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Mesure des migrations au Mali

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 33-39)

CHAPITRE I : MIGRATIONS ET TRANSFERTS : UN ETAT DES LIEUX

1. Mesure des migrations au Mali

Au Mali, avant l’EMOP 2011, la seule enquête, à couverture nationale, spécifiquement dédiée à l'étude de la migration a été réalisée en 1992-1993 dans le cadre du REMUAO, à savoir l'EMMU. Depuis lors, seuls les RGPH et quelques enquêtes nationales avaient abordé le sujet, mais de façon parcellaire et indirecte tant sur le plan de la mesure que des concepts utilisés.

En renseignant sur le lieu de naissance, la durée de résidence, les lieux de résidence antérieure et actuelle, le recensement permet d'obtenir des statistiques sur la migration interne avec le dénombrement des personnes ayant changé de résidence à un moment donné de leur vie. Ces déplacements de population à l'intérieur du pays ne sont appréhendés que par rapport au cercle (deuxième échelon de l'architecture administrative après la région) et non par rapport au village/quartier/fraction qui constitue la plus petite entité administrative.

S'agissant des migrations internationales, le RGPH permet de dénombrer les personnes d'origine étrangère vivant sur le territoire national et les migrants internationaux de retour, à savoir les Maliens qui résidaient antérieurement hors du pays. En 2009, le recensement a intégré une section sur l'émigration internationale qui renseigne sur les départs à l’étranger de membres des ménages au cours des cinq dernières années. Cependant, celle-ci ne permet pas de connaître, de façon exhaustive, l'effectif des Maliens vivant à l'extérieur car elle ne comptabilise ni les résidents maliens à l'extérieur depuis plus de cinq ans, ni les personnes de

nationalité malienne nées et résidant à l’étranger, ni celles dont le ménage dans son entier a migré.

Sans avoir un objectif spécifiquement dédié à l'étude du phénomène, d'autres enquêtes nationales ont abordé sommairement la migration, à savoir l'EPAM et l'EAC. La première permet juste de distinguer les individus qui ont effectué au cours de leur vie un séjour de plus de six mois en dehors de leur lieu actuel de résidence. Depuis le Recensement Général de l'Agriculture (RGA) en 2004, l'EAC7 a un volet sur la vulnérabilité qui inclut une section sur la migration. L'objectif est d'évaluer les possibilités offertes aux exploitations agricoles en cas de crise.

D'autres sources permettent d'évaluer l'effectif de la population malienne vivant à l’étranger : le Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC) et les enregistrements réguliers au niveau des représentations diplomatiques et des services d'émigration et d'immigration (police des frontières). Le RAVEC n'a pas réussi à enrôler tous les Maliens vivant à l'extérieur du fait de problèmes techniques et politiques, mais également à cause de la réticence de certains migrants à être enregistrés dans des fichiers informatisés dont l'usage pourrait être détourné des objectifs énoncés. Par exemple, les émigrés en situation irrégulière ne sont pas prêts à alimenter des bases informatiques qui pourraient attirer l'attention de l’administration du pays d’accueil et favoriser leur reconduction à la frontière.

Le tableau 1 donne un aperçu de quelques sources de données sur la migration au Mali depuis 2005. Il montre que la diversité des définitions et de la couverture géographique retenues rendent difficile la comparaison des données obtenues et l'estimation du nombre exact des migrants maliens. La Banque mondiale qui définit un migrant comme une personne vivant dans un autre pays que celui de sa nationalité, estime à plus d'un million le nombre de migrants maliens en 20108, dont plus de 600 000 résideraient dans les pays voisins (Banque Mondiale, 2011). Le RAVEC qui adopte une définition similaire n'a dénombré qu'un peu plus de 265 000 électeurs maliens de plus de 18 ans établis à l’extérieur. Même s'il ne s'agit que des personnes d'une certaine tranche d'âges, ce nombre semble largement sous-estimé pour diverses raisons comme l'insuffisance des ressources humaines et matérielles consacrées à cette opération, et celles citées plus haut. La mobilité interne, quant à elle, concernait 2,6

7 Cf chapitre III pour la présentation de cette enquête.

8 La Banque Mondiale et le Centre de recherche sur le développement de l’Université de Sussex (Sussex DRC) ont créé une base de données dénommée "Global Migrant Origine". C'est une matrice 226x226 pays et territoires à partir des données de recensements nationaux réalisés au cours de la période 1995-2004. Elle est régulièrement révisée sur la base des estimations et des nouvelles informations disponibles. L'effectif de la population migrante est obtenu à partir de la variable nationalité.

millions d’individus en 2009 sur une population totale de 14,5 millions, soit 18,1 % pendant qu’environ 108 000 personnes s’étaient installées à l’extérieur du pays au cours des cinq années précédentes (Cissé et Doumbia, 2012).

En 2011, l’INSTAT, collaborant avec l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), a intégré un module détaillé sur la migration au deuxième passage de l’EMOP9. L'auteur a participé à la conception et à la mise en œuvre sur le terrain de ce module qui comportait principalement deux sections : (i) l’histoire migratoire interne et internationale des membres du ménage présents au moment de l’enquête. Cette section a ainsi permis de dénombrer les migrants "durée de vie" et les migrants de retour. (ii) l'émigration (interne et internationale) des personnes originaires des ménages. Les caractéristiques individuelles de celles-ci (âge, sexe, lien avec le chef de ménage, statut matrimonial, niveau d’instruction, etc.) c’est-à-dire les personnes qui vivent actuellement en dehors de leur ménage d’origine, soit au Mali soit dans un autre pays. Les transferts effectués par les migrants et leur participation politique et associative ont également été collectées.

Malgré la diversité des approches, la comparaison systématique de l'EMOP avec les autres sources de données sur la migration montre une cohérence assez satisfaisante. Pour ce faire, nous avons repris le calcul des effectifs des migrants à partir des données de l'EMOP en utilisant les concepts utilisés par les autres sources et en se plaçant dans le même horizon temporel et spatial. Concernant la migration interne, les estimations de l'EMOP et de l'EPAM sont cohérentes entre elles, puisqu’elles ne diffèrent que de 5,6 %, ce qui peut simplement correspondre au croît démographique durant les deux années qui séparent les deux enquêtes10. De même, ces enquêtes fournissent des données assez cohérentes avec celles du RGPH, leur base de sondage.

Par ailleurs, les estimations obtenues à partir de la seconde définition retenue de l'EMOP sont cohérentes avec celles de l'EAC. En ne considérant que les migrants qui sont partis avant 200811 au sein des ménages agricoles, on obtient à partir de l'EMOP un effectif de près de 179 000 individus, à comparer à près de 177 000 pour l'enquête agricole. Par rapport à la migration internationale, les estimations de l'EMOP sont très proches de celles du RGPH, lorsqu'on ne considère que les partants sur la période 2004-2009 c'est-à-dire les cinq dernières années précédant le recensement (102 000 migrants internationaux selon l’EMOP et 107 000

9 cf chapitre 2 pour la présentation de l’EMOP.

10 Le taux de croissance intercensitaire est de 3,6% par an (INSTAT, RGPH 2009).

11 L'EAC est réalisée en 2008 (cf chapitre 3).

selon le RGPH). En se limitant à nouveau aux migrants partis avant 2008 au sein des ménages agricoles, on obtient un effectif de migrants internationaux cohérent entre l'EMOP et l'EAC (127 000 pour l'EMOP contre 125 000 pour l'EAC).

Au vu de tout ce qui précède, les données de l'EMOP sont globalement cohérentes et peuvent donc servir à des analyses intéressantes, notamment du fait qu'elle collecte des informations sociodémographiques sur les migrants et permet de faire le lien entre les migrants et leur ménage d’origine. Cependant, elle présente quelques insuffisances dont le dénombrement non exhaustif des Maliens de l'extérieur du fait de la non comptabilisation des enfants des migrants nés à l'étranger ainsi que des personnes ayant migré avec toute leur famille. Elle ne fournit pas le lieu de naissance, ce qui ne permet pas de distinguer les migrants internes (personnes qui ont changé de résidence à l'intérieur du pays) des migrants internes de retour.

Le lien de parenté est déterminé uniquement avec le chef de ménage, ce qui ne permet pas de connaître la filiation entre les migrants et les enfants des ménages d'origine.

Tableau 1 : Estimation des migrations au Mali à partir des différentes sources disponibles depuis 2005

Base de données Institution (1)ou avec l'intention de faire plus de six mois si la durée du séjour n'atteint pas six mois au moment de l'enquête

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 33-39)