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2.3 Echanges entre les microbioréacteurs

2.3.4 Mesure du transport entre les gouttes

Bai et al. ont mis au point un système microfluidique qui permet de mesurer le transport de molécules entre deux gouttes d’émulsion [Bai et al., 2010]. La création des paires se fait par l’arrêt des gouttes dans des pièges en U qui ne peuvent contenir que deux gouttes (Fig. 2.19.c). Les cinétiques à

Figure 2.19 – Transport entre deux gouttes. (A) Schéma de la diffusion du peroxide d’hydrogène et de l’oxydation de la resorufin par HRP. (B) Evolution de l’intensité de fluorescence de gouttes contenant 50mM de resorufin et 0.07 mg/mL de HRP. La goutte voisine contient 0.3M de H2O2. (C) Deux

gouttes piégées avec des débits d’huile de 6000µL/hr. Les lignes oranges indiquent la longueur de l’interface entre les gouttes. L’échelle représente 60µm

l’intérieur des gouttes sont le plus souvent lues par des marqueurs fluorescents. Les auteurs ont montré qu’en fonction du surfactant utilisé pour la formulation des gouttes et de leur solubilité dans la phase continue, certaines espèces diffuseront plus ou moins rapidement. Ainsi, par exemple un fluorophore tel que la fluoresceine va diffuser entre les réservoirs dans une émulsion formulée avec du span80TM

Si les grosses molécules sont retenues dans les gouttes, nous avons vu que pour des arguments thermodynamiques, les molécules qui diffusent le plus vite doivent compenser tout écart de concen- tration entre les gouttes. Nous illustrons dans les figures 2.19.a et 2.19.b la diffusion de l’eau oxygénée (H2O2) entre deux gouttes formulée avec le surfactant Raindance EA. Deux gouttes de composition

différentes sont mises en contact. Une goutte contient la resofurin, qui est fluorescente, et une en- zyme, la horseradish peroxidase (HRP). L’autre goutte contient de l’eau oxygénée (Fig. 2.19). En présence de H2O2, la HRP oxyde la resofurin en resazurin, qui n’est pas fluoresente. En suivant la

décroissance du signal de fluorescence dans la goutte qui contient le fluorophore, les auteurs ont pu démontré la diffusion du H2O2. Ils n’ont pas accès directement au temps de diffusion car le signal est

une combinaison de la cinétique de transport entre les gouttes et de la cinétique enzymatique.

Nous proposerons dans le chapitre suivant, une méthode de mesure du transport qui n’est pas basée sur la fluorescence. De plus, dans l’expérience de Bai et al., la géométrie du contact entre les gouttes (distance entre les interfaces et longueur du contact) est imposée par les débits d’injection de la phase continue. Or nous avons avons vu (Fig. 2.15.a) que l’injection de phase continue favorisait l’évaporation de l’eau au dehors des gouttes, ce qui va biaiser l’évaluation des concentrations et la mesure des phénomènes de diffusion. Nous proposerons ainsi de fixer la géométrie des contacts en jouant sur la physico-chimie des émulsions.

2.4

Conclusion

Nous avons décrit dans ce chapitre différentes stratégies qui permettent l’étude de processus cellulaires, de l’échelle de la cellule unique à la microcolonie. La microfluidique s’est imposée alors, de par les dimensions qu’elle met en jeu, comme une science adaptée à la fabrication et au dévelop- pement des microbioréacteurs.

La réduction des dimensions à l’extrême par l’utilisation de la microfluidique digitale a permis de multiplexer les réactions à très grande échelle, donnant accès à des milliers de réactions en paral- lèle. Pour pouvoir suivre des cinétiques dans des gouttes, nous avons alors suggéré de passer par un format de réseau 2D.

Nous avons vu que la compartimentalisation des cellules permettait d’accéder à l’activité sé- crétoire des cellules ou encore à la cinétique enzymatique. Toutefois, la qualité des mesures dans les émulsions est conditionnée par une maîtrise de la stabilité et du transport entre les gouttes. Nous allons voir dans le chapitre qui suit une méthode originale de mesure en parallèle de cinétiques associées à l’activité cellulaire. Celle-ci repose sur la mesure du transport entre les gouttes.

CHAPITRE

3

Dispositif expérimental

Il est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité. (Albert Einstein)

Pour remettre les choses dans leur contexte historique, le concept de lecture bi-dimensionnelle de gouttelettes d’émulsions est issu des travaux de thèse de Julien Sylvestre et a donné lieu à un brevet (WO/2010/007307). L’idée consiste à confiner une monocouche de gouttelettes entre deux lames et à réaliser un balayage pour effectuer une lecture de l’échantillon. Chaque goutte est considérée comme un microbioréacteur indépendant. La figure 3.1 présente un schéma du dispositif mis en oeuvre. Ce dispositif permet une analyse de l’échantillon à la fois en lumière blanche et en fluorescence sur une surface supérieure à 37cm2(correspondant à deux lames de microscope mises côte à côte). La taille de la surface analysée dépend du pas de temps choisi entre deux acquisitions. L’ensemble du dispositif est placé dans une enceinte thermostatée. Un programme écrit en LabviewTMassure la synchronisation

des obturateurs, du déplacement de la platine motorisée et de l’acquisition des images par la caméra CCD. L’extraction et l’analyse des données (taille des gouttes, signal de fluorescence) est effectuée ensuite par un autre programme écrit en MatlabTM.

Nous avons vu que les réseaux 2D de gouttes d’émulsion permettaient de suivre la cinétique de processus biologiques sur un grand nombre d’échantillons. Les limitations rencontrées pour les cinétiques sur de longues durées sont l’évaporation de l’eau et le transport des solutés entre les gouttes.

Lumière blanche Obturateur 1 Obturateur 2 Lampe Hg Caméra CCD 10X, 0.4 NA Miroir dichroïque Emulsion 2D

Analyse d'image et traitement des données Images en transmission et fluorescence

Platine motorisée XY

Figure 3.1 – Schéma du dispositif expérimental d’analyse d’émulsion à 2D.

Le but de ce chapitre est de présenter un nouveau système qui s’affranchit de ces problèmes. Nous aborderons les aspects techniques qui mènent à la fabrication d’un tel réseau : de la synthèse des microbioréacteurs à leur stockage en passant par les méthodes de mesure. Nous montrerons alors que le système que nous avons développé présente une nouvelle méthode originale qui permet de suivre l’évolution de la quantité d’espèces dissoutes dans les microbioréacteurs. Les potentiels chimiques sont gardés constants en travaillant avec un grand nombre de réservoirs vides de telle manière que les flux osmotiques dans le réseau reflète les activités biologiques de polymérisation ou dépolymérisation.

3.1

Stockage de gouttes dans une chambre en verre

Le verre est un matériau rigide (69GPa, comparé au PDMS : ∼2MPa), transparent dans le visible et totalement hermétique. C’est donc un choix naturel pour le stockage et l’observation à long terme de gouttes d’émulsion. Toutefois, faire des microsystèmes en verre requiert des moyens et du savoir-faire qui en font un matériau peu utilisé dans la majorité des laboratoires de microfluidique. C’est pour cette raison que nous avons choisi de combiner la simplicité de prototypage du PDMS pour synthétiser les microbioréacteurs tout en gardant les propriétés du verre pour le stockage et l’observation au microscope (Fig. 3.2).

STOCKAGE OBSERVATION EMULSIFICATION ENCAPSULATION PDMS VERRE COMPACTION

Figure 3.2 – Schéma principe de la préparation de l’échantillon.

Dans cette partie, nous présenterons les systèmes microfluidiques mis en oeuvre pour synthé- tiser les microbioréacteurs. Nous expliquerons ensuite la nécessité de compacter l’émulsion et les moyens mis en oeuvre pour y arriver.