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Mesures en conditions contrôlées (colonne) : extrapolation à partir de la caractérisation des lixiviats

CHAPITRE 5 - PEDOGENESE DES SOLS CONSTRUITS

4. É VOLUTION MINERALOGIQUE

4.1. Mesures en conditions contrôlées (colonne) : extrapolation à partir de la caractérisation des lixiviats

variable en fonction du matériau testé, attendu que le volume percolé a été déterminé en fonction du poids de matrice solide contenu dans la colonne. En première approximation et selon un calcul que nous ne détaillerons pas ici (basé sur le ratio volume d’eau percolé par rapport à la surface et au volume de matériau considéré), il a été considéré qu’1 volume de lit lors du test en colonne correspondait à un volume de pluie efficace in situ de l’ordre de 500 L.m-2, correspondant environ à dix années de précipitations.

4.1.1.COMPOST DE DECHETS VERTS

Compost de déchets verts

Le test de lixiviation sur le compost de déchets verts a permis de mettre en évidence la forte mobilité de cations tels que K+, Na+ et Ca2+, accompagnés de 2 groupements anioniques majoritaires : HCO3- et SO42- (Figure 66a)

et dans une moindre mesure Cl-. Parmi les éléments suivis, c’est K+ qui a été retrouvé dans les concentrations les plus élevées (jusqu’à 65 méq.L-1). Dans le même temps, le pH a augmenté sensiblement de 7,7 à 8,3. Durant cette expérimentation, il a été mis en évidence le fait que le compost était une source très importante d’éléments minéraux qui ont pu être lixiviés par échange d’ions avec la solution d’alimentation ou dissolution de sels. Ces cations se trouvaient probablement sous forme de sels solubles ou associés aux matières organiques et une part significative a été lixiviée au cours du test (par ex. 31,1 % du K total). Certaines phases minérales ont certainement été partiellement altérées comme la calcite (CaCO3).

4.1.2.SOUS-PRODUIT PAPETIER

La première remarque sur l’interprétation des courbes de percée des éléments majeurs lors du test de lixiviation sur la boue de papeterie est que l’intensité des phénomènes a été limitée (< 12 méq.L-1) (Figure 66b). Par ailleurs, le pH a évolué faiblement au cours de l’expérimentation, étant simplement légèrement croissant de 7 à 7,5. Les évènements majeurs ont été la sortie relativement intense, décroissante et brève dans le temps (environ 1 volume poreux, soit 0,5 volume de lit) de Na+, K+ et SO42-, puis la lixiviation conjointe de Ca2+ et HCO3- pendant toute la durée du test à une concentration, constante de 2 méq.L-1.

Après l’évacuation d’un volume légèrement supérieur à la porosité totale (jusqu’à 0,8 volume de lit), où les ions très solubles ont été lixiviés, un mécanisme lent de décarbonatation s’est mis en place. Les concentrations mesurées étaient proches de la solubilité de la calcite en présence d’une solution de CaCl2. La spéciation obtenue avec le logiciel JCHESS (version 2.0, Ecole des Mines de Paris, 2002) a en effet indiqué une concentration en Ca2+ et en HCO3- de 2,3 méq.L-1 dans des conditions similaires (alimentation CaCl2, pH = 7,5). Compte tenu de la quantité de calcite présente dans le sous-produit papetier, il était non seulement logique que leurs concentrations aient été constantes pendant la durée de l’expérimentation, mais ce processus se serait poursuivi pendant une longue période. En effet, le bilan du système a montré que 0,6 % des carbonates seulement ont été lixiviés. Par comparaison, 65,0 % du Na+ total et 5,8 % du K+ total ont été lixiviés dans le même temps.

4.1.3.TERRE INDUSTRIELLE TRAITEE

Deux phases distinctes ont pu être observées durant le test de lixiviation sur la terre industrielle traitée (Figure 66c). Dans un premier temps de 0 à 4,3 volumes de lit, une augmentation par palier du pH a été observée de 9 à 10,1. En parallèle, le phénomène dominant a été la percée conjointe de Ca2+ et SO42- dont les concentrations ont décru de 35 méq.L-1 à 0. Au delà de 4,3 volumes de lit, le pH est resté constant et des concentrations en Ca2+ et HCO3- < 0,5 méq.L-1 ont été mesurées.

La réaction prépondérante a été la dissolution de gypse. La spéciation dans des conditions identiques a montré que la concentration initiale (35 méq.L-1) était la limite de solubilité de ce minéral. De plus la modélisation à l’aide du modèle IMPACT (Annexe 4), en intégrant les paramètres hydrodynamiques obtenus par les expériences de traçage réalisées à la fin de l’expérimentation, a montré que la dispersion de la courbe exprimait la forte accessibilité de la phase de gypse. Ceci était cohérent avec les données sur la structure (particulaire) et la

concentration en SO42- était en dessous des seuils de détection de l’appareil de mesure, il semble que tout le gypse qui était présent a été dissous. Indirectement ce résultat permet d’estimer la quantité de ce minéral dans la terre industrielle traitée (3,8 g.kg-1). Suite à la dissolution du gypse, l’altération de la phase carbonatée est restée faible, s’expliquant par le pH très élevé.

4.1.4.MELANGE SOUS-PRODUIT PAPETIER / TERRE INDUSTRIELLE TRAITEE

Le comportement du mélange a été le reflet de ses deux composants (Figure 66d). En effet, 2 phases distinctes ont pu être identifiées sur la courbe de percée. De 0 à 1,5 volume de lit, le pH a été légèrement croissant (de 8 à 8,6) et le processus principal a été la sortie concomitante de Ca2+ et SO42- (concentration maximale de 46 méq.L-1). Une lixiviation sensible de Na+ a également été observée, comme dans le cas du sous-produit papetier. Au-delà de 1,5 volume de lit, le pH est resté constant et des concentrations faibles et constantes en Ca2+ et HCO3- (1,0 méq.L-1) ont été mesurées.

La quantité de gypse (2,4 g.kg-1) dissoute au cours de l’expérimentation correspondait à 63 % de celle qui a été lixiviée au cours du test précédent sur la terre traitée pure. Ceci correspond à la proportion en masse de ce matériau au sein du mélange ce qui signifie que le fait de mélanger les deux matériaux n’a modifié ni la forte solubilité, ni l’accessibilité du gypse. Par contre, il est apparu que la dissolution du gypse a retardé la décarbonatation. Ceci a été confirmé par les calculs de spéciation lorsque ces 2 espèces minérales sont présentes. La calcite n’a été altérée puis lixiviée que dans un second temps, dans des proportions moindres que dans le sous-produit papetier pur, conséquence de l’augmentation de pH.

Figure 66 : Composition en éléments majeurs des lixiviats a) compost de déchets verts ; b) sous-produit papetier ; c) terre industrielle traitée ; d) mélange sous-produit papetier / terre industrielle traitée

4.2. Mesures in situ

4.2.1.EXTRAPOLATION A PARTIR DE LA CARACTERISATION DES PERCOLATS

Modalité « témoin »

Deux phases ont pu été distinguées dans la courbe de percée des éléments majeurs des percolats de la modalité « témoin » (Figure 67a). De 0 à 210 L.m-2, une lixiviation couplée de SO42- associée à Ca2+ a été observée, qui a décru irrégulièrement de 27 à 3,5 méq.L-1. La seconde phase (de 210 L.m-2 à la fin de l’expérimentation) a présenté une faible concentration en Ca2+ (entre 7 et 10 méq.L-1), compensée à la fois par SO42- (entre 5 et 7 méq.L-1) et HCO3- (entre 3 et 6 méq.L-1). Durant toute la période de suivi, le pH a oscillé entre pH 7,4 et 8,0 ; quelques pics autour de pH 9 ont été notés sans être reliés à une variation de concentrations en éléments. Ces compositions ont été le reflet de l’altération partielle de certaines phases minérales et la lixiviation de leurs éléments constitutifs. La présence de SO42- associée au Ca2+ a témoigné de la dissolution de gypse. De plus la présence de HCO3- a indiqué les débuts d’une décarbonatation modérée (dissolution de calcite).

a) b)

Modalité « éponge végétale »

Trois phases distinctes ont caractérisé la courbe de percée des éléments majeurs de la modalité « éponge végétale » (Figure 67b). De 0 à 100 L.m-2, une percée simultanée de HCO3- et de Ca2+ est observée, avec un pic de forte intensité de 100 méq.L-1 à 40 L.m-2. De 100 à 170 L.m-2, des concentrations assez constantes en Ca2+ (entre 1 et 30 méq.L-1) et en Mg2+ (constant autour de 9 méq.L-1), associées à SO42- (entre 10 et 30 méq.L-1) et HCO3- (entre 10 et 20 méq.L-1) sont mesurées. Au-delà de 170 L.m-2, la fin du suivi a montré une diminution globale des concentrations en SO42- (de 10 à 5 méq.L-1), HCO3- (8 méq.L-1) et Ca2+ oscillant entre (13 et 8 méq.L-1). Le pH a cru de 7,2 à 8,0 jusqu’à 43 L.m-2, puis s’est stabilisé autour de 8,0.

Les deux réactions principales qui ont été identifiées précédemment ont été retrouvées ici. La dissolution de la calcite a été prédominante en début d’expérimentation, puis continue et diffuse par la suite. Contrairement au cas précédent, ce processus s’est accompagné d’une percée de Mg2+, signe de la dissolution simultanée d’une phase de type dolomitique apportée par le sous-produit papetier. Comme pour la terre industrielle traitée seule ou la modalité « témoin », la dissolution du gypse est observée ; lorsqu’elle est intervenue elle a temporairement limité la décarbonatation.

Modalité « profil élémentaire + confinement »

La courbe de percée de la modalité « profil élémentaire + confinement » s’est découpée en 3 phases (Figure

67c). Durant un laps de temps court (de 0 à 17 L.m-2), un premier pic de concentration de Ca2+ (entre 20 et 60 méq.L-1) et de HCO3- (entre 30 et 100 méq.L-1) est observé durant lequel le pH était proche de 7,5. Simultanément, la concentration en Mg a cru à partir de 13 L.m-2. De 18 à 91 L.m-2 la concentration en Ca2+ s’est annulée et les teneurs en Mg2+ et en HCO3- ont augmenté très fortement jusqu’à 176 méq.L-1 puis ont baissé sensiblement. Dans la dernière phase, au-delà de 91 L.m-2, les teneurs en Mg2+ et en HCO3- sont restées élevées (60 à 120 méq.L-1), alors que la concentration Ca2+ quasi-nulle. Une percée de SO42- a été observée (de 4 et 30 méq.L-1) à partir de 91 L.m-2. A partir de 18 L.m-2, le pH a oscillé entre 8,0 et 8,4.

En dehors de la dissolution de la calcite, déjà observée sur les 2 autres modalités, ce sol construit s’est distingué par les fortes concentrations en Mg2+. Celles-ci sont attribuées à l’altération puis la lixiviation de la dolomite, qui a semblé être la conséquence de la solubilisation de la magnésie apportée par la chaux au sein de l’horizon de confinement. La réactivité de la terre industrielle traitée n’est apparue qu’à la fin, avec la dissolution du gypse.

Figure 67 : Composition en éléments majeurs des percolats a) modalité I ; b) modalité III ; c) modalité (II + IV)

a)

b)

4.2.2.CARACTERISATION DES MATRICES SOLIDES EVOLUEES IN SITU

Les analyses réalisées en DRX sur des échantillons prélevés in situ après 3 ans ont permis de mettre en évidence l’évolution de l’abondance de chaque phase. Nous avons montré ci-dessus que certaines phases étaient solubilisées en proportion plus ou moins forte. La mesure des concentrations en CaCO3 au sein des profils de sols construits en est un bon exemple (Figure 68). Nonobstant l’existence d’une variabilité intrinsèque entre échantillons, liée à l’hétérogénéité du milieu, une redistribution de la calcite est constatée. La concentration est restée constante dans les horizons de compost, mais elle a diminué dans les horizons ou le sous-horizon situés au dessus du réseau de drains. C’est le cas pour la partie inférieure de l’horizon de terre industrielle traitée de la modalité « témoin », l’horizon de sous-produit papetier de la modalité « éponge végétale » (478 g.kg-1 à t0, 452 g.kg-1 après 30 mois) et enfin la partie inférieure du mélange sous-produit papetier / terre industrielle traitée de la modalité « profil élémentaire + confinement » (307 g.kg-1 à t0, 260 g.kg-1 après 30 mois).

Figure 68: Evolution in situ de la teneur en CaCO3 dans les profils de sol construit a) modalité I ; b) modalité III ; c) modalité (II + IV)