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Mesure du pH d’un matériau cimentaire

Du ciment Portland aux ciments bas pH – Approche bibliographique

3.2 Mesure du pH d’un matériau cimentaire

En Espagne, Hidalgo et al. [HID 05] s’intéressent eux aussi à la mise au point d’un ciment dont les propriétés ne dégraderaient pas celles de la bentonite présente dans

le stockage. Cet objectif peut être en partie atteint en utilisant des matériaux cimentaires bas pH. Afin de diminuer le pH de la solution interstitielle, des cendres volantes et / ou de la fumée de silice sont ajoutés au ciment Portland ou à un ciment alumineux (CA) choisis pour leur faible teneur en alcalins afin de mettre au point des liants binaires et ternaires.

Dans ce contexte, il devient nécessaire de développer une méthode précise de mesure du pH de la solution porale d’un matériau cimentaire.

Hidalgo et al. considèrent que la façon la plus fiable de mesurer le pH de la phase aqueuse dans un ciment durci est l’extraction de solution interstitielle par compression. Cependant cette méthode est une procédure lourde qui nécessite un équipement particulier et une quantité importante de ciment. De plus, cette méthode ne possède pas de protocole clairement défini.

Le but de leurs expériences est de mettre au point une procédure permettant de déterminer rapidement et simplement le pH d’une solution interstitielle.

Principes des expériences

Plusieurs procédures de lixiviation sont testées pour comparer les pH mesurés à ceux obtenus par extraction de solution interstitielle. Les expériences suivantes sont développées (Tableau I - 27) Extraction de solution interstitielle P1 : eau déionisée ajoutée 24 h avant l’essai jusqu’à ce que

l’échantillon semble saturé

P2 : eau déionisée ajoutée juste avant l’essai jusqu’à ce que l’échantillon semble saturé P3 : quantité fixe d’eau déionisée (15 % en masse de l’échantillon) ajoutée

juste avant l’essai

P4 : pas d’eau L = eau déionisée

Suspensions

cimentaires L = eau décarbonatée, mesure de pH sous azote

S / L = 1 / 1 S / L = 1 / 5 S / L = 1 / 9

S / L = masse de solide / masse de liquide

Tableau I - 27 : Récapitulatif des différentes expériences menées par Hidalgo et al.

Pour les extractions de solution porales, 125 g de pâte de ciment sont concassés en morceaux de taille inférieure à 500 µm. Comme dans certains cas la quantité de liquide extraite n’est pas suffisante pour une mesure de pH, de l’eau est ajoutée à l’échantillon selon 3 procédures (P1, P2 et P3). Dans les suspensions cimentaires, l’échantillon est broyé et tamisé à 75 µm. L’agitation de la suspension dure 3 min.

Résultats

- Les extractions de solution interstitielle

La différence des valeurs de pH obtenus entre les 4 procédures (P1 à P4), n’excède pas 0,1 unité pour les liants à base de CEM I et 0,2 unité pour ceux à base de ciment alumineux (Figure I - 11).

Figure I - 11 : Comparaison des pH obtenus par extraction de solution interstitielle selon les 4 différentes procédures testées

En tenant compte du fait que la mesure de pH s’effectue avec une précision de ± 0,05 unité, les pH obtenus sont fiables quelque soit la procédure utilisée.

Dans certain cas (ciment alumineux + 30 % d’additions minérales, temps de cure supérieur ou égal à 30 jours) où la quantité de liquide est faible ou inexistante, il est donc possible d’ajouter de l’eau déionisée à l’échantillon.

Des expériences ont été menées pour comparer l’influence de la teneur en additions minérales dans les liants à base de ciment Portland et de ciment alumineux sur le pH de la solution interstitielle (Figure I - 12).

Le pH devient inférieur ou égal à 11 lorsque la proportion d’ajouts dans le système excède 60 % dans le liant à base de CEM I. Les ajouts ont une forte influence sur le pH de la phase aqueuse d’un matériau cimentaire à base de ciment Portland mais très peu sur un matériau à base de ciment alumineux. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les additions pouzzolaniques considérées ici (cendres volantes et fumée de silice) modifient principalement le pH de la solution porale en consommant la portlandite, or les ciments alumineux ne contiennent pas de portlandite. Les principaux hydrates des ciments alumineux sont des aluminates de calcium hydratés.

Figure I - 12 : Influence de la quantité d’ajouts sur le pH de la solution porale (temps de cure : 90 jours, procédure P3)

- Les suspensions cimentaires

Le pH de suspensions cimentaires de rapport S / L (masse de solide / masse de liquide) = 1 / 1 a été mesuré sous atmosphère inerte (avec L = eau décarbonatée) et sous air (avec L = eau déionisée). La différence de valeurs de pH n’excède pas 0,1

% d’additions minérales p H CA CEM I % d’additions minérales p H CA CEM I Temps de cure Temps de cure

7 jours 30 jours 90 jours

7 jours 30 jours 90 jours

p

H

p

H

CEM I + 40 % d’ajouts CA + 30 % d’ajouts

Temps de cure

Temps de cure

7 jours 30 jours 90 jours

7 jours 30 jours 90 jours

p

H

p

H

unité. Cependant, il est tout de même préférable d’effectuer les mesures de pH sous atmosphère inerte.

L’utilisation de suspensions implique des problèmes de dissolution des phases solides mais surtout de dilution. Pour connaître l’impact d’une telle dissolution sur les valeurs de pH, trois rapports S/L sont étudiés : 1/1, 1/5 et 1/9.

Les résultats sont données sur la Figure I - 13. Ils montrent que la quantité d’eau utilisée a un impact sur la valeur de pH et que plus cette quantité est élevée plus le pH est faible. Ce phénomène est cependant plus marqué pour les pâtes à base de ciment alumineux.

Figure I - 13 : Influence du rapport S / L sur les valeurs de pH des différentes pâtes de ciment (temps de cure 30 jours)

Ces résultats sont en bon accord avec ceux de Räsänen et Penttala [RAS 04] (Figure I - 14).

Figure I - 14 : Effet de la quantité de solide dans la suspension cimentaire sur le pH du béton (NSC : CEM II 42,5R, NSWC : ciment blanc Portland CEM I 52,5, HSC : 94 % CEM II 42,5R + 6 %

fumée de silice)

L’augmentation de pH avec la proportion de solide dans la suspension cimentaire est d’autant plus importante que le matériau possède une forte teneur en alcalins. En effet, l’augmentation de pH est similaire (droites parallèles) pour les bétons NSC et

HSC (NSC, HSC : Na2Oeq = 1,43 %), elle est cependant beaucoup plus faible pour le

béton NSWC (NSWC : Na2Oeq = 0,29 %) qui contient moins d’alcalins. Ce

phénomène est à relier à une dilution des alcalins lorsque la proportion d’eau dans la suspension cimentaire augmente.

p H pH % d’additions minérales % d’additions minérales CEM I CA p H pH % d’additions minérales % d’additions minérales CEM I CA p H % de béton broyé NSC 7 j NSWC 7 j HSC 180 j p H % de béton broyé NSC 7 j NSWC 7 j HSC 180 j

- Comparaison des deux méthodes

Les pH obtenus avec l’extraction de solution interstitielle par compression et les suspensions cimentaires sont comparés dans la Figure I - 15.

Figure I - 15 : Comparaison des pH obtenus mesurés à partir de la solution extraite (procédure P4) et à partir des suspensions cimentaires (S / L = 1 et 1/9)

Dans le cas du ciment Portland, les résultats entre la méthode utilisant l’extraction de solutions interstitielles et les suspensions (de rapport S/L = 1 ou 1/9) sont semblables. Ces résultats sont en bon accord avec ceux de Räsänen et Pentalla [RAS 04] qui trouvent une similitude entre les pH mesurés à partir d’extraction de solution porale et de suspensions cimentaires (rapport S / L = 0,5 et 0,8) (Tableau I - 28).

Différence entre pH des ESI et pH des suspensions (S / L

= 0,8)

Différence entre pH des ESI et pH des suspensions (S / L

= 0,5) Mortier (ciment alumineux +

ciment Portland) (E /C = 0,28) 0,06 (0,22) 0 (0,38) Béton CEM I 52,5 (peu dosé

en alcalins) (E / C = 0,75) 0,14 (0,04) 0,04 (0,09) Béton CEM II 42,5 (E / C =

0,75) 0,11 (0,11) 0,25 (0,12)

ESI = extraction de solution interstitielle

Entre parenthèses, apparaît la déviation standard.

Tableau I - 28 : Comparaison des pH mesurés selon les deux méthodes pour 2 bétons et un mortier

Conclusions

Une méthode simple permettant de déterminer le pH de différents liants a été mise au point. Cette méthode consiste à utiliser des suspensions. Le protocole suivant est recommandé :

• Le rapport S / L optimal est 1 / 1.

• Bien qu’il ait été démontré que la présence de CO2 n’affectait pas la valeur de

pH, il est préférable de travailler sous atmosphère inerte et d’utiliser des suspensions contenant de l’eau décarbonatée.

• Hidalgo et al. préconisent un temps d’agitation de 3 minutes. Räsänen et Penttala ont testé différents temps de mise en suspension dans l’eau (1 min à 1 semaine) avant la mesure de pH. Le pH augmente avec le temps de mise en contact du matériau cimentaire avec l’eau (Figure I - 16).

p

H

p

H

30 jours

7 jours 90 jours 7 jours

Temps de cure Temps de cure

CEM I + 40 % d’ajouts CA + 30 % d’ajouts

p

H

p

H

30 jours

7 jours 90 jours 7 jours

Temps de cure Temps de cure

Figure I - 16 : Effet du temps d’agitation de la suspension cimentaire sur la valeur de pH

Le pH augmente cependant de 0,07 unité à 0,14 unité selon la formulation testée. Pour la suite de l’étude, le temps d’agitation fait l’objet d’un compromis Il doit être suffisamment élevé pour qu’un équilibre chimique s’établisse dans la suspension et assez faible pour que la poursuite des réactions d’hydratation du ciment soit minime. Il a été décidé qu’un temps de 24 h serait utilisé.

Il a aussi été établi que :

• Dans la méthode par extraction, le préconditionnement des échantillons (P1, P2, P3 et P4) n’affecte pas la valeur du pH.

• Le rapport S / L utilisé dans les suspensions influe sur les valeurs de pH. Celles-ci diminuent lorsque la quantité d’eau augmente.