et

celles mesurées en 2017 avec le banc dédié est effectuée dans la table 2.4-1. Les écarts relatifs entre

les différentes valeurs de ce paramètre pour une composition donnée sont inférieurs à 2 %.

Table 2.4-1 Permittivité diélectrique relative par matériau

Matériaux Permittivité diélectrique relative

(mesure dynamique)

Permittivité diélectrique relative

(banc de mesure)

Composition B

𝜌

0

= 1732 kg ∙ m

−3

3,27 ± 0,01

𝑎

3,26 ± 0,41

c

Octoviton

𝜌0= 1860 kg ∙ m

−3

3,419 ± 0,05 3,38 ± 0,80

𝑐

Octoviton

𝜌

0

= 1490 kg ∙ m

−3

2,74 ± 0,14 2,69 ± 0,55

c

Octoviton

𝜌

0

= 1190 kg ∙ m

−3

2,34

𝑏

-

a

mesure réalisée par Chuzeville (Chuzeville, 2016)

b

valeur calculée avec la formule de Landau Lifshitz Looyenga

c

mesures réalisées par (Rougier, et al., 2018)

2.4.1.3 Synthèse

Les compositions étudiées étant radio-transparentes, nous avons privilégié la technologie de la

radio-interferométrie à 94 GHz qui permet la mesure directe du déplacement d’un choc dans la cible et

dans certains cas de la vitesse d’interface. Le radio-interferomètre sera utilisé pour mesurer le

déplacement du choc dans des cibles solides mais aussi gazeuses. La principale difficulté reste la

connaissance des permittivités diélectriques relatives des différents matériaux utilisés (notamment

sous choc) à la fréquence considérée. La mesure par VH sera également mise en œuvre sur explosif nu

pour tenter d’offrir un point de comparaison à la mesure par radio-interférométrie.

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